Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société BM Restauration a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 27 juin 2018 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge le versement d'une somme totale de 39 948 euros au titre de la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble la décision du 17 août 2018 rejetant son recours gracieux, et de prononcer la décharge de ces contributions ou, à titre subsidiaire, d'en réduire le montant.
Par un jugement n° 1818283/3-2 du 19 juin 2019, le tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé les décisions du directeur général de l'OFII des 27 juin 2018 et 17 août 2018 en tant qu'elles mettent à la charge de la société BM Restauration une contribution spéciale et une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine d'un montant total de 19 974 euros, d'autre part, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, enfin, rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société BM Restauration.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 juillet 2019 et 28 octobre 2019, la société BM Restauration, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1818283/3-2 du 19 juin 2019 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à sa demande ;
2°) d'annuler les décisions du directeur général de l'OFII des 27 juin 2018 et 17 août 2018 en tant qu'elles mettent à sa charge la contribution spéciale et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine d'un montant de 19 974 euros pour l'emploi de M. A... ;
3°) de prononcer la décharge de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine d'un montant de 19 974 euros pour l'emploi de M. A... ou, à titre subsidiaire, d'en réduire le montant ;
4°) de mettre à la charge de l'OFII le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'OFII a méconnu les principes du contradictoire et du respect des droits de la défense en ne lui communiquant pas le procès-verbal du contrôle effectué par les services de police et en ne lui notifiant pas le courrier du 3 avril 2018 l'informant de ce qu'il entendait mettre à sa charge la contribution spéciale et la contribution forfaitaire des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévues respectivement par le code du travail et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la décision du 3 avril 2018 ne mentionne pas la nature des éléments sur lesquels l'OFII entendait se fonder pour lui infliger les sanctions en litige, ni la possibilité de solliciter la communication du procès-verbal sur lequel elle se fonde ;
- s'agissant des contributions restant en litige, l'OFII a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation dès lors qu'aucune relation de travail ne la liait au salarié en cause, M. C... K., qui était venu faire un essai, et que le gérant, qui ne le connaissait pas, était de bonne foi ; contrairement à ce que fait valoir l'OFII, le restaurant était fermé au moment du contrôle ;
- à titre subsidiaire, s'agissant de la situation de M. A..., l'OFII aurait dû lui appliquer le taux réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dès lors qu'il n'y a pas eu cumul d'infractions ; il conviendra donc de réduire le montant de la contribution spéciale à 7 140 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2019, l'OFII, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société BM Restauration au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Lors d'un contrôle effectué le 4 janvier 2018 dans le restaurant exploité sous l'enseigne
" Mona Lisa " par la société BM Restauration, les services de police ont constaté la présence de deux ressortissants tunisiens, M. A... et M. A..., démunis de titre de séjour et de titre de travail les autorisant à exercer une activité salariée sur le territoire français. Par une décision du 27 juin 2018, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à la charge de la société BM Restauration la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-3 du code du travail, d'un montant de 35 700 euros ainsi que la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'un montant de 4 248 euros. Le recours gracieux formé par la société BM Restauration à l'encontre de cette décision a été rejeté par une décision de l'OFII du 17 août 2018. La société BM Restauration relève appel du jugement du 19 juin 2019 en tant que le tribunal administratif de Paris n'a pas entièrement fait droit à sa demande en ce qu'il a annulé les décisions du directeur général de l'OFII des 27 juin 2018 et 17 août 2018 seulement en tant qu'elles mettent à sa charge la contribution spéciale et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine d'un montant total de 19 974 euros du fait de l'emploi de M. O.
Sur la contribution spéciale et la contribution forfaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine mises à la charge de la société BM Restauration en raison de l'emploi de M. A... :
2. En premier lieu, s'agissant des mesures à caractère de sanction, le respect du principe général des droits de la défense, applicable même sans texte, suppose que la personne concernée soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et puisse avoir accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus, à tout le moins lorsqu'elle en fait la demande. L'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, entré en vigueur le 1er janvier 2016, précise d'ailleurs désormais que les sanctions " n'interviennent qu'après que la personne en cause a été informée des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de demander la communication du dossier la concernant ".
3. Si les dispositions législatives et réglementaires relatives à la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail ne prévoient pas expressément que le procès-verbal transmis au directeur général de l'OFII en application de l'article L. 8271-17 du code du travail, constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à exercer une activité salariée en France, soit communiqué au contrevenant, le silence de ces dispositions sur ce point ne saurait faire obstacle à cette communication, en particulier lorsque la personne visée en fait la demande, afin d'assurer le respect de la procédure contradictoire préalable à la liquidation de cette contribution, qui revêt le caractère d'une sanction administrative. Il appartient seulement à l'administration, le cas échéant, d'occulter ou de disjoindre, préalablement à la communication du procès-verbal, celles de ses mentions qui seraient étrangères à la constatation de l'infraction sanctionnée par la liquidation de la contribution spéciale et susceptible de donner lieu à des poursuites pénales.
4. D'une part, il résulte de l'instruction que le courrier en date du 3 avril 2018 par lequel l'OFII informait la société BM Restauration qu'elle était susceptible, indépendamment des poursuites pénales susceptibles d'être engagées, de se voir appliquer la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été envoyé sous pli recommandé avec accusé de réception à l'adresse du siège social de la société BM Restauration et que le pli a été retourné à l'OFII avec la mention " pli avisé non réclamé " le 25 avril 2018. Dans ces conditions, le courrier du 3 avril 2018 doit être regardé comme ayant été régulièrement notifié à la société BM Restauration.
5. D'autre part, il ressort des mentions du courrier en date du 3 avril 2018, régulièrement notifié à la société BM Restauration comme il vient d'être dit, que le directeur général de l'OFII informait la société qu'un procès-verbal du 4 janvier 2018 établissait qu'elle avait employé deux salariés, dont les noms figuraient en annexe de ce courrier, démunis de titre de séjour et de titre les autorisant à exercer une activité salariée, qu'elle était donc susceptible de se voir appliquer la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail ainsi que la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle disposait d'un délai de quinze jours à compter de la réception de cette lettre pour faire valoir ses observations. La société BM Restauration a ainsi été informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de solliciter en temps utile la communication du procès-verbal du 4 janvier 2018, l'OFII n'étant pas tenue par les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail ou par toute autre disposition de l'inviter à demander la communication de son dossier. Il est constant que la société BM Restauration n'a pas demandé à l'OFII la communication de ce procès-verbal. Ainsi, et alors qu'elle doit être regardée comme ayant été mise à même de solliciter le procès-verbal d'infraction du 4 janvier 2018, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les contributions en litige auraient été établies à l'issue d'une procédure méconnaissant le principe général des droits de la défense et le principe du contradictoire.
6. En deuxième lieu, l'article L. 8251-1 du code du travail dispose que : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. (...) ". L'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. Le montant total des sanctions pécuniaires prévues, pour l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler, au premier alinéa du présent article et à l'article L. 8253-1 du code du travail ne peut excéder le montant des sanctions pénales prévues par les articles L. 8256-2, L. 8256-7 et L. 8256-8 du code du travail ou, si l'employeur entre dans le champ d'application de ces articles, le montant des sanctions pénales prévues par le chapitre II du présent titre.(...) ".
7. Il ressort des procès-verbaux établis par les services de police, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, que lors du contrôle du restaurant exploité par la société BM Restauration le 4 janvier 2018 à 11 h 30, M. A..., ressortissant tunisien, qui était démuni de titre de séjour et de titre de travail l'autorisant à exercer une activité salariée sur le territoire français et qui n'avait pas fait l'objet d'une déclaration préalable auprès des services de l'URSSAF, était vêtu d'un tablier et s'occupait seul de la préparation des repas dans la cuisine. M. A... se trouvait ainsi en situation de travail une demi-heure avant l'ouverture de l'établissement au public. Si la société requérante soutient qu'il n'existait aucune relation de travail avec M. A... dès lors que celui-ci avait décidé de son propre chef d'aider en cuisine avant l'entretien prévu avec le gérant dans l'après-midi qui devait permettre de vérifier sa situation administrative et ses compétences, ces éléments ne permettent pas de remettre en cause la situation de travail pour le compte de la société BM Restauration dans laquelle se trouvait M. A... au moment du contrôle et constitutive d'un lien de subordination à l'égard de la société requérante, même si aucun contrat de travail n'avait été conclu et aucune rémunération n'avait été versée. La société BM Restauration ne peut utilement invoquer ni l'absence d'élément intentionnel, ni sa prétendue bonne foi, ces circonstances étant sans effet sur la matérialité de l'infraction. Par suite, l'OFII n'a pas commis ni d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation en appliquant à la société BM Restauration, s'agissant de ce salarié, la contribution spéciale et la contribution forfaitaire des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine.
8. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article R. 8253-2 du code du travail : " I. - Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. II. - Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ;(...) ".
9. Il résulte de l'instruction et, plus particulièrement des procès-verbaux relevant les infractions constatées le 4 janvier 2018 par les services de police que la société BM Restauration a, d'une part, employé M. A... qui était dépourvu de titre l'autorisant à travailler et, d'autre part, dissimulé l'emploi de cette personne. Ces manquements constituent deux infractions distinctes, respectivement prévues par les articles L. 8251-1 et L. 8221-5 du code du travail. Ainsi, elle ne saurait prétendre au bénéfice de la minoration du montant de la contribution spéciale mise à sa charge en application du 1° du II de l'article R. 8253-2 de ce code.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société BM Restauration n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris n'a pas entièrement fait droit à sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OFII, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société BM Restauration au titre des frais liés à l'instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, par application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la société BM Restauration une somme de 1 500 euros à verser à l'OFII.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société BM Restauration est rejetée.
Article 2 : La société BM Restauration versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société BM Restauration et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme E..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 janvier 2020.
Le rapporteur,
V. E...Le président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
Y. HERBER La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à la ministre du travail en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA02359