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11/02/2020 | FRANCE | N°17PA01887

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 11 février 2020, 17PA01887


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la Cour :

Par un arrêt lu le 31 décembre 2018, la Cour, avant de statuer sur la requête de M. D... tendant à l'annulation du jugement n° 1600208 du 28 avril 2017 du Tribunal administratif de la Polynésie française et à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant de 5 000 000 de francs CFP en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité de la décision de ne pas le recruter par voie contractuelle comme surveillant de l'administration pénitentiaire et de l'absence de transm

ission des résultats qu'il a obtenus aux épreuves de sélection, a ordonné un ...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la Cour :

Par un arrêt lu le 31 décembre 2018, la Cour, avant de statuer sur la requête de M. D... tendant à l'annulation du jugement n° 1600208 du 28 avril 2017 du Tribunal administratif de la Polynésie française et à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant de 5 000 000 de francs CFP en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité de la décision de ne pas le recruter par voie contractuelle comme surveillant de l'administration pénitentiaire et de l'absence de transmission des résultats qu'il a obtenus aux épreuves de sélection, a ordonné un supplément d'instruction aux fins de production par la garde des sceaux, ministre de la justice d'éléments nécessaires à la solution du litige.

Par des mémoires, enregistrés les 24 juin 2019 et 17 janvier 2020, M. D..., représenté par Me A..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures, à titre principal, de faire injonction à l'Etat de le recruter comme agent contractuel, à titre subsidiaire, de porter à 74 800 000 francs CFP le montant de l'indemnité qu'il demande.

Il soutient que :

- le mémoire en défense produit le 29 octobre 2019 doit être écarté des débats comme présenté au nom de la garde des sceaux, ministre de la justice, par un agent qui ne justifie pas d'une délégation l'habilitant à représenter l'Etat en justice ;

- l'administration, qui n'a toujours pas expliqué les raisons pour lesquelles elle n'a pas recruté 10 travailleurs handicapés, ne démontre pas par les pièces produites le bien-fondé de la décision de ne pas le recruter ;

- en s'en remettant à la décision du jury, l'autorité compétente pour le recruter a entaché sa décision d'illégalité, ce qui a pour conséquence qu'il y a lieu de faire injonction à l'Etat de la recruter comme agent contractuel ;

- l'Etat lui a fait perdre une chance d'être recruté comme surveillant de l'administration pénitentiaire par voie contractuelle, ce dont il résulte pour lui une perte de revenus de 3 240 000 francs CFP par an, soit 64 800 000 francs CFP sur 20 ans, jusqu'à l'âge de sa retraite ;

- son préjudice moral doit par ailleurs être indemnisé à hauteur de 10 000 000 de francs CFP.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires de la requête de M. D..., en tant qu'elles excèdent la somme demandée en première instance.

Par un mémoire, enregistré le 15 octobre 2019, M. D..., représenté par Me A..., demande à la Cour de ne pas retenir le moyen d'ordre public dont il a été informé.

Par un mémoire, enregistré le 29 octobre 2019, la garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la Cour de rejeter la requête.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable faute de moyens d'appel pour critiquer la solution retenue par les premiers juges ;

- les conclusions indemnitaires sont irrecevables en tant qu'elles excèdent la somme demandée en première instance ;

- compte tenu des éléments produits en réponse à l'arrêt de la Cour du 31 décembre 2018, la décision de ne pas recruter M. D... n'est entachée d'aucune illégalité fautive.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 95-979 du 25 août 1995 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur la représentation de l'Etat :

1. M. E... C..., chef du bureau du contentieux administratif et du conseil au secrétariat général du ministère de la justice, est habilité à signer au nom de la garde des sceaux, ministre de la justice, les mémoires en défense produits en appel, en vertu d'une délégation de signature consentie par une décision du 2 octobre 2019 publiée au Journal Officiel de la République française du 10 octobre 2019. Contrairement à ce que soutient M. D..., il n'y a donc pas lieu d'écarter des débats le mémoire en défense enregistré le 29 octobre 2019 par lequel la garde des sceaux, ministre de la justice, a répondu à l'arrêt avant dire droit de la Cour.

Sur les conclusions à fin d'injonction représentation de l'Etat :

2. M. D... a saisi le Tribunal administratif de la Polynésie française d'un recours de plein contentieux qui tendait à la réparation du préjudice résultant selon lui de l'illégalité de la décision de ne pas le recruter par voie contractuelle comme surveillant de l'administration pénitentiaire et de l'absence de transmission des résultats qu'il a obtenus aux épreuves de sélection. Devant la Cour, dans le dernier état de ses écritures constitué par le mémoire produit le 17 janvier 2020, il demande désormais au juge d'appel, à titre principal, de faire injonction à l'Etat de le recruter comme agent contractuel. La décision de ne pas le recruter comme agent contractuel, qui n'a pas fait l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, est devenue définitive. L'exécution du présent arrêt n'implique nullement de faire injonction à l'Etat de recruter M. D... comme agent contractuel. Ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent par suite qu'être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires :

3. L'article 27 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat dispose : " (...) II. -Les personnes mentionnées aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l'article L. 5212-13 du code du travail peuvent être recrutées en qualité d'agent contractuel dans les emplois de catégories A, B et C pendant une période correspondant à la durée de stage prévue par le statut particulier du corps dans lequel elles ont vocation à être titularisées. Le contrat est renouvelable, pour une durée qui ne peut excéder la durée initiale du contrat. A l'issue de cette période, les intéressés sont titularisés sous réserve qu'ils remplissent les conditions d'aptitude pour l'exercice de la fonction (...) ". Selon l'article 3-1 du décret du 25 août 1995 relatif au recrutement des travailleurs handicapés dans la fonction publique pris pour l'application de l'article 27 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " L'appréciation des candidatures est faite sur dossier par l'autorité ayant le pouvoir de nomination. Elle peut être complétée par des entretiens. ".

4. Il résulte des dispositions précitées que l'appréciation des mérites des candidats à un recrutement par voie contractuelle de travailleurs handicapés incombe, sous le contrôle restreint du juge administratif, à l'autorité ayant le pouvoir de nomination, qui ne peut confier ce pouvoir à une autre autorité.

5. Dans le but de sélectionner les candidats ayant répondu à l'avis de recrutement de 10 travailleurs handicapés par voie contractuelle dans l'administration pénitentiaire en Polynésie française, au titre de l'année 2015, l'administration a organisé une procédure comportant notamment un entretien conduit par une commission de sélection composée de cinq membres. L'administration, comme elle l'a reconnue en première instance, s'est estimée en situation de compétence liée pour ne pas recruter M. D... à la suite de l'avis défavorable de la commission de sélection. Elle a ce faisant entaché sa décision d'une erreur de droit. Il résulte cependant de l'instruction, et plus particulièrement des éléments produits par la garde des sceaux, ministre de la justice, à la demande de la Cour, que, eu égard au contenu des fiches d'évaluation rédigées par les membres de cette commission, non sérieusement contesté par M. D..., l'administration n'aurait pas recruté l'intéressé même si elle avait elle-même apprécié ses mérites. Par suite, l'illégalité dont est entachée la décision de ne pas recruter M. D... ne présente pas un lien direct de causalité avec les préjudices dont il demande réparation. Par ailleurs, et même si le ministre n'a pas explicité les raisons pour lesquelles l'administration n'a finalement recruté que 4 travailleurs handicapés par voie contractuelle au lieu de 10, il ne résulte pas de l'instruction, compte tenu de l'appréciation unanimement défavorable portée sur la candidature de M. D..., qu'il ait en tout état de cause perdu une chance sérieuse d'être recruté.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. D..., sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par le ministre défendeur, n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D... et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. B..., président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme Oriol, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 11 février 2020.

L'assesseur le plus ancien,

P. HAMON Le président-rapporteur

C. B...

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne à la garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA01887


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01887
Date de la décision : 11/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-04-02 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Responsabilité et illégalité. Illégalité n'engageant pas la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Claude JARDIN
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : DUMAS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-02-11;17pa01887 ?
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