Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 6 septembre 2018 par lequel le préfet de police a constaté la caducité de son droit au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1816563/5-1 du 6 décembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a d'une part admis l'intéressé au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, d'autre part rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 décembre 2018, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'admettre M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement n° 1816563/5-1 du 6 décembre 2018 du Tribunal administratif de Paris ;
3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 6 septembre 2018 ;
4°) d'enjoindre au préfet de police de lui remettre sa carte d'identité roumaine ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision prononçant la caducité de son droit au séjour est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen personnel et complet de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions du 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où il avait la qualité de travailleur salarié ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant au caractère suffisant de ses ressources ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale à raison de l'illégalité entachant la décision prononçant la caducité du droit au séjour ;
- elle porte atteinte au droit au respect de sa vie privée.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 juin 2019 le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 28 mai 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er juillet 2019.
Le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été accordé à M. A... par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 30 avril 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment l'article 45 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive n° 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 et le règlement 492/2011 du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de l'Union ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant roumain né le 6 octobre 1981, a fait l'objet d'un arrêté du 6 septembre 2018 par lequel le préfet de police a constaté la caducité de son droit au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 6 décembre 2018 en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'appréciation des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. [...] ". Aux termes de l'article 62 du décret du 19 décembre 1991 pris pour l'application de ces dispositions : " L'admission provisoire est demandée sans forme au président du bureau ou de la section ou au président de la juridiction saisie. [...]. L'admission provisoire peut être prononcée d'office si l'intéressé a formé une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'a pas encore été définitivement statué ".
3. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 30 avril 2019. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du requérant tendant à obtenir l'aide juridictionnelle à titre provisoire, qui ont perdu leur objet.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
En ce qui concerne les moyens communs aux décisions attaquées :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration à la date de la décision attaquée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
5. Les décisions contestées mentionnent les considérations de droit et de fait sur lesquelles elles sont fondées. Elles visent les articles L. 511-3, L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elles mentionnent que le requérant, entré en France depuis plus de trois mois, ne peut justifier de ressources suffisantes et ne remplit aucune des conditions fixées par l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il constitue une charge déraisonnable pour l'Etat français et que les décisions ne contreviennent pas aux dispositions des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions contestées manque en fait et doit être écarté.
6. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen sérieux et complet de la situation de M. A....
En ce qui concerne la décision constatant la caducité du droit au séjour:
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) ". Aux termes de l'article R. 121-6 du même code : " I.- Les ressortissants mentionnés au 1° de l'article L. 121-1 conservent leur droit au séjour en qualité de travailleur salarié ou de non-salarié : 1° S'ils ont été frappés d'une incapacité de travail temporaire résultant d'une maladie ou d'un accident ; (...) II.-Ils conservent au même titre leur droit de séjour pendant six mois : 1° S'ils se trouvent en chômage involontaire dûment constaté à la fin de leur contrat de travail à durée déterminée inférieure à un an (...) ".
8. Un ressortissant de l'Union européenne ne dispose d'un droit au séjour en France en application des dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que dans la mesure où il remplit les conditions fixées au 1° ou au 2° du même article, qui sont alternatives et non cumulatives. Pour l'application du 1°, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, doit être regardé comme travailleur, au sens du droit de l'Union européenne, toute personne qui exerce une activité réelle et effective, à l'exclusion d'activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires. Pour l'application du 2°, il appartient à l'autorité administrative d'établir que les intéressés sont devenus, pendant cette période, une charge déraisonnable pour le système d'assurance sociale en ayant effectivement recours à cette assistance ou en bénéficiant d'aides ou de prestations sociales dans des conditions telles que le droit au séjour puisse leur être refusé.
9. Il ressort des pièces du dossier d'une part, que si M. A... a été salarié respectivement des sociétés A C S P, LM Intérim et LIP, en tant que manoeuvre et chauffeur, il ne produit que cinq bulletins de salaire pour les années 2016 à 2018 et aucun contrat de travail. Ces pièces établissent seulement des missions exercées dans le cadre de l'insertion par l'activité économique et des missions de travail temporaire, pour des salaires allant de 160,46 euros à 594,75 euros et un salaire global de 2 217,08 euros pour un volume de 180 heures sur l'ensemble de la période citée. S'il justifie d'un accident du travail en juin 2018, son arrêt de travail n'a pas excédé trois jours. D'autre part, M. A... qui produit une attestation d'affiliation à l'assurance maladie et à la couverture maladie universelle complémentaire pour la période du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019, a bénéficié de la prime d'activité ainsi que du revenu de solidarité active pour le mois de mai 2018. Dans ces conditions, M. A..., qui n'établit pas avoir été involontairement privé d'emploi ni victime d'un accident du travail ayant entraîné une invalidité, ne démontre pas qu'il disposerait de ressources suffisantes ou de moyens d'existence lui permettant de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale au sens des dispositions du 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, le préfet a légalement pu, sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation, prononcer la caducité du droit au séjour de M. A... au regard de son absence de ressources ou de moyens d'existence et de sa situation de complète dépendance par rapport au système d'assistance sociale français. Par suite, les moyens tirés d'une erreur de droit doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de renvoi :
10. Aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate: / 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 ".
11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à invoquer par voie d'exception, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, l'illégalité de la décision prononçant la caducité du droit au séjour.
12. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
13. Si M. A... soutient que la décision contestée porte atteinte au droit au respect de sa vie privée, il n'établit pas avoir des liens personnels en France, où il est célibataire, sans domicile fixe et sans charge de famille. Compte tenu de la durée et des conditions de séjour en France de M. A..., le préfet de police n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par le constat de caducité au séjour, ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
14. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... tendant à obtenir l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Hamon, président,
- Mme D..., premier conseiller,
- Mme Notarianni, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 janvier 2020.
Le rapporteur,
A. D...Le président,
P. HAMON
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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18PA03937
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