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06/02/2020 | FRANCE | N°19PA00695

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 06 février 2020, 19PA00695


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner l'État à lui verser la somme totale de 10 300 416 francs Pacifique, en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de l'illégalité de la décision du 17 janvier 2018 portant non renouvellement de son contrat de travail à durée déterminée.

Par un jugement n° 1800204 du 13 décembre 2018, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incomp

étent.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 février 2019, Mme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner l'État à lui verser la somme totale de 10 300 416 francs Pacifique, en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de l'illégalité de la décision du 17 janvier 2018 portant non renouvellement de son contrat de travail à durée déterminée.

Par un jugement n° 1800204 du 13 décembre 2018, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 février 2019, Mme E..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'État à lui verser la somme totale de 10 300 416 francs Pacifique, en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de l'illégalité de la décision du 17 janvier 2018 portant non renouvellement de son contrat de travail à durée déterminée.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en écartant la compétence de la juridiction administrative ; l'administration a en effet entendu lui conférer un statut de droit public dès lors que ses contrats successifs visaient notamment la loi du 11 janvier 1984 et le décret du 17 janvier 1986, ainsi qu'une circulaire et une note relatives à l'aménagement et à la réduction du temps de travail ; il lui était par ailleurs imposé de respecter les obligations des agents de la fonction publique, et ses contrats prévoyaient que tout litige serait porté devant un tribunal administratif ; enfin, le litige qui l'oppose à l'État est relatif à un refus d'accès à un emploi titulaire, dès lors qu'elle devait bénéficier d'un contrat à durée indéterminée, ce qui implique la compétence de la juridiction administrative ;

- la décision de non renouvellement de son contrat de travail méconnaît les dispositions de l'article 6 bis de la loi du 11 juillet 1984 en ce qu'elle aurait dû bénéficier d'un contrat à durée indéterminée ;

- cette décision n'a pas été motivée par l'intérêt du service mais par la volonté de l'administration de ne pas la titulariser ; son insuffisance professionnelle n'est pas démontrée ; la décision litigieuse a ainsi été prise uniquement en considération de sa personne et est entachée de détournement de pouvoir ; dans ces conditions, elle doit être regardée comme un licenciement déguisé ;

- l'illégalité fautive de la décision de non renouvellement de son engagement ainsi que le non-respect du délai de préavis engagent la responsabilité de l'administration ;

- elle a droit à une indemnité en application des dispositions des articles 51, 53 et 54 du décret du 17 janvier 1986, dont le montant doit être fixé à 1 632 828 francs Pacifique ;

- en raison de l'absence de respect du délai de préavis, elle doit percevoir l'équivalent de trois mois de traitement à temps plein, soit 1 632 828 francs Pacifique ;

- la somme de 592 000 francs Pacifique, qu'elle a avancée pour la location d'un local destiné à accueillir le personnel du centre pénitentiaire, doit lui être remboursée ;

- elle est en droit de percevoir la somme de 5 442 760 francs Pacifique, correspondant à l'indemnité de licenciement à laquelle elle pouvait prétendre ;

- son préjudice moral doit être indemnisé à hauteur de 1 000 000 francs Pacifique.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 octobre 2019, la garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la cour de rejeter la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 15 novembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;

- le code du travail de Nouvelle-Calédonie ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Pena, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... a été recrutée par les services de l'administration pénitentiaire en Nouvelle-Calédonie à compter du 5 mars 2012, par un contrat signé le 16 février 2012, en qualité de psychologue des personnels des établissements pénitentiaires à temps incomplet. Cet engagement, conclu pour une durée d'un an renouvelable, a été reconduit chaque année jusqu'au 4 mars 2018. Par courrier remis en main propre le 17 janvier 2018, elle a été informée du non renouvellement de son contrat à son terme. Estimant qu'elle devait bénéficier d'un contrat à durée indéterminée et que la décision de non renouvellement est illégale, elle a demandé à l'administration pénitentiaire, par courrier du 26 mars 2018, d'indemniser les préjudices qu'elle estime avoir subis de ce fait. Une décision implicite de rejet de cette demande est née le 3 juin 2018. Le 13 juillet 2018, Mme E... a saisi le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'une demande indemnitaire. Par le jugement du 13 décembre 2018 dont elle relève appel, le tribunal a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent.

2. Aux termes de l'article Lp. 111-1 du code du travail de Nouvelle-Calédonie : " Les dispositions du présent livre sont applicables à tous les salariés de Nouvelle-Calédonie et au personnes qui les emploient. / Elles ne portent pas atteinte aux stipulations des contrats individuels de travail plus favorables pour les salariés ". Aux termes de l'article Lp. 111-2 du même code : " Est considérée comme salarié toute personne physique qui s'est engagée à mettre son activité professionnelle, moyennant rémunération, sous la direction et l'autorité d'une autre personne physique ou morale publique ou privée / Est considérée comme employeur toute personne morale ou physique, publique ou privée, qui emploie au moins un salarié dans les conditions définies à l'alinéa précédent ". Enfin, aux termes de l'article Lp. 111-3 dudit code : " Sauf dispositions contraires du présent livre, celui-ci n'est pas applicable aux personnes relevant d'un statut de fonction publique ou d'un statut de droit public, aux sapeurs-pompiers volontaires au titre de leur activité de sapeur-pompier volontaire, aux fonctionnaires détachés auprès de la Nouvelle-Calédonie, d'une province ou d'une commune ou d'un établissement public administratif en Nouvelle-Calédonie ainsi qu'aux personnes occupant les emplois supérieurs suivants (...) ".

3. Mme E... a été recrutée par l'État du 5 mars 2012 au 4 mars 2018, par contrats à durée déterminée régulièrement renouvelés, pour exercer les fonctions de psychologue des personnels de l'administration pénitentiaire en Nouvelle-Calédonie. Si l'intéressée avait ainsi la qualité d'agent public non titulaire de l'État et si ses contrats prévoyaient que les dispositions du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'État lui seraient applicables, elle ne se trouvait toutefois pas placée sous un " statut de fonction publique " ou sous un " statut de droit public ", au sens des dispositions précitées de l'article Lp. 111-3 du code du travail de Nouvelle-Calédonie. Le différend opposant Mme E... à son employeur, qui ne concerne pas comme elle l'affirme son accès à un corps de la fonction publique, relève dès lors de la compétence de la juridiction judiciaire, nonobstant la circonstance que ses contrats mentionnaient, de manière erronée, que tout litige serait porté devant le tribunal administratif. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E... et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. C..., premier vice-président,

- M. Bernier, président-assesseur,

- Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 6 février 2020.

Le rapporteur,

G. B...Le président,

M. C...

Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne à la garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA00695


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00695
Date de la décision : 06/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

17-03-01-02 Compétence. Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction. Compétence déterminée par des textes spéciaux. Attributions légales de compétence au profit des juridictions judiciaires.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : PIEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-02-06;19pa00695 ?
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