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06/02/2020 | FRANCE | N°19PA01317

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 06 février 2020, 19PA01317


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... G... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 23 janvier 2018 par laquelle la ministre du travail a autorisé la société Samsic I à la licencier pour faute.

Par un jugement n° 1804691 du 27 février 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 13 avril 2019 et 22 juillet 2019, Mme G..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce

jugement ;

2°) de faire droit à ses demandes de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'É...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... G... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 23 janvier 2018 par laquelle la ministre du travail a autorisé la société Samsic I à la licencier pour faute.

Par un jugement n° 1804691 du 27 février 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 13 avril 2019 et 22 juillet 2019, Mme G..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à ses demandes de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'État et de la société Samsic I la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il ne comporte pas la signature du président, du magistrat-rapporteur et du greffier ;

- la décision autorisant son licenciement est entachée d'incompétence de son signataire ;

- la procédure suivie devant le comité d'établissement a été entachée d'irrégularité, le mandat d'un des membres votant étant échu à la date du vote ;

- la demande d'autorisation de licenciement ne précisait pas le fondement sur lequel elle reposait ; l'administration ne pouvait procéder à l'interprétation de cette demande sans commettre d'erreur de droit ;

- la ministre a méconnu les dispositions de l'article L. 1331-1 du code du travail, dès lors que les faits qui lui ont été reprochés ne peuvent être qualifiés de faute disciplinaire ; s'agissant de prestations incorrectement exécutées, ces faits relevaient de l'insuffisance professionnelle ; quant au comportement qui lui est reproché à l'occasion de l'usage d'heures de délégation syndicale ou de l'exercice de fonctions représentatives, il ne peut être rattaché à l'exécution de son contrat de travail et ne pouvait donc fonder la décision attaquée ;

- les manquements en cause ne peuvent lui être imputés dès lors que ni son contrat de travail ni sa fiche de poste ne lui imposaient les tâches qui n'ont pas été exécutées ; en outre, son état de santé ne lui permettait pas d'effectuer des prestations supplémentaires ; enfin, son employeur n'établit pas la matérialité des propos agressifs qui lui sont reprochés ;

- les griefs portés à son encontre ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement ;

- la demande d'autorisation de licenciement était en lien avec l'exercice de ses mandats syndicaux.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 juillet 2019, la société Samsic I, représentée par Me I... B..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de Mme G... le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- l'arrêté du 22 juillet 2015 relatif à l'organisation de la direction générale du travail ;

- la décision du 24 mai 2017 portant délégation de signature (direction générale du travail) ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- les observations de Me C..., représentant Mme G...,

- et les observations de Me B..., représentant la société Samsic I.

Une note en délibéré, présentée pour Mme G..., a été enregistrée

le 24 janvier 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Mme G... a été employée à compter du 1er janvier 2002 par la société Samsic I en qualité d'agent de propreté. Affectée à l'entretien de certains étages la tour Total Coupole, dans le quartier de La Défense, elle était déléguée du personnel titulaire et membre titulaire du comité d'établissement ; elle était également représentante de section syndicale jusqu'au 12 décembre 2016. Le 17 mars 2017, la société Samsic I a demandé à l'inspecteur du travail de l'autoriser à licencier la requérante. Une décision implicite de rejet est née le 20 mai 2017 du silence gardé par l'administration sur cette demande. L'employeur a formé un recours hiérarchique, implicitement rejeté le 17 novembre 2017. Par une décision du 23 janvier 2018, la ministre du travail a retiré cette décision implicite, a annulé la décision de refus de l'inspecteur du travail et a autorisé le licenciement pour faute de Mme G.... Le 23 mars 2018, cette dernière a saisi le tribunal administratif de Paris d'un recours pour excès de pouvoir contre cette décision. Le tribunal a rejeté sa demande par jugement du 27 février 2019. Par la requête susvisée, elle demande à la cour d'annuler ce jugement ainsi que la décision de la ministre.

Sur la régularité du jugement :

2. La minute du jugement du 27 février 2019, produite au dossier, a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. Elle satisfait ainsi aux exigences de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions manque donc en fait. La circonstance que l'exemplaire du jugement notifié à la requérante par le tribunal administratif de Paris ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 5 de la décision du 24 mai 2017 portant délégation de signature, publiée au Journal officiel de la République française le 31 mai 2017, la ministre du travail a donné à M. D... A..., chef du bureau du statut protecteur, délégation à l'effet de signer " dans la limite des attributions du bureau du statut protecteur et au nom du ministre chargé du travail, tous actes, décisions ou conventions, à l'exclusion des décrets ". L'article 5 de l'arrêté du 22 juillet 2015 relatif à l'organisation de la direction générale du travail dispose que " (...) Le bureau du statut protecteur est chargé : (...) d'instruire des recours hiérarchiques et contentieux relatifs aux licenciements des salariés protégés (...) ". Ces dispositions combinées confèrent au chef du bureau du statut protecteur compétence pour instruire les recours hiérarchiques dirigés contre les décisions des inspecteurs du travail en matière de licenciement de salariés protégés, mais aussi de signer, au nom du ministre chargé du travail, toutes les décisions relatives au champ de compétence de ce bureau. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision du 23 janvier 2018 serait entachée d'incompétence doit être écarté comme manquant en fait.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2421-3 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " Le licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel ou d'un membre élu du comité d'entreprise titulaire ou suppléant, d'un représentant syndical au comité d'entreprise ou d'un représentant des salariés au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail est soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement. (...) ". Aux termes de l'article L. 2324-1 alors en vigueur du même code : " Le comité d'entreprise comprend l'employeur et une délégation du personnel comportant un nombre de membres déterminé par décret en Conseil d'Etat compte tenu du nombre des

salariés. (...) ". Saisie par l'employeur d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé auquel s'appliquent ces dispositions, il appartient à l'administration de s'assurer que la procédure de consultation du comité d'entreprise a été régulière et l'autorisation demandée ne peut être accordée que si le comité d'entreprise a été mis à même d'émettre son avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation.

5. Le 13 mars 2017, le comité d'établissement a donné un avis favorable au projet de licenciement de Mme G... par sept voix contre une, après avoir voté à bulletins secrets. Dans ces conditions, la circonstance que le mandat de l'une des personnes ayant participé au vote était échu depuis le 19 juin 2016 n'est pas de nature à avoir faussé la consultation. Par suite, la procédure de consultation du comité d'établissement n'a pas été irrégulière.

6. En troisième lieu, en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. Un agissement du salarié intervenu en-dehors de l'exécution de son contrat de travail ne peut motiver un licenciement pour faute, sauf s'il traduit la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de ce contrat.

7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la lettre du 17 mars 2017 par laquelle la société Samsic I a demandé à l'inspecteur du travail de l'autoriser à licencier Mme G... exposait de façon suffisamment précise les motifs sur lesquels elle était fondée, relatifs au comportement fautif de l'intéressée, rappelant les antécédents disciplinaires de la salariée. Les termes employés étaient ainsi dépourvus de toute ambiguïté quant au fondement de la demande, qui ne pouvait être regardée comme reposant sur une éventuelle insuffisance professionnelle de l'agent. Mme G... n'est dès lors pas fondée à soutenir que la ministre aurait commis une erreur de droit en analysant la demande comme présentée pour motif disciplinaire.

8. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, notamment de la fiche de poste de Mme G..., que cette dernière était chargée d'effectuer des " repasses " sanitaires du 34ème au 43ème étage de la tour Coupole de 12 heures à 15 heures, et de vider les corbeilles du 38ème au 43ème étage de 15 heures à 19 heures. Contrairement à ce qu'elle soutient, plusieurs pièces produites au dossier établissent qu'à plusieurs reprises, elle n'a pas exécuté l'intégralité de ses tâches. La société Total, client de la société Samsic I, a ainsi établi des fiches de constat de dysfonctionnements les 10 et 16 février 2017, à la suite de contrôles visuels contradictoires, et a infligé des pénalités contractuelles au prestataire ; un constat d'huissier du 22 décembre 2016 a également relevé de nombreuses corbeilles non vidées à certains étages. S'agissant du second grief retenu à l'encontre de Mme G..., plusieurs attestations produites en défense font état du comportement inapproprié, agressif et menaçant de la requérante au cours de séances du comité d'établissement. Les témoignages produits par la salariée, peu précis et stéréotypés, ne sont pas de nature à remettre en cause la matérialité de ces faits et leur imputabilité à Mme G.... Ces manquements et agissements, traduisant une méconnaissance par l'intéressée des obligations découlant de son contrat de travail, présentent un caractère fautif, que l'avis du médecin du travail, établi le 31 mai 2017 postérieurement à la demande d'autorisation de licenciement, n'est pas susceptible d'infirmer. Eu égard par ailleurs aux antécédents disciplinaires de la salariée, avertie le 21 mars 2016 et mise à pied le 23 mai 2016 pour des faits similaires, et à la nature de ces comportements, susceptibles de nuire au bon fonctionnement du service, la ministre n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant qu'ils étaient d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de Mme G....

9. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande d'autorisation de licenciement présenterait un lien avec les mandats exercés par la salariée, qui n'établit pas qu'une charge de travail supérieure à celle de ses collègues lui aurait été attribuée pour la discriminer, ni que les actions qu'elle menait dans le cadre de ses fonctions représentatives seraient à l'origine de la demande.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme G... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État et de la société Samsic I, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, la somme que Mme G... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme G... la somme que la société Samsic I demande au titre des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme G... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Samsic I présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... G..., à la ministre du travail et à la société Samsic I.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. F..., premier vice-président,

- M. Bernier, président-assesseur,

- Mme E..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 6 février 2020.

Le rapporteur,

G. E...Le président,

M. F...

Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne à la ministre du travail, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 19PA01317


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01317
Date de la décision : 06/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

60-05-03-01 Responsabilité de la puissance publique. Recours ouverts aux débiteurs de l'indemnité, aux assureurs de la victime et aux caisses de sécurité sociale. Subrogation. Subrogation de l'Etat dans les droits de l'un de ses agents victime d'un dommage.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : CRUSOE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-02-06;19pa01317 ?
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