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13/02/2020 | FRANCE | N°19PA03010

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 13 février 2020, 19PA03010


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 24 août 2017 par laquelle le directeur du centre pénitentiaire de Meaux a ordonné le retrait de son ordinateur.

Par jugement n° 1709825 du 19 juillet 2019, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 24 août 2017 du directeur du centre pénitentiaire de Meaux, enjoint à l'autorité administrative compétente de réexaminer la situation M. A... à compter de la notification du jugement et mis à la char

ge de l'État une somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 24 août 2017 par laquelle le directeur du centre pénitentiaire de Meaux a ordonné le retrait de son ordinateur.

Par jugement n° 1709825 du 19 juillet 2019, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 24 août 2017 du directeur du centre pénitentiaire de Meaux, enjoint à l'autorité administrative compétente de réexaminer la situation M. A... à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'État une somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser au conseil de M. A... sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 septembre 2019, la garde des sceaux, ministre de la justice demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1709825 du 19 juillet 2019 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la requête présentée par M. A....

Elle soutient que :

- le matériel retiré présentait un risque pour l'ordre et la sécurité de l'établissement ;

- les autres moyens de première instance sont infondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 novembre 2019, M. A..., représenté par Me H... et Me D..., demande à la Cour :

1°) de rejeter l'appel de la garde des sceaux, ministre de la justice ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la garde des sceaux, ministre de la justice ne sont pas fondés ;

- la décision a été signée par une autorité incompétente ;

- elle méconnait les dispositions de l'article 19 VII du règlement intérieur type des établissements pénitentiaires annexé à l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale, qui permet de disposer d'un ordinateur non communiquant.

Par une décision du 29 novembre 2019 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris, M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E...,

- et les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., détenu antérieurement au centre pénitentiaire du Sud Francilien où il a acquis un ordinateur, s'est vu refuser l'introduction de celui-ci en détention à la suite de son transfert, le 27 avril 2019, au centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin-Neufmontiers. Une décision du 24 août 2017, prise après procédure contradictoire et signée par l'adjointe au chef d'établissement, énonce le retrait de cet ordinateur et son dépôt à la fouille de son propriétaire jusqu'à la libération de celui-ci. La garde des sceaux, ministre de la justice fait appel du jugement du 19 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Melun a annulé cette décision et enjoint à l'autorité administrative compétente de réexaminer la situation M. A....

2. Le VII de l'article 19 du règlement intérieur type des établissements pénitentiaires, annexé à l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale, et qui reprend les dispositions de l'ancien article D. 449-1 du code de procédure pénale cité par la décision attaquée, dispose : " La personne détenue peut acquérir par l'intermédiaire de l'administration et selon les modalités qu'elle détermine des équipements informatiques. / (...) / Ces équipements ainsi que les données qu'ils contiennent sont soumis au contrôle de l'administration. Sans préjudice d'une éventuelle saisie par l'autorité judiciaire, tout équipement informatique appartenant à une personne détenue peut être retenu et ne lui être restitué qu'au moment de sa libération, dans les cas suivants : / 1° Pour des raisons d'ordre et de sécurité ; / 2° En cas d'impossibilité d'accéder aux données informatiques, du fait volontaire de la personne détenue ".

3. L'ordinateur acquis par M. A... lors de son bref séjour au centre pénitentiaire du Sud Francilien est un ordinateur portable bénéficiant d'une technologie sans fil et potentiellement en mesure de communiquer avec d'autres appareils en dehors de l'établissement. Si l'intéressé s'est prévalu de ce que l'antenne Wifi de ce matériel avait été retirée dans l'établissement précédent par des personnels de l'administration pénitentiaire, lesquels en ce faisant ont d'ailleurs méconnu les instructions données par une circulaire du garde des sceaux, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette manipulation aurait retiré à l'ordinateur, dont les capacités internes restent inchangées, toute possibilité de communiquer avec l'extérieur par un procédé ou une réparation accessibles aux personnes détenues. Dans ces conditions, le matériel confisqué comportait un risque pour l'ordre et la sécurité de l'établissement, la circulaire du 13 octobre 2009 relative à l'accès à l'informatique des personnes placées sous main de justice qu'invoque M. A... proscrivant bien, contrairement à ce que celui-ci soutient, la détention de tout ordinateur " portable " comme de tout ordinateur " communicant ". Ainsi, la garde des sceaux, ministre de la justice est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 24 août 2017 au motif qu'elle serait entachée " d'erreur de droit ", l'ordinateur ne présentant pas de risque pour l'ordre et la sécurité de l'établissement.

4. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. A... devant le tribunal administratif et devant la Cour.

5. L'article D. 274 du code de procédure pénale dispose : " L'entrée ou la sortie des sommes d'argent, correspondances ou objets quelconques n'est régulière que si elle est conforme aux dispositions du présent titre et du règlement intérieur de l'établissement ou si elle a été expressément autorisée par le chef de l'établissement dans le cas où celui-ci est habilité à le faire (...) ".

6. La décision du 24 août 2017 a été prise par Mme F..., adjointe au chef d'établissement, laquelle disposait par décision du chef d'établissement, publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture de Seine-et-Marne et portée à la connaissance des personnes détenues le 10 octobre 2016, d'une délégation de signature pour, notamment, " autoriser l'entrée et la sortie (...) d'objets quelconques - Art D. 274 du code de procédure pénale ". Compte tenu du fait que M. A... avait acquis le matériel litigieux dans un autre établissement et n'avait pas été, à la date de la décision litigieuse, autorisé à l'introduire en détention au centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin-Neufmontiers, la décision du 24 août 2017 est en réalité, alors même qu'elle se présente comme une décision de retrait, un refus d'autorisation pris en application de l'article D. 274 précité et du règlement intérieur de l'établissement, décision pour lequel sa signataire avait reçu expressément délégation de signature du chef d'établissement. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit donc être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que la garde des sceaux, ministre de la justice est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 24 août 2017 énonçant le retrait de l'ordinateur de M. A... et lui a enjoint de réexaminer la situation.

8. Des lors que l'Etat n'est pas partie perdante dans le présent litige, l'avocat de M. A... n'est pas fondé à demander qu'une somme soit mise à sa charge en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1709825 du 19 juillet 2019 du tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. A... en première instance et en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la garde des sceaux, ministre de la justice et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme G... présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. E..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 février 2020.

Le rapporteur,

A. E... La présidente,

S. G... Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne à la garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.

2

N° 19PA03010


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03010
Date de la décision : 13/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : AARPI THEMIS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-02-13;19pa03010 ?
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