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30/01/2020 | FRANCE | N°19PA01696

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 30 janvier 2020, 19PA01696


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... J... a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner solidairement le centre hospitalier de Fontainebleau et le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges à lui verser la somme de 128 887,22 euros en réparation des préjudices que lui a causé sa prise en charge qu'il estime défaillante dans ces établissements.

Par un jugement n° 1610527 du 22 mars 2019, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requêt

e, enregistrée le 22 mai 2019 et un nouveau mémoire enregistré le 7 novembre 2019, M. J...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... J... a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner solidairement le centre hospitalier de Fontainebleau et le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges à lui verser la somme de 128 887,22 euros en réparation des préjudices que lui a causé sa prise en charge qu'il estime défaillante dans ces établissements.

Par un jugement n° 1610527 du 22 mars 2019, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 mai 2019 et un nouveau mémoire enregistré le 7 novembre 2019, M. J..., représenté par Me A... I..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1610527 du 22 mars 2019 du tribunal administratif de Melun ;

2°) à titre principal, de condamner le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges à lui verser la somme de 118 474,76 euros en indemnisation des préjudices qu'il a subis du fait de sa prise en charge fautive dans cet établissement hospitalier, soit 32 989,76 euros au titre du préjudice matériel, 2 954 euros au titre des frais divers, 8 106 euros au titre de l'aide apportée par une tierce personne, 5 865 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 3 000 euros au titre des souffrances endurées, 56 560 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 5 000 euros au titre du préjudice d'agrément et 4 000 euros au titre du préjudice esthétique ;

3°) à titre subsidiaire, de juger que le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges a manqué à son obligation d'information, qu'il en est résulté pour lui une perte de chance de 50 % d'échapper aux dommages qu'il a subis, et, par suite, de condamner le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges à lui verser la somme de 59 237,38 euros au titre de cette perte de chance et la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice moral ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges a commis une faute en ne tenant pas compte du traitement qu'il prenait pour décider de la pose du plâtre le plus approprié pour prévenir une possible compression et par suite une paralysie ; en outre, l'équipe qui l'a reçu aurait également dû solliciter un avis orthopédique ;

- l'équipe soignante du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges a commis une faute lors de la consultation du 17 juillet 2012, qui a conduit à un retard de diagnostic ;

- le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges a commis une faute dans le suivi de la paralysie du nerf sciatique, une fois le diagnostic posé ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a exclu tout lien de causalité entre le retard de diagnostic, l'absence de suivi et le dommage qu'il a subi ;

- le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges a manqué à son obligation d'information en ne le prévenant pas des risques encourus, ce qui a entraîné une perte de chance, qui doit être évaluée à 50%, de se soustraire au risque lié à l'intervention.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 août 2019, le centre hospitalier de Fontainebleau, représenté par Me E..., conclut à ce que la Cour confirme le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté la requête de M. J... à son encontre, constate l'absence de manquement de sa part dans la prise en charge de M. J... et l'absence de demande formulée par ce dernier à son encontre, déboute l'ensemble des parties de toutes leurs demandes en ce qu'elles seraient dirigées à son encontre et à ce que le versement de la somme de 1 500 euros soit mis à la charge de tout succombant sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'il n'a commis aucun manquement dans la prise en charge de M. J....

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2019, le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges, représenté par Me H..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête ; à cette fin, il soutient que les moyens soulevés par M. J... ne sont pas fondés ; il conclut, à titre subsidiaire, que soit constaté que le retard de diagnostic n'est à l'origine que d'une perte de chance d'éviter les séquelles, par conséquent, de dire que M. J... n'est pas bien fondé à obtenir l'indemnisation intégrale de ses préjudices, de fixer le taux de perte de chance à 5 % et d'appliquer ce taux de perte de chance à l'ensemble des sommes allouées à M. J... au titre de ses préjudices, que soit rejetée la demande formulée par M. J... au titre des honoraires du Docteur Dang Vu, et que soient fixés les autres préjudices de M. J... dans les limites suivantes :

- préjudice matériel : 5 000 euros, soit 250 euros après application du taux de perte de chance ;

- frais d'expertise : 2 300 euros, soit 115 euros après application du taux de perte de chance ;

- déficit fonctionnel temporaire partiel : 3 270 euros, soit 163,50 euros après application du taux de perte de chance ;

- déficit fonctionnel permanent : 19 500 euros, soit 975 euros après application du taux de perte de chance ;

- besoin d'assistance temporaire par une tierce personne : 2 447,50 euros soit 122,38 euros après application du taux de perte de chance ;

- souffrances endurées : 2 000 euros soit 100 euros après application du taux de perte de chance ;

- préjudice esthétique: 2 000 euros, soit 100 euros après application du taux de perte de chance ;

- préjudice d'agrément : 3 000 euros, soit 150 euros après application du taux de perte de chance ;

- et que soit rejeté le surplus des demandes de M. J... ;

En outre, il conclut au rejet de la demande subsidaire de M. J... au titre de l'obligation d'information ; à cette fin, il soutient qu'il a respecté son obligation d'information.

Enfin, il conclut à ce que le versement la somme de 2 500 euros soit mis à la charge de M. J... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2019, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me G..., conclut à ce qu'il soit constaté que les conditions d'intervention de la solidarité nationale ne sont pas réunies et à ce que le jugement attaqué soit confirmé en ce qu'il a rejeté la requête de M. J... en ce qu'elle serait dirigée contre l'ONIAM.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- et les observations de Me B... substituant Me E..., avocat du centre hospitalier de Fontainebleau, et de Me F... substituant Me H..., avocat du centre hospitalier de Villeneuve-Saint­Georges.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que M. J... a été victime le 26 juin 2012 d'une chute sur le genou droit ; il a été transporté au centre hospitalier de Fontainebleau où une fissure du plateau tibial externe droit a été diagnostiquée et une attelle plâtrée cruro-pédieuse mise en place. A l'issue de cette prise en charge, il a regagné son domicile. Le 11 juillet 2012, il a consulté au centre hospitalier de Villeneuve-Saint­Georges où lui a été posé un plâtre circulaire cruro-pédieux, puis a regagné son domicile. Il s'est à nouveau rendu au centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges le 17 juillet 2012 car il ressentait une gêne au cinquième orteil ; la résine du plâtre a alors été fendue. Le 21 août 2012, le plâtre a été enlevé. Le 11 septembre 2012, M. J... a consulté à nouveau à l'hôpital de Villeneuve-Saint-Georges, puis le 16 octobre, consultation lors de laquelle il a indiqué ne plus pouvoir relever ses orteils. Lors d'une nouvelle consultation le 23 octobre a été évoquée l'hypothèse d'une compression sous plâtre du SPE (nerf fibulaire commun, ou nerf sciatique poplité externe) et un électromyogramme prescrit ; ce dernier, réalisé le 6 novembre 2012, a confirmé une " abolition complète de la réponse motrice sensitive du SPE droit dès la stimulation distale " du fait d'une " probable compression sous plâtre sans que l'on puisse localiser le niveau de 1'atteinte ". M. J... reste atteint d'une paralysie prédominant sur le versant moteur avec un déficit quasi complet dans le territoire du nerf tibial antérieur du membre inférieur droit et une hypo­esthésie dans ce même territoire, d'une raideur de la cheville droite avec une limitation dans le plan sagittal de 50°, d'une limitation de la sous-astragalienne d'un tiers et d'une limitation des mététarso-sous-phalangiennes prédominant sur les trois premiers rayons associée à un hallux regidus à droite, correspondant à un déficit fonctionnel permanent évalué à 28 %.

2. L'expert médical nommé par une ordonnance du 18 novembre 2015 a rédigé son rapport final d'expertise le 19 juillet 2016. Par le jugement du 22 mars 2019 dont M. J... relève appel uniquement pour ce qui concerne sa prise en charge au centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande du requérant tendant à la condamnation solidairement du centre hospitalier de Fontainebleau et du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges à lui verser la somme de 128 887,22 euros en réparation des préjudices que lui a causés sa prise en charge qu'il estime défaillante dans ces établissements.

Sur la responsabilité du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges :

3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) " ; aux termes de l'article R. 4127-33 du même code : " Le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s'il y a lieu, de concours appropriés. ".

En ce qui concerne les fautes médicales alléguées :

4. En premier lieu, s'agissant de la prise en charge initiale de M. J... au centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges le 11 juillet 2012, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise médicale, qui au demeurant n'est pas contredit sur ce point par les contre-expertises médicales non contradictoires produites par le requérant, que, d'une part, le traitement médical que suivait M. J... antérieurement à l'accident survenu le 26 juin 2012 (coronarien, il était soigné au long cours par un traitement anti-agrégant plaquettaire à base de Plavix) a été pris en considération lors de sa prise en charge au centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges. D'autre part, le traitement orthopédique choisi consistant en la pose d'un plâtre cruro-pédieux circulaire pour assurer une immobilisation plâtrée complète pendant sept semaines avec une décharge totale, la réalisation du plâtre lui-même, dont les radiographies révèlent qu'il a respecté un liseret de sécurité, ne présentait pas de pli apparent au niveau des zones de flexion et était bien moulé sur la morphologie du membre, comme le traitement médicamenteux d'accompagnement par l'administration d'un traitement antalgique, anti-coagulant préventif et anti-agrégant, nécessaires dans le cadre de la prévention des thrombo-phlébites, étaient justifiés et conformes aux données de la science et aux règles de l'art. Enfin l'examen du patient, le 11 juillet 2012, a été pratiqué par un orthopédiste, contrairement à ce que soutient le requérant. Par suite, M. J... n'est pas fondé à soutenir que des fautes auraient été commises lors de sa prise en charge initiale le 11 juillet 2012 au centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges.

5. En deuxième lieu, s'agissant de la prise en charge de M. J... au centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges antérieurement à la consultation du 17 juillet 2012 et lors de celle-ci, d'une part, si M. J... fait valoir qu'il a ressenti des douleurs vives et persistantes sous plâtre, qu'il a appelé l'hôpital auparavant, mais qu'il n'a été reçu en consultation que le 17 juillet 2012, soit la date de rendez-vous convenue en l'absence de complication, il n'est pas établit que le centre hospitalier aurait refusé de le recevoir en urgence antérieurement à cette date, aucun élément du dossier ne venant au demeurant corroborer ces allégations. D'autre part, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise médicale, que, lors de la consultation du 17 juillet 2012, non seulement une échancrure a été pratiquée sur le plâtre pour dégager le cinquième orteil sur lequel le patient ressentait une gêne, mais un contrôle radio-clinique a également été effectué. Dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise médicale et du dossier médical du patient, que celui-ci, hormis cette gêne au cinquième orteil, se serait plaint de douleurs ou d'impossibilité de mobiliser ses orteils, la circonstance que des investigations plus poussées, et en particulier un électromyogramme, n'aient pas été réalisées ne peut être regardée comme fautive. Enfin, si l'expert médical indique dans son rapport qu'" il est de coutume dans les fractures traitées de façon orthopédique de préconiser des contrôles radio-cliniques à J+7, J+15 et J+21 post-fracture ", il résulte de l'instruction qu'un contrôle avait été prévu à J+10 mais que M. J... ne s'était pas rendu au rendez-vous qui lui avait été fixé au centre hospitalier de Fontainebleau, qu'il a fait l'objet d'un contrôle radio-clinique le 11 juillet 2012 au centre hospitalier de Villeneuve-Saint-Georges, lors de la pose du plâtre cruro-pédieux, soit à J+15 de la fracture, puis d'un autre contrôle radio-clinique le 17 juillet 2012 dans le même hôpital, soit à J+21 de la fracture et à J+6 de la pose du plâtre cruro-pédieux. Par suite, M. J... n'est pas fondé à soutenir que des fautes auraient été commises antérieurement à la consultation du 17 juillet 2012 et lors de celle-ci au centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges.

6. En troisième lieu, s'agissant de la prise en charge de M. J... au centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges une fois le diagnostic de paralysie du nerf sciatique poplité externe posé le 23 octobre 2012, confirmé par l'électromyogramme réalisé le 6 novembre 2012, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment pas du rapport d'expertise médicale, que des fautes aient été commises dans ce suivi, comme l'ont à bon droit estimé les premiers juges. M. J... a ainsi fait l'objet, au centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges, postérieurement à la consultation du 23 octobre 2012, d'une consultation le 19 novembre 2012 puis d'une rééducation lors de quinze séances à partir du 19 novembre 2012 et de trente séances à partir du 16 septembre 2013, toujours dans le même hôpital. Notamment, si le requérant produit une note d'un médecin du 17 juin 2016, rédigée à sa demande, qui indique qu'" à partir du 6 novembre 2012, date de l'EMG, il n'a pas été aussi entrepris un suivi régulier de cette paralysie du nerf sciatique poplité externe droit avec en particulier un EMG de contrôle au 3ème mois de la paralysie à la recherche d'une éventuelle récupération. En effet, on discute, en l'absence de récupération et de signe de réinnervation, d'une éventuelle neurolyse chirurgicale du nerf sciatique poplité externe droit ", et une note complémentaire du 1er juillet 2016 du même médecin, qui indique qu'" il est donc conseillé pour une paralysie du nerf sciatique poplité externe de faire un EMG au 21ème jour après le premier diagnostic clinique ensuite au 3ème mois pour rechercher une récupération après une neuropraxie, puis ensuite au 5ème mois pour rechercher une réinnervation dans le jambier antérieur puis ensuite au 9ème mois au long extenseur propre du gros orteil. ", l'expert médical, quant à lui, estime qu'il convient d'intervenir très rapidement en cas de compression du SPE, faute de quoi le pronostic de récupération est négatif : " la précocité du traitement est le facteur déterminant de la récupération neurologique en cas de compression sous plâtre. (...) Une consultation plus précoce aurait amélioré le pronostic de récupération si celle-ci avait eu lieu dans les heures qui ont suivi la pose du plâtre et l'installation de la douleur. (...) C'est la levée de la compression qui est prédictive de la récupération qui doit se faire dans les 24 h au stade d'atteinte myélinique qu'aurait montré à ce moment l'EMG. Au-delà de 6 jours, une atteinte sévère et évoluée correspondrait sur l'EMG à une atteinte axonale dont le pronostic de récupération serait très faible, voire nul. ". Par suite, le centre hospitalier de Villeneuve-Saint-Georges n'a pas commis, dans le suivi du patient postérieurement au diagnostic de paralysie du nerf sciatique poplité externe, de faute en lien avec le dommage de M. J....

En ce qui concerne le retard de diagnostic :

7. Il résulte de l'instruction, et il n'est pas contesté, que le dommage subi par M. J... résulte du retard de diagnostic de l'atteinte portée, par compression, au nerf sciatique poplité externe, cette paralysie étant favorisée par plusieurs facteurs, la fracture, l'administration d'un traitement anti-coagulant préventif et anti-agrégant, tous deux nécessaires dans le cadre de la prévention des thrombo-phlébites et chez un patient coronarien, et l'immobilisation plâtrée par un plâtre cruro-pédieux circulaire, l'hypothèse la plus probable étant sa survenue à la suite de la pose du plâtre cruro-pédieux circulaire le 11 juillet 2012, alors que l'hypothèse d'une compression sous plâtre n'a été envisagée que lors de la consultation du 23 octobre 2012 et confirmée par l'électromyogramme réalisé le 6 novembre 2012. D'une part, l'expert médical indique que le patient lui avait confirmé, lors des deux accedits, qu'il lui avait été expliqué, à l'issue de la réalisation du plâtre le 11 juillet 2012, qu'en cas de douleur ou de complication il devait consulter en urgence et qu'il avait reçu un document d'information concernant la surveillance d'un patient sous plâtre qui précisait (ce document-type ayant été produit par le centre hospitalier lors de l'expertise) : " reconsulter rapidement votre médecin ou chirurgien en cas de douleur sous le plâtre, gonflement, refroidissement ou modification de la douleur des extrémités orteils, doigts bleutés ou blancs, fourmillements... ". D'autre part, comme il a été dit ci-dessus, M. J... n'établit pas qu'il aurait souffert de vives douleurs peu après la réalisation du plâtre et n'aurait pu obtenir un rendez-vous au centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges avant celui qui avait été initialement fixé au 17 juillet 2012. Au demeurant, M. J..., lors de la consultation du 17 juillet 2012, ne s'est plaint que d'une gêne au cinquième orteil, et non d'une impossibilité de mobiliser ses orteils, et, lors de la consultation du 16 octobre 2012, a indiqué, de manière assez contradictoire, qu'il n'arrivait plus à relever ses orteils, mais qu'il arrivait à les bouger de temps en temps. Il en résulte que le retard de consultation, dont la responsabilité incombe au seul patient qui n'a pas consulté en urgence alors que cela lui avait été indiqué, est la cause des dommages causés par la paralysie du nerf sciatique poplité externe dès lors que, comme il a déjà été dit ci-dessus, l'expert médical indique que " la précocité du traitement est le facteur déterminant de la récupération neurologique en cas de compression sous plâtre. (...) Une consultation plus précoce aurait amélioré le pronostic de récupération si celle-ci avait eu lieu dans les heures qui ont suivi la pose du plâtre et l'installation de la douleur. (...) C'est la levée de la compression qui est prédictive de la récupération qui doit se faire dans les 24 h au stade d'atteinte myélinique qu'aurait montré à ce moment l'EMG. Au-delà de 6 jours, une atteinte sévère et évoluée correspondrait sur l'EMG à une atteinte axonale dont le pronostic de récupération serait très faible, voire nul. ". Par suite, le retard de diagnostic, dont au demeurant la responsabilité incombe elle-aussi, pour une part majeure, au patient, faute pour celui-ci d'avoir correctement indiqué au médecin qui l'examinait, lors des consultations, s'il parvenait, ou non, à mobiliser ses orteils, est sans incidence causale sur les dommages dont souffre M. J..., dès lors que, comme l'ont à bon droit estimé les premiers juges, seul le diagnostic de compression du nerf sciatique poplité externe effectué pendant la période douloureuse suivant la réalisation du plâtre aurait été de nature à faire envisager un pronostic de récupération favorable. Enfin, si l'expert médical fait valoir que les troubles cognitifs inhérents aux séquelles d'un accident vasculaire cérébral ancien auraient pu jouer un rôle dans l'absence de consultation en urgence de M. J..., il ne résulte pas de l'instruction que ces troubles cognitifs auraient été tels que M. J... n'aurait pu comprendre les recommandations qui lui avaient été faites lors de la pose du plâtre, et n'aurait pu les mettre en application en ressentant des douleurs après cette pose.

Sur le défaut d'information :

8. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Elle est également informée de la possibilité de recevoir, lorsque son état de santé le permet, notamment lorsqu'elle relève de soins palliatifs au sens de l'article L. 1110-10, les soins sous forme ambulatoire ou à domicile. Il est tenu compte de la volonté de la personne de bénéficier de l'une de ces formes de prise en charge. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. / (...) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. (...) ".

9. Il résulte de ces dispositions que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé. Si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité, de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation. Un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée. C'est seulement dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que les juges du fond peuvent nier l'existence d'une perte de chance.

10. Le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges n'établit pas, comme il le lui incombe, qu'il aurait informé M. J... des risques que comportait la réalisation d'un plâtre cruro-pédieux circulaire, dont celui de la compression du nerf sciatique poplité externe. Par suite, en l'absence d'urgence rendant impossible l'information préalable du patient, ce défaut d'information a constitué une faute susceptible d'engager la responsabilité du centre hospitalier. Toutefois, il résulte de l'instruction que la fissure du plateau tibial externe droit dont M. J... a été victime du fait de sa chute le 26 juin 2012 rendait nécessaire de manière impérieuse une immobilisation complète du membre pendant plusieurs semaines que seule la pose d'un plâtre circulaire cruro-pédieux pouvait assurer, une attelle plâtrée cruro-pédieuse, telle que celle qui avait été posée à titre provisoire le 26 juin 2012 au centre hospitalier de Fontainebleau n'étant pas de nature à permettre de parvenir au même effet, et aucune alternative thérapeutique n'étant envisageable. Dans ces conditions, la faute commise par le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges du fait de ce défaut d'information n'a pas entraîné, dans les circonstances de l'espèce, de perte de chance pour M. J... de se soustraire au risque qui s'est réalisé. Par suite, aucune indemnisation n'est due à ce titre.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. J... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 22 mars 2019, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges à lui verser la somme de 128 887,22 euros en réparation des préjudices que lui a causé sa prise en charge qu'il estime défaillante.

Sur les frais liés à l'instance :

12. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais liés à l'instance ; dès lors, les conclusions présentées à ce titre par M. J... doivent être rejetées.

13. Dans les circonstances de l'espèce, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge du centre hospitalier de Fontainebleau et du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges les frais liés à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. J... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Fontainebleau et par le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges, tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... J..., au centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges, au centre hospitalier de Fontainebleau, à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. D..., président assesseur,

- Mme Collet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 janvier 2020.

Le rapporteur,

I. D...Le président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne à la ministre de la santé en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 19PA01696


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01696
Date de la décision : 30/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : VAN TESLAAR

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-01-30;19pa01696 ?
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