La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/01/2020 | FRANCE | N°19PA00568

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 30 janvier 2020, 19PA00568


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Polyagro a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision du 19 mars 2018 par laquelle le vice-président, ministre de l'économie et des finances, a rejeté ses offres relatives à l'importation et à la distribution au stade de gros de farine panifiable pour le 1er semestre 2018.

Par un jugement n° 1800137 du 30 octobre 2018, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une req

uête, enregistrée le 30 janvier 2019, la société Polyagro, représentée par Me C..., demande à la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Polyagro a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision du 19 mars 2018 par laquelle le vice-président, ministre de l'économie et des finances, a rejeté ses offres relatives à l'importation et à la distribution au stade de gros de farine panifiable pour le 1er semestre 2018.

Par un jugement n° 1800137 du 30 octobre 2018, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 janvier 2019, la société Polyagro, représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1800137 du 30 octobre 2018 du tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) d'annuler la décision du 19 mars 2018 du vice-président, ministre de l'économie et des finances ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie française le versement d'une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement attaqué :

- les premiers juges ont omis de répondre aux moyens tirés :

de ce que le procédé consistant pour la commission d'appel d'offres à départager les offres sur le critère du prix est entaché d'une irrégularité dirimante,

de ce que l'offre de la société Coutimex qui proposait un conditionnement en sacs de 50 kg méconnaissait l'article A. 4541-2 du code du travail,

de ce qu'en retenant le critère discriminant de " l'expérience acquise en Polynésie française ", la commission d'appel d'offres a conféré un avantage à la société Wing Chong sur le lot n° 2 en raison de sa présence historique sur le marché local,

de ce qu'il ne ressort pas de l'arrêté du 23 février 2018, ni des cahiers des charges que la Polynésie française ait entendu limiter le nombre de lots pouvant être attribués au même opérateur, contrairement à ce qu'a retenu la commission d'appel d'offres,

de la méconnaissance des dispositions de l'article 18 de l'arrêté du 23 février 2018 dès lors que la décision de rejet de ses offres pour les lots n° 1 et n° 2 a été notifiée par le vice-président qui n'était pas compétent ;

S'agissant de l'exception d'illégalité de l'arrêté du 23 février 2018 et ses annexes :

- le cahier des clauses générales et le cahier des prescriptions qualitatives de l'appel d'offres ont été pris par une autorité incompétente et sont dépourvus de base légale, l'arrêté du 23 février 2018 n'étant pas encore entré en vigueur lors de la signature de ces documents par le vice-président, ministre de l'économique et des finances le 26 février 2018 ;

- l'arrêté du 23 février 2018 est entaché d'incompétence négative dès lors que le conseil des ministres n'a pas épuisé sa compétence, notamment en ce qui concerne les cahiers des charges approuvés et annexés à l'arrêté ; l'arrêté et ses annexes ont ainsi été modifiés par une autorité incompétente ;

- la ministre du travail n'avait pas compétence pour contresigner l'arrêté ;

- en faisant de la capacité des soumissionnaires à la fois une condition de validité du dossier et un critère de sélection, l'arrêté du 23 février 2018 a dénaturé la procédure d'appel d'offres et a attribué à l'administration un pouvoir discrétionnaire dans le choix des attributaires ;

- les critères de sélection des offres sont irréguliers ; la Polynésie française n'a pas hiérarchisé ni pondéré ces critères et les soumissionnaires ne peuvent pas apprécier de façon objective les modalités de jugement des offres ; le critère de " l'expérience acquise en Polynésie française " présente un caractère discriminatoire et est surestimé ; c'est à tort que les premiers juges ont estimé que ce moyen n'était pas assorti de précisions suffisantes ; par ailleurs, l'appréciation de la qualité des farines aurait dû constituer un critère de sélection au regard de l'intérêt prétendument poursuivi, à savoir la panification ; ainsi, le classement des offres ne repose pas sur des critères objectifs, précis et clairs et mis en oeuvre conformément à l'information qui a été donnée aux candidats ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'aucun des moyens mentionnés au point précédent n'était opérant dès lors qu'ils reposaient essentiellement sur le droit des marchés publics ;

- les articles 16 et 18 de l'arrêté du 23 février 2018 maintiennent le précédent système discrétionnaire et même arbitraire du choix des attributaires dès lors que le classement des offres par la commission d'appel d'offres est indicatif et que le choix des attributaires relève de la compétence du président ;

S'agissant des autres moyens :

- la décision de rejet de ses offres est insuffisamment motivée ;

- la commission d'appel d'offres n'a retenu que le critère du prix et s'est affranchie des autres critères ;

- l'administration a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des mérites respectifs des offres en présence, le choix n'ayant pu se faire sur la base d'éléments objectifs, transparents et justifiés par l'objet de la mesure ; l'un des candidat, la société Coutimex, n'avait pas renseigné dans sa soumission les modalités de stockage, d'entreposage et de logistique mais la commission lui a toutefois attribué la note maximale ; elle aurait dû avoir une note supérieure à celle de ses concurrents ; le procédé consistant pour la commission à départager les offres sur le critère du prix est entaché d'une irrégularité dirimante ;

- la décision de rejet de ses offres méconnaît les dispositions de l'article 18 de l'arrêté du 23 février 2018 dès lors qu'elle a été notifiée par le vice-président qui n'était pas compétent pour ce faire ;

- l'offre de la société Coutimex qui proposait un conditionnement en sacs de 50 kg, méconnaissait l'article A. 4541-2 du code du travail ; elle était donc irrégulière ;

- contrairement à ce qu'a retenu la commission d'appel d'offres lors de l'attribution des lots, il ne ressort pas de l'arrêté ni des cahiers des charges que la Polynésie française ait entendu limiter le nombre de lots pouvant être attribués au même opérateur ;

- la commission a conféré un avantage à la société Wing Chong sur le lot n° 2 en raison de sa présence historique sur le marché local ; ce choix démontre que le critère discriminant de " l'expérience acquise en Polynésie française " a été déterminant dans le rejet de son offre dès lors qu'elle est l'opérateur le plus récent.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2019, la Polynésie française, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société Polyagro au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code des relations entre le public et les administrations ;

- l'arrêté n° 252 CM du 23 février 2018 ;

- le code de justice administrative

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., substituant Me C..., avocat de la société Polyagro.

Considérant ce qui suit :

1 L'arrêté n° 252 CM du 23 février 2018 a institué une procédure d'appel d'offres à l'importation des farines de froment relevant du numéro de nomenclature douanière 11.01.00.90, conditionnées en emballage de plus de deux kilogrammes. En application de cet arrêté, un avis a été publié au Journal officiel de la Polynésie française le 2 mars 2018 informant les importateurs du lancement d'un appel d'offres en vue de l'importation de 6 600 tonnes de farine de froment répartis en deux lots de 3 000 et 3 600 tonnes. La société Polyagro, qui exerce une activité d'importation en Polynésie française de produits alimentaires, a déposé des offres en vue de l'attribution de ces lots qui ont été rejetées par une décision du 19 mars 2018 du vice-président, ministre de l'économie et des finances. La société Polyagro relève appel du jugement du 30 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur le bien fondé :

2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, applicable aux décisions de la Polynésie française en vertu de l'article 8 de l'ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ; (...) ".

3. Aux termes de l'article 16 de l'arrêté n° 252/CM du 23 février 2018 : " Les offres sont classées en fonction du prix, mais également des conditions d'entreposage, de la capacité de stockage, des moyens logistiques (transport, manutention), de la source d'approvisionnement et des garanties professionnelles et financières présentées par chacun des concurrents ainsi que de leur expérience acquise en Polynésie française. Ce classement peut aussi être guidé par le souci de ne pas placer dans une position de dépendance les professionnels ainsi que par toute autre considération relative à un intérêt de portée générale pour la Polynésie française. ".

4. Il ressort des termes de la décision contestée que pour rejeter les offres de la société Polyagro, le vice-président, ministre de l'économie et des finances s'est borné à mentionner que ces offres " se sont positionnées défavorablement par rapport à celles des soumissionnaires retenus eu égard aux critères de choix énoncés à l'article 16 de l'arrêté n° 252/CM du 23 février 2018 ". Ce motif de refus, exposé en des termes trop généraux, ne permet pas à la société Polyagro de contester utilement son bien-fondé. Il s'ensuit que la décision de rejet des offres de la société Polyagro ne répond pas à l'exigence de motivation prévue par les dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, la décision du 19 mars 2018 du vice-président, ministre de l'économie et des finances doit être annulée.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société Polyagro est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 mars 2018 du vice-président, ministre de l'économie et des finances.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Polyagro, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la Polynésie française au titre des frais liés à l'instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, par application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 1 500 euros à verser à la société Polyagro.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1800137 du 30 octobre 2018 du tribunal administratif de la Polynésie française et la décision du 19 mars 2018 du vice-président, ministre de l'économie et des finances sont annulés.

Article 2 : La Polynésie française versera à la société Polyagro la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la Polynésie française présentées sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Polyagro et à la Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 janvier 2020.

Le rapporteur,

V. D...Le président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 19PA00568


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00568
Date de la décision : 30/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

46-01-03-02-03 Outre-mer. Droit applicable. Lois et règlements (hors statuts des collectivités). Collectivités d'outre-mer et Nouvelle-Calédonie. Polynésie française.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : DS LEGAL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-01-30;19pa00568 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award