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03/03/2020 | FRANCE | N°19PA00621

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 03 mars 2020, 19PA00621


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler le titre de recette n° 2012/61381 émis à son encontre le 4 octobre 2012 pour un montant de

804 720 F CFP par le centre hospitalier de la Polynésie française, l'avis à tiers détenteur du

26 août 2015 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux, d'enjoindre au trésorier du centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF) de prendre une nouvelle décision dans un délai d'un mois à com

pter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de reta...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler le titre de recette n° 2012/61381 émis à son encontre le 4 octobre 2012 pour un montant de

804 720 F CFP par le centre hospitalier de la Polynésie française, l'avis à tiers détenteur du

26 août 2015 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux, d'enjoindre au trésorier du centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF) de prendre une nouvelle décision dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de mettre à la charge du CHPF une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1700338 du 30 octobre 2018, le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé le titre de recette n° 2012/61381 et a mis à la charge du centre hospitalier de la Polynésie française une somme de 200 000 F CFP à verser à Mme C... au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 février 2019 régularisée le 15 février 2019, le centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF), représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1700338 du 30 octobre 2018 du tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) de rejeter les demandes de Mme C... ;

3°) de mettre à la charge de cette dernière la somme de 150 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions dirigées contre le titre de recette sont irrecevables, le recours intervenu à son encontre étant tardif ; il incombait à Mme C... de veiller à faire suivre son courrier lors de son déménagement ou d'indiquer quelle était sa nouvelle adresse ; il est en outre établi que cette dernière en a eu connaissance par l'intermédiaire du commandement de payer et de l'avis à tiers détenteur (ATD) ;

- pour bénéficier des dispositions du décret du 26 décembre 1994, Mme C... doit établir avoir effectué les démarches nécessaires auprès de son organisme social en vue de sa prise en charge effective, ce en quoi elle est défaillante alors même que la marche à suivre lui avait été indiquée ; l'établissement n'est pas en mesure d'obtenir le remboursement des frais directement auprès des caisses ; le litige susceptible d'intervenir entre l'assurée et son organisme social n'est pas opposable à l'établissement de santé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mai 2019, Mme C..., représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 2 000 euros soit mis à la charge du CHPF au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la preuve de la notification du titre de recette, le 10 octobre 2012, n'est pas rapportée, par ailleurs, le titre exécutoire et le commandement de payer ont été envoyés à une adresse provisoire qui n'était plus la sienne, en Polynésie française ; elle n'était pas tenue de déclarer aux administrations son adresse postale figurant sur son dossier médical nécessairement communiquée à l'établissement de santé lors de son hospitalisation, ainsi que sur la convention de stage transmise à l'administration et qui est celle à laquelle l'ATD lui a été adressé ; faute de communication de l'avis des sommes à payer, du montant et de la nature du fait générateur et des textes applicables relatifs aux sommes dues, elle n'a pas reçu les indications relatives au paiement, en conséquence de quoi ses conclusions étaient recevables ;

- en tant qu'affiliée à la Sécurité sociale métropolitaine, elle pouvait bénéficier durant son séjour temporaire sur le territoire de la Polynésie française des prestations en nature de l'assurance-maladie servies par la Caisse de prévoyance sociale (CPS) conformément aux accords de coordination entre la Sécurité sociale et la CPS, sous réserve du respect de certaines conditions, limitativement énumérées à l'article 18 du décret 26 décembre 1994 portant coordination des régimes métropolitains et polynésiens de sécurité sociale et auxquelles elle répondait pour avoir été assurée au régime métropolitain du 13 au 17 août 2012, ce sans autre démarche à effectuer ;

- à titre subsidiaire, ses conclusions dirigées contre l'ATD et la décision implicite de rejet de son recours gracieux reçu le 21 octobre 2015 sont recevables ; faute de transmission de l'ampliation du titre de recette, la compétence de son auteur n'est pas justifiée de même que le bien-fondé de la créance au sens de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales.

Par ordonnance du 12 novembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au

31 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le décret n° 94-1146 du 26 décembre 1994 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Pena, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Au cours de l'année universitaire 2011-2012, Mme C..., alors étudiante, a séjourné sur le territoire de la Polynésie française dans le cadre d'un stage obligatoire pour l'obtention d'un Master II. Pendant ce stage, Mme C... a été hospitalisée une demi-journée par mois, de février à août 2012 au sein du centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF). Du 13 février au

12 août 2012 inclus, elle a bénéficié d'une couverture sociale d'assurance maladie dans le cadre des accords de coordination des régimes polynésiens et métropolitains de sécurité sociale, en application du décret n°94-1146 du 26 décembre 2014. Du 13 au 17 août 2012, les actes médicaux dont elle a bénéficié n'ont en revanche plus été pris en charge par la Caisse de Prévoyance Sociale (CPS) de la Polynésie française. Elle a quitté la Polynésie française pour rejoindre la métropole le 23 août 2012. Le trésorier du CHPF a émis à son encontre, le 4 octobre 2012, un titre de recette n°2012/061381 pour un montant de 804 720 F CFP correspondant aux frais médicaux exposés du 13 au

17 août 2012. En l'absence de paiement, par lettre recommandée avec accusé de réception non réclamée et retournée à son expéditeur le 20 mai 2015, un commandement de payer a été notifié à Mme C... pour un montant, frais inclus de 828 862 F CFP (6 945,86 euros). Un avis à tiers détenteur a ensuite été émis, le 14 septembre 2015, daté du 26 août 2015. Le 2 octobre 2015,

Mme C... a contesté devoir la somme réclamée auprès du comptable public. Le CHPF fait appel du jugement du 30 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé le titre de recette n° 2012/61381.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Aux termes de l'article 117 du décret du 7 novembre 2012 : " Les titres de perception émis en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales peuvent faire l'objet de la part des redevables (...) d'une opposition à l'exécution en cas de contestation de l'existence de la créance, de son montant ou de son exigibilité (...) ". Aux termes de l'article 118 de ce même décret : " Avant de saisir la juridiction compétente, le redevable doit adresser une réclamation appuyée de toutes justifications utiles au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer. / La réclamation doit être déposée, sous peine de nullité (...) En cas d'opposition à l'exécution d'un titre de perception, dans les deux mois qui suivent la notification de ce titre ou du premier acte de poursuite qui procède du titre en cause (...). / L'autorité compétente délivre un reçu de la réclamation, précisant la date de réception de cette réclamation. Elle statue dans un délai de six mois (...). A défaut d'une décision notifiée dans ces délais, la réclamation est considérée comme rejetée. ". Aux termes de l'article 119 de ce décret : " Le débiteur peut saisir la juridiction compétente dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la décision prise sur sa réclamation ou, à défaut de cette notification, dans un délai de deux mois à compter de la date d'expiration des délais prévus à l'article 118. ". Il en résulte que le non-respect de l'obligation d'informer le débiteur sur les voies et les délais de recours, prévue par la première de ces dispositions, ou l'absence de preuve qu'une telle information a été fournie, est de nature à faire obstacle à ce que le délai de forclusion, prévu par les dispositions du décret relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, lui soit opposable.

3. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable.

4. S'agissant des titres exécutoires, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait son destinataire, le délai raisonnable ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle le titre, ou à défaut, le premier acte procédant de ce titre ou un acte de poursuite a été notifié au débiteur ou porté à sa connaissance.

5. Le CHPF soutient devant la Cour que la demande de Mme C..., enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille le 11 septembre 2017 et transmise au tribunal administratif de la Polynésie française, n'a pas été présentée dans un délai raisonnable, dès lors notamment que l'intéressée a pris connaissance du titre de perception en date du 4 octobre 2012, le

14 septembre 2015, lors de la notification de l'avis de saisie à tiers détenteur. Il ressort en effet des pièces du dossier que Mme C... a reçu notification le 14 septembre 2015 de l'ATD tendant au recouvrement de frais médicaux mis à sa charge par le CHPF, lequel mentionnait le titre de perception du 4 octobre 2012. Dans ces conditions, quand bien même Mme C... aurait-elle formé un recours contre cet acte de recouvrement le 2 octobre 2015, l'absence de réponse par l'administration à ce recours et l'absence de mention des voies et délais de recours existants contre ces actes ne constituant pas des circonstances particulières au sens du principe rappelé au point 3, le recours contentieux qu'elle a formé le 11 septembre 2017 est intervenu au-delà du délai raisonnable d'un an dont elle disposait pour contester, tant le bien-fondé de la créance que l'avis à tiers détenteur, les circonstances qu'elle invoque, tirées de l'absence de preuve de la notification du titre de recette, le 10 octobre 2012, de ce que le titre exécutoire et le commandement de payer ont été envoyés à une adresse provisoire, de l'absence d'obligation d'informer le CHPF de sa nouvelle adresse qui aurait figuré sur d'autres pièces et est celle à laquelle l'ATD lui a été adressé n'étant pas de nature à prolonger le délai susvisé. Il en va de même de l'argumentation relative à l'absence de communication du montant, du fait générateur et des textes applicables, les termes de son recours préalable du 2 octobre 2015 révélant que Mme C... avait connaissance de nature de la créance en cause. Par suite, les conclusions aux fins d'annulation et de décharge de l'obligation de payer la somme faisant l'objet du titre exécutoire du 4 octobre 2012 et de l'ATD du 14 septembre 2015 enregistrées au greffe du tribunal le 9 février 2017 étaient tardives.

6. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que le CHPF est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Polynésie française a annulé le titre de perception et, d'autre part, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le même jugement, les premiers juges ont rejeté ses conclusions dirigées contre l'avis à tiers détenteur.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CHPF, qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande Mme C... au titre des frais liés à l'instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge du CHPF les mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de la Polynésie française du

30 octobre 2018 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de première instance de Mme C..., dirigées contre le titre de recette

n° 2012/61381 et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions d'appel des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., au centre hospitalier de la Polynésie française et au trésorier du centre hospitalier de la Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 6 février 2020, à laquelle siégeaient :

- M. D..., premier vice-président,

- Mme A..., premier conseiller,

- Mme Mornet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 mars 2020.

Le rapporteur,

M.D. A...Le président,

M. D...

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA00621


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00621
Date de la décision : 03/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : SELARL PIRIOU QUINQUIS BAMBRIDGE-BABIN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-03-03;19pa00621 ?
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