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27/02/2020 | FRANCE | N°19PA00754

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 27 février 2020, 19PA00754


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande, enregistrée le 13 septembre 2017 sous le n° 1700331, la société à responsabilité limitée (SARL) Bora Bora Lounge a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la délibération de la commission locale d'agrément et de contrôle (CLAC) du 18 mai 2017 lui infligeant un blâme et une pénalité financière de 3 000 000 F CFP, ensemble la décision implicite de la commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) rejetant son recours administratif formé contr

e cette délibération.

Par une demande, enregistrée le 26 janvier 2018 sous le n° 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande, enregistrée le 13 septembre 2017 sous le n° 1700331, la société à responsabilité limitée (SARL) Bora Bora Lounge a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la délibération de la commission locale d'agrément et de contrôle (CLAC) du 18 mai 2017 lui infligeant un blâme et une pénalité financière de 3 000 000 F CFP, ensemble la décision implicite de la commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) rejetant son recours administratif formé contre cette délibération.

Par une demande, enregistrée le 26 janvier 2018 sous le n° 1800026 la SARL Bora Bora Lounge a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la délibération de la CNAC du 7 décembre 2017 lui infligeant un blâme et une pénalité financière de 3 000 000 F CFP.

Par un jugement nos 1700331, 1800026 du 14 décembre 2018, le tribunal administratif de la Polynésie française a joint les demandes de la SARL Bora Bora Lounge pour y statuer par un seul jugement et a rejeté celles-ci.

Procédure devant la Cour :

I°/ Par une requête enregistrée sous le n° 19PA00754, le 16 février 2019, la SARL Bora Bora Lounge, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1700331, 1800026 du 14 décembre 2018 du tribunal administratif de la Polynésie française en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la délibération de la CLAC du 18 mai 2017 et de la décision implicite de la CNAC rejetant son recours administratif ;

2°) d'annuler la délibération de la CLAC du 18 mai 2017 ;

3°) de mettre à la charge du conseil national des activités privées de sécurité une somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé quant à la réponse apportée par les premiers juges au moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la CLAC ;

- aucun texte réglementaire publié au Journal officiel de la Polynésie française ne prévoit la mise en place de la " commission locale d'agrément et de contrôle de la Polynésie française " ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les moyens tirés de l'irrégularité de la composition de la CLAC étaient inopérants ;

- la délibération de la CLAC a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que :

. cette délibération ne permettait pas d'identifier les membres composant la commission et leurs fonctions,

. la commission était irrégulièrement composée,

. la règle de quorum posée par les articles R. 632-2 et R. 632-9 du code de la sécurité intérieure a été méconnue,

. l'article 29 du règlement intérieur du conseil national des activités privées de sécurité, le principe de transparence et la charte de contrôle du conseil national des activités privées de sécurité ont été méconnus, le rapporteur devant la CLAC ayant réalisé l'audition administrative de M. A... ; en outre, le rapport ne mentionne pas l'identité des contrôleurs et leurs habilitations, ni même s'ils ont présenté leur carte professionnelle lors du contrôle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2020, le conseil national des activités privées de sécurité, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 500 euros soit mise à la charge de la SARL Bora Bora Lounge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés.

II°/ Par une requête enregistrée sous le n° 19PA00756, le 16 février 2019, la SARL Bora Bora Lounge, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1700331, 1800026 du 14 décembre 2018 du tribunal administratif de la Polynésie française en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la délibération de la CNAC du 7 décembre 2017 ;

2°) d'annuler la délibération du 7 décembre 2017 de la commission nationale d'agrément et de contrôle, notifiée par un courrier en date du 18 janvier 2018 ;

3°) de mettre à la charge du conseil national des activités privées de sécurité la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé quant à la réponse apportée par les premiers juges au moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la CLAC ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les moyens tirés de l'irrégularité de la composition de la CLAC étaient inopérants ;

- aucun texte réglementaire publié au Journal officiel de la Polynésie française ne prévoit la mise en place de la " commission locale d'agrément et de contrôle de la Polynésie française " ;

- la délibération de la CLAC a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que :

- cette délibération ne permettait pas d'identifier les membres composant la commission et leur qualité ;

- elle est dépourvue de base légale " tant dans la qualité de la composition que dans les membres " ;

- la commission était irrégulièrement composée ;

- elle n'a pas pu présenter ses observations avant la réunion de la CNAC fixée au 7 décembre 2017 dès lors qu'elle a reçu le rapport établi à la suite de l'instruction de son recours administratif et la convocation à cette réunion le 14 décembre 2017, soit postérieurement à la tenue de cette dernière ;

- la CNAC ne s'étant pas prononcée sur son recours administratif dans le délai de deux mois qui lui était imparti, elle se trouvait dessaisie du dossier à l'expiration de ce délai et ne pouvait plus rendre de décision ; par suite, sa décision du 7 décembre 2017 ne pouvait pas être regardée comme s'étant substituée à la décision de la CLAC du 18 mai 2017 ; la CNAC ne peut pas non plus se substituer au tribunal administratif de la Polynésie française qui a été saisi dès le 14 septembre 2017 ;

- la délibération de la CNAC a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que :

. l'article 29 du règlement intérieur du conseil national des activités privées de sécurité, le principe de transparence et la charte de contrôle du conseil national des activités privées de sécurité ont été méconnus ;

. cette délibération ne permettait pas d'identifier les membres composant la commission et leur qualité ;

. la commission était irrégulièrement composée ; le président de la commission, qui est " avocat général honoraire à la Cour de cassation ", ne pouvait plus être désigné au titre de membre du parquet général ;

. la règle de quorum posée par les articles R. 632-2 et R. 632-9 du code de la sécurité intérieure a été méconnue ;

. l'article R. 632-2 du code de la sécurité intérieure porte atteinte au principe de séparation des pouvoirs, principe à valeur constitutionnelle, en ce que la composition du collège du CNAPS comprend des membres du pouvoir judiciaire ; pour le même motif, le décret n° 2016-515 du 26 avril 2016 relatif aux conditions d'exercice des activités privées de sécurité et au Conseil national des activités privées de sécurité est illégal ;

. la CNAC était tenue de suivre la proposition du rapporteur de la séance disciplinaire quant à la sanction à lui infliger ;

. la décision de la CNAC méconnaît le principe général de droit relatif à la proportionnalité ; en particulier, le rapporteur avait proposé un blâme et une amende de 2 500 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2019, le conseil national des activités privées de sécurité, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 500 euros soit mise à la charge de la SARL Bora Bora Lounge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés.

Par un courrier en date du 20 janvier 2020, les parties ont été informées de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la décision de la commission locale d'agrément et de contrôle de la Polynésie française du 18 mai 2017 dès lors que la décision de la commission nationale d'agrément et de contrôle du 7 décembre 2017, notifiée par un courrier en date du 18 janvier 2018, prise à la suite du recours administratif obligatoire prévu par l'article L. 633-3 du code de la sécurité intérieure, s'est substituée à cette décision en application de l'article R. 633-9 du même code.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code de l'organisation judiciaire ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- et les observations de Me D... substituant Me C..., avocat du conseil national des activités privées de sécurité.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Bora Bora Lounge a pour activité l'exploitation d'un fonds de commerce de restauration et de plats à emporter, bar de nuit et discothèque et emploie seize salariés dont deux agents de sécurité. Lors du contrôle de cet établissement les 1er, 3 et 4 octobre 2016, les agents du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) ont relevé plusieurs manquements. Par une délibération du 18 mai 2017, la commission locale d'agrément et de contrôle (CLAC) de la Polynésie française a décidé d'infliger à la SARL Bora Bora Lounge un blâme et une pénalité financière de 3 000 000 F CFP (25 140 euros). Par un courrier en date du 9 juillet 2017, reçu le 12 juillet 2017, la société a formé auprès de la commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) le recours préalable obligatoire prévu par l'article L. 633-3 du code de la sécurité intérieure. Ce recours a été rejeté par une décision implicite née le 12 septembre 2017. Par une première demande, enregistrée le 13 septembre 2017 sous le n° 1700331, la SARL Bora Bora Lounge a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la délibération de la CLAC du 18 mai 2017, ensemble la décision implicite de la CNAC rejetant son recours administratif. Une décision expresse de la CNAC est ensuite intervenue le 7 décembre 2017, notifiée par un courrier en date du 18 janvier 2018, infligeant à la SARL Bora Bora Lounge un blâme et une pénalité financière de 3 000 000 F CFP (25 140 euros). Par une seconde demande, enregistrée le 26 janvier 2018 sous le n° 1800026, la SARL Bora Bora Lounge a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler cette décision. Par un jugement nos 1700331, 1800026 du 14 décembre 2018, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté les demandes de la SARL Bora Bora Lounge. Cette dernière relève appel, par les deux requêtes susvisées, de ce jugement.

2. Les deux requêtes se rapportant à un même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la recevabilité des conclusions à fin d'annulation de la délibération du 18 mai 2017 de CLAC :

3. L'article L. 633-3 du code de la sécurité intérieure dispose que : " Tout recours contentieux formé par une personne physique ou morale à l'encontre d'actes pris par une commission d'agrément et de contrôle est précédé d'un recours administratif préalable devant la Commission nationale d'agrément et de contrôle, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. ". Aux termes de l'article R. 633-9 du même code : " Le recours administratif préalable obligatoire devant la Commission nationale d'agrément et de contrôle prévu à l'article L. 633-3 peut être exercé dans les deux mois de la notification, par la commission locale d'agrément et de contrôle, de la décision contestée. Cette notification précise les délais et les voies de ce recours. Toute décision de la Commission nationale d'agrément et de contrôle se substitue à la décision initiale de la commission locale d'agrément et de contrôle. (...) ".

4. L'institution par ces dispositions d'un recours administratif préalable obligatoire à la saisine du juge a pour effet de laisser à l'autorité compétente pour en connaître le soin d'arrêter définitivement la position de l'administration. Il s'ensuit que la décision prise à la suite du recours se substitue nécessairement à la décision initiale et qu'elle est seule susceptible d'être déférée au juge de la légalité.

5. La SARL Bora Bora Lounge soutient que la décision du 7 décembre 2017 par laquelle la CNAC s'est prononcée sur son recours administratif formé contre la délibération de la CLAC du 18 mai 2017 ne peut être regardée comme s'étant substituée à cette délibération dès lors que ne s'étant pas prononcée dans le délai de deux mois qui lui était imparti, la CNAC était, à l'expiration de ce délai, dessaisie de son recours. Toutefois, aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit que la CNAC est tenue de statuer expressément sur le recours administratif dont elle est saisie dans un délai de deux mois à peine de dessaisissement. Ainsi, et même si la société requérante avait saisi dès le 13 septembre 2017 le tribunal administratif de la Polynésie française d'une demande tendant à l'annulation de la délibération de la CLAC du 18 mai 2017 et de la décision implicite de la CNAC rejetant son recours administratif née le 12 septembre 2017, la CNAC a pu régulièrement se prononcer sur le recours formé par la société requérante par une décision du 7 décembre 2017. Par suite, la décision de la CNAC du 7 décembre 2017 s'étant entièrement substituée à la délibération de la CLAC du 18 mai 2017, les conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision initiale de la CLAC, dépourvues d'objet, ne sont pas recevables.

Sur la régularité du jugement attaqué :

6. Il ressort des points 2 et 5 du jugement attaqué qu'après avoir cité les dispositions des articles L. 633-3 du code de la sécurité intérieure instituant un recours administratif préalable devant la CNAC et celles de l'article R. 633-9 du même code selon lesquelles " Toute décision de la Commission nationale d'agrément et de contrôle se substitue à la décision initiale de la commission locale d'agrément et de contrôle ", le tribunal a jugé que la procédure suivie devant la CNAC dans le cadre du recours préalable obligatoire s'était entièrement substituée à celle suivie devant la CLAC et que par suite, les moyens tirés de l'irrégularité de la composition de la CLAC étaient inopérants. Le tribunal a ainsi exposé de façon suffisamment précise les motifs pour lesquels il a écarté ces moyens. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de la CNAC du 7 décembre 2017 :

En ce qui concerne les moyens tirés de l'illégalité de la décision initiale de la CLAC :

7. Si l'exercice du recours administratif mentionné au point 4 a pour but de permettre à la CNAC, dans la limite de ses compétences, de remédier aux illégalités dont pourrait être entachée la décision initiale de la CLAC, sans attendre l'intervention du juge, la décision prise sur le recours n'en demeure pas moins soumise elle-même au principe de légalité. Si le requérant ne peut invoquer utilement des moyens tirés des vices propres à la décision initiale, lesquels ont nécessairement disparu avec elle, il est recevable à exciper de l'irrégularité de la procédure suivie devant la CLAC.

8. Les moyens tirés de l'incompétence de la CLAC, dont l'existence a, en tout état de cause, été prévue en Polynésie française tant par l'article R. 645-4 du code de la sécurité intérieure que par l'arrêté ministériel du 10 novembre 2015 portant nomination des membres de la CLAC en Polynésie française, de l'irrégularité de sa composition, de la méconnaissance de la règle de quorum prévue par l'article R. 633-5 du code de la sécurité intérieure et de l'absence de mention dans la délibération de la CLAC des noms et fonctions de ses membres constituent des vices propres de la décision de la CLAC du 18 mai 2017. Par suite, ces moyens doivent être écartés comme inopérants.

9. Il résulte de l'instruction que la CNAC, qui a procédé à une nouvelle instruction du dossier de la société requérante et a désigné un nouveau rapporteur, ne s'est pas fondée pour prendre sa décision sur le rapport de la CLAC, ni sur les déclarations de M. A... recueillies par le rapporteur de la CLAC selon lesquelles celui-ci aurait été recruté illégalement par la société requérante postérieurement au contrôle des agents du conseil national des activités privées de sécurité. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie devant la CLAC du fait de la méconnaissance de l'article 29 du règlement intérieur du conseil national des activités privées de sécurité, du principe de transparence et de la charte de contrôle du conseil national des activités privées de sécurité est inopérant et doit être écarté.

En ce qui concerne la composition de la CNAC :

10. Aux termes de l'article R. 632-2 du code de la sécurité intérieure : " Le collège du Conseil national des activités privées de sécurité comprend : 1° Onze représentants de l'Etat : (...) c) Le directeur général de la police nationale ou son représentant ; d) Le directeur général de la gendarmerie nationale ou son représentant ; (...) f) Le directeur général du travail au ministère chargé du travail ou son représentant ; g) Le directeur général des entreprises au ministère chargé des finances ou son représentant ;h) Le directeur général de l'aviation civile au ministère chargé des transports ou son représentant ; (...) k) Le directeur de la sécurité sociale au ministère chargé de la sécurité sociale ou son représentant ; 2° Un membre du Conseil d'Etat désigné par le vice-président du Conseil d'Etat ; 3° Un membre du parquet général près la Cour de cassation désigné par le procureur général près la Cour de cassation ; 4° Huit personnes issues des activités privées de sécurité mentionnées aux articles L. 611-1 et L. 621-1, nommées par le ministre de l'intérieur parmi celles proposées par les organisations professionnelles de sécurité privée dont : a) Quatre au titre des activités de surveillance et de gardiennage ; b) Une au titre des activités de télésurveillance et des opérateurs privés de vidéoprotection ; c) Une au titre des activités de transport de fonds ; d) Une au titre des activités de sûreté aéroportuaire ; e) Une au titre des activités des agences de recherches privées (...) ".

11. Aux termes de l'article R. 632-9 du même code : " La Commission nationale d'agrément et de contrôle comprend : 1° Les membres du collège représentant l'Etat désignés aux c, d, f, g, h et k du 1° de l'article R. 632-2 ; 2° Les membres des juridictions désignés aux 2° et 3° du même article ; 3° Deux membres titulaires et deux membres suppléants nommés par le ministre de l'intérieur parmi les membres représentant les professionnels désignés au 4° du même article. L'un au moins des membres titulaires est choisi parmi les représentants désignés au titre du a du 4° du même article. L'un au moins des membres suppléants est choisi parmi les représentants désignés au titre des b, c, d ou e du 4° du même article ". Aux termes de l'article R. 632-12 du même code : " La Commission nationale d'agrément et de contrôle se réunit sur convocation de son président, qui fixe l'ordre du jour. Elle ne peut valablement délibérer que si, pour la moitié au moins, ses membres sont présents ou représentés à la séance. Si le quorum n'est pas atteint, la commission est à nouveau convoquée sur le même ordre du jour dans un délai de huit jours. Elle délibère alors sans condition de quorum. Les décisions sont prises à la majorité des membres présents ou représentés. En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante. Les membres désignés au 2° de l'article R. 632-9 peuvent donner, par écrit, mandat à un autre membre de la Commission nationale désigné au 1° ou au 2° du même article de les représenter à une séance. Chaque membre ne peut recevoir qu'un seul mandat. Le président du collège et le délégué aux coopérations de sécurité au ministère de l'intérieur assistent aux séances de la Commission nationale d'agrément et de contrôle, hors formation de recours, avec voix consultative. Le président de la Commission nationale peut appeler le directeur de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale ou son représentant à participer aux séances avec voix consultative. ".

12. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la décision de la CNAC a été prise à l'issue de la séance du 7 décembre 2017 qui réunissait six de ses membres dont son président. Par suite, le moyen tiré de ce que la règle de quorum prévue à l'article R. 632-12 du code de la sécurité intérieure aurait été méconnue doit être écarté.

13. En deuxième lieu, il ressort des mentions de la décision de la CNAC du 7 décembre 2017 que celle-ci a été signée par son président dont les nom et prénom ainsi que la qualité et les fonctions sont précisées. Cette décision mentionne également les qualités des autres membres ayant siégé lors de la séance du 7 décembre 2017. La seule circonstance qu'elle ne mentionne pas le nom de ces membres n'est pas de nature à elle seule à établir que la formation aurait siégé selon une composition irrégulière. Par ailleurs, le conseil national des activités privées de sécurité a produit la liste d'émargement de la séance du 7 décembre 2017 comportant le nom et la qualité des personnes qui ont siégé. Il s'ensuit que la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne serait pas en mesure de contester utilement la régularité de la composition de la CNAC.

14. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 111-5 du code de l'organisation judiciaire : " Lorsque la participation à une commission administrative ou à un jury de concours ou d'examen d'un magistrat en fonction dans les cours, les tribunaux de grande instance et les tribunaux d'instance, est prévue par une disposition législative ou réglementaire, l'autorité chargée de sa désignation peut porter son choix sur un magistrat honoraire du même rang acceptant cette mission. ".

15. Il résulte des dispositions précitées que le procureur général près de la Cour de cassation pouvait légalement désigner M. Claude Mathon, avocat général honoraire à la Cour de cassation, à fin d'exercer les fonctions de président de la CNAC.

16. En quatrième et dernier lieu, la SARL Bora Bora Lounge soutient, d'une part, que les dispositions de l'article R. 632-2 du code de la sécurité intérieure portent atteinte au principe de la séparation des pouvoirs et, d'autre part, que, pour ce même motif, le décret n° 2016-515 du 26 avril 2016 relatif aux conditions d'exercice des activités privées de sécurité et au Conseil national des activités privées de sécurité en tant qu'il prévoit la présence de membres du pouvoir judiciaire au sein de la CNAC, " autorité administrative indépendante ", est entaché d'illégalité. Toutefois, en l'absence de précisions apportées par la société requérante quant aux atteintes qui seraient portées au principe de la séparation des pouvoirs, ces moyens doivent être, en tout état de cause, écartés.

En ce qui concerne la nature juridique de l'avis du rapporteur devant la CNAC :

17. Aucune disposition législative ou réglementaire ni même aucun principe n'impose à la CNAC, lorsqu'elle statue sur un recours administratif formé contre une décision de la CLAC, de suivre l'avis de son rapporteur. Ainsi, en l'espèce, même si le rapporteur a proposé d'infliger à la SARL Bora Bora Lounge une pénalité financière d'un montant de 2 500 euros, la CNAC pouvait retenir une pénalité financière d'un montant supérieur.

En ce qui concerne le respect des droits de la défense :

18. Aux termes de l'article L. 634-4 du code de la sécurité intérieure : " Tout manquement aux lois, règlements et obligations professionnelles et déontologiques applicables aux activités privées de sécurité peut donner lieu à sanction disciplinaire. Le Conseil national des activités privées de sécurité ne peut être saisi de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction. Les sanctions disciplinaires applicables aux personnes physiques et morales exerçant les activités définies aux titres Ier, II et II bis sont, compte tenu de la gravité des faits reprochés : l'avertissement, le blâme et l'interdiction d'exercice de l'activité privée de sécurité ou de l'activité mentionnée à l'article L. 625-1 à titre temporaire pour une durée qui ne peut excéder cinq ans. En outre, les personnes morales et les personnes physiques non salariées peuvent se voir infliger des pénalités financières. Le montant des pénalités financières est fonction de la gravité des manquements commis et, le cas échéant, en relation avec les avantages tirés du manquement, sans pouvoir excéder 150 000 €. Ces pénalités sont prononcées dans le respect des droits de la défense. ", aux termes de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 (aux nombre desquelles figurent les décisions qui infligent une sanction) n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'administration n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique. " et enfin, aux termes de l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, entré en vigueur le 1er janvier 2016 : " les mesures mentionnées à l'article L. 121-1 à caractère de sanction ne peuvent intervenir qu'après que la personne en cause a été informée des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de demander la communication du dossier la concernant ".

19. La société requérante soutient, d'une part, qu'une convocation lui a été adressée par courrier recommandé du 17 novembre 2017 l'invitant à présenter de nouvelles observations écrites ou encore orales lors de la réunion de la commission du 7 décembre 2017 mais qu'ayant reçu ce courrier que le 14 décembre, soit une semaine après la tenue de la réunion, elle a ainsi été privée de la possibilité de présenter ses observations sur ce rapport et, d'autre part, que ce rapport a été adressé à son conseil le 28 novembre 2017, soit moins de quinze jours avant la tenue de la réunion, et qu' un tel délai était insuffisant pour pouvoir utilement présenter des observations. Toutefois, ainsi qu'il résulte de ce qui précède, la requérante était représentée au cours de la procédure par son avocat, lequel a disposé d'un délai d'une semaine pour présenter ses observations sur ce rapport devant la commission, ce qui, eu égard à la circonstance que le rapport en question n'apportait rien de nouveau au regard du contenu du rapport de contrôle de l'établissement puis du rapport du rapporteur devant la commission locale, constituait un délai suffisant. En conséquence, le moyen tiré de l'absence de respect des droits de la défense doit être écarté.

En ce qui concerne la sanction et la pénalité financière infligées à la SARL Bora Bora Lounge :

20. L'article L. 634-4 du code de la sécurité intérieure dispose que : " Tout manquement aux lois, règlements et obligations professionnelles et déontologiques applicables aux activités privées de sécurité peut donner lieu à sanction disciplinaire.(...) Les sanctions disciplinaires applicables aux personnes physiques et morales exerçant les activités définies aux titres Ier et II sont, compte tenu de la gravité des faits reprochés : l'avertissement, le blâme et l'interdiction d'exercice de l'activité privée de sécurité à titre temporaire pour une durée qui ne peut excéder cinq ans. En outre, les personnes morales et les personnes physiques non salariées peuvent se voir infliger des pénalités financières. Le montant des pénalités financières est fonction de la gravité des manquements commis et, le cas échéant, en relation avec les avantages tirés du manquement, sans pouvoir excéder 150 000 €. (...). ".

21. Il ressort des termes de la décision du 7 décembre 2017 que pour prononcer à l'encontre de la SARL Bora Bora Lounge la sanction du blâme assortie d'une pénalité financière d'un montant de 25 140 euros, la CNAC a retenu plusieurs manquements tirés de ce que la société n'avait entrepris, à la date du contrôle, aucune démarche tendant à l'autorisation de fonctionnement de son service interne de sécurité employant au moins deux agents, en méconnaissance des dispositions combinées des articles L. 612-9 et L. 612-25 du code de la sécurité intérieure, de ce que l'un des salariés affecté à des missions de sécurité privée n'était pas titulaire de la carte professionnelle exigée par les dispositions de l'article L. 612-20 du même code, de ce que la société n'avait pas remis cette carte à deux de ses salariés, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 612-18 de ce code, de ce que deux salariés affectés à des missions de sécurité privée, recrutés depuis plusieurs semaines et présents le 1er octobre 2016, n'avaient pas été déclarés à la caisse de prévoyance sociale, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 631-4 du code de la sécurité intérieure qui imposent aux acteurs de la sécurité privée de respecter strictement la législation sociale, de ce que le code de déontologie n'avait pas été remis aux salariés et qu'il n'existait pas de mémento des consignes, en méconnaissance, respectivement, des dispositions des articles R. 613-3 et R. 631-16 du code de la sécurité intérieure. Ces différents manquements ne sont pas contestés par la société requérante. Cette dernière ne peut utilement se prévaloir du " caractère récent de la procédure " et de sa collaboration avec l'administration pour établir que la sanction et la pénalité financière en cause seraient disproportionnées. Eu égard à la gravité et au nombre des manquements commis par la société requérante, et même si aucune autre sanction ne lui a été infligée par la suite et que le rapporteur devant la CNAC avait, comme il a été dit, proposé une pénalité financière d'un montant inférieur, la sanction du blâme et la pénalité financière de 25 140 euros prononcées à son encontre par la CNAC ne présentent pas un caractère disproportionné.

22. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Bora Bora Lounge n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés à l'instance :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du conseil national des activités privées de sécurité, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la SARL Bora Bora Lounge au titre des frais liés à l'instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, par application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la SARL Bora Bora Lounge une somme de 1 000 euros à verser au conseil national des activités privées de sécurité.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de la SARL Bora Bora Lounge sont rejetées.

Article 2 : La SARL Bora Bora Lounge versera au conseil national des activités privées de sécurité la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Bora Bora Lounge et au conseil national des activités privées de sécurité.

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et au Haut-commissaire de la République en Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme E..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 février 2020.

Le rapporteur,

V. E...Le président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

11

N°s 19PA00754, 19PA00756


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00754
Date de la décision : 27/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05 Police. Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SEP UCJ AVOCATS ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-02-27;19pa00754 ?
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