Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'Association pour la gestion des restaurants des administrations financières (AGRAF) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 30 juin 2017 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement pour motif disciplinaire de Mme E... ainsi que la décision implicite née le 12 août 2017 et la décision du 21 février 2018 de la ministre du travail rejetant le recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail.
Par un jugement n°1802849/3-3 du 23 octobre 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de l'AGRAF.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 décembre 2018, l'Association pour la gestion des restaurants des administrations financières (AGRAF), représentée par la SCP Fromont Briens, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°1802849/3-3 du tribunal administratif de Paris du 23 octobre 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 30 juin 2017 de l'inspecteur du travail portant refus d'autorisation de licenciement de Mme E... ;
3°) d'annuler la décision du 21 février 2018 de la ministre du travail portant rejet de son recours hiérarchique contre la décision de l'inspecteur du travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement du tribunal administratif est insuffisamment motivé, faute pour les premiers juges d'avoir précisé en quoi ils considéraient que les faits reprochés ne présentaient pas un caractère suffisant de gravité sans pour autant se prononcer sur le caractère délibéré et répété des faits reprochés à la salariée ;
- les décisions attaquées sont entachées d'erreur d'appréciation ; la matérialité de l'ensemble des cinq griefs reprochés à Mme E... est établie ; ces faits, délibérés, répétés, et pour partie reconnus, sont constitutifs d'une méconnaissance par Mme E... de ses obligations contractuelles et du règlement intérieur, eu égard à ses fonctions et responsabilités ; ils ont entraîné un préjudice financier et un trouble au sein de l'établissement, sont en conséquence fautifs et d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de la salariée sans qu'y fassent obstacle son ancienneté et l'absence de sanction disciplinaire antérieure.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête d'appel de l'AGRAF ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction est intervenue le 18 novembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant l'AGRAF.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... a été recrutée par l'Association pour la gestion des restaurants des administrations financières (AGRAF) le 1er juillet 1993, en qualité d'employée de restaurant, responsable de satellite. Elle a été élue déléguée du personnel titulaire, le 21 janvier 2015. Le 2 mai 2017, l'AGRAF a saisi l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de la licencier pour motif disciplinaire. Par une décision du 30 juin 2017, ce dernier a rejeté cette demande. Sur recours hiérarchique, par une décision du 21 février 2018, la ministre du travail a confirmé la décision de l'inspecteur du travail. L'Association pour la gestion des restaurants des administrations financières relève appel du jugement du 23 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation des décisions de l'inspecteur et de la ministre du travail.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des points 3 à 9 du jugement attaqué que le tribunal, après s'être prononcé sur chacun des griefs invoqués par l'employeur et avoir considéré que la matérialité de trois d'entre eux étaient établie, a écarté le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur d'appréciation au motif que ces trois faits ne pouvaient être regardés, pris dans leur ensemble, comme présentant un caractère de gravité suffisant pour justifier une mesure de licenciement d'un salarié protégé sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur caractère délibéré. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments présentés en défense par l'Association pour la gestion des restaurants des administrations financières, et notamment à celui tiré du caractère délibéré ou non des actes de Mme E..., ont ainsi suffisamment motivé leur jugement. Le moyen d'irrégularité du jugement soulevé par l'association requérante doit ainsi être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
4. Il ressort des pièces du dossier que la matérialité des griefs tirés de ce que les enfants de Mme E... et une amie ont bénéficié de repas gratuits au sein du restaurant administratif, de la remise gracieuse et quotidienne d'une bouteille de jus de fruits prélevée dans le stock dudit restaurant à l'agent d'accueil du bâtiment et de pâtisseries à une cliente régulière, enfin, de la tolérance de l'attitude fautive d'une autre salariée, faits initialement reconnus par Mme E..., sont établis ; celui tiré de l'absence d'encaissement réitérée de repas consommés par deux clients, en revanche contesté par l'intéressée ne l'est pas, les attestations recueillies par l'employeur de deux autres salariés n'étant pas assez précises et circonstanciées et les relevés de caisse insuffisamment probants.
5. Le grief tiré de la tolérance de l'attitude fautive d'une autre salariée est toutefois trop imprécis pour que sa gravité soit mesurée et les autres faits dont la matérialité est établie et qui sont imputables à Mme E..., s'ils constituent un comportement fautif pouvant justifier une sanction disciplinaire, ne sauraient, pris individuellement comme dans leur ensemble, justifier le licenciement envisagé par l'AGRAF, eu égard notamment à l'ancienneté de Mme E... dans son emploi et à l'absence de tout précédent disciplinaire. Ces faits ne sont ainsi pas d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de l'intéressée. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont pu écarter le moyen tiré de l'erreur d'appréciation du caractère fautif du comportement de la salariée.
6. Il résulte de ce qui précède que l'AGRAF n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 juin 2017 de l'inspecteur du travail et de la décision du 21 février 2018 de la ministre du travail refusant d'autoriser le licenciement de Mme E....
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, verse à l'AGRAF la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'Association pour la gestion des restaurants des administrations financières est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'Association pour la gestion des restaurants des administrations financières, à la ministre du travail et à Mme D... E....
Copie en sera adressée pour information à la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France, Pôle travail, unité territoriale de Paris.
Délibéré après l'audience du 6 février 2020, à laquelle siégeaient :
- M. B..., premier vice-président,
- Mme A..., premier conseiller,
- Mme Mornet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 mars 2020.
Le rapporteur,
M.D. A...Le président,
M. B...
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA03998