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23/01/2020 | FRANCE | N°19PA02883

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 23 janvier 2020, 19PA02883


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 28 février 2018 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande tendant au changement de son patronyme en " Meslem ", et d'enjoindre à ce ministre d'autoriser ce changement.

Par jugement n° 1806773 du 4 juillet 2019 le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 3 septembre 2019

et 28 novembre 2019, M. F..., représenté par Me A... G..., demande à la Cour :

1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 28 février 2018 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande tendant au changement de son patronyme en " Meslem ", et d'enjoindre à ce ministre d'autoriser ce changement.

Par jugement n° 1806773 du 4 juillet 2019 le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 3 septembre 2019 et 28 novembre 2019, M. F..., représenté par Me A... G..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1806773 du 4 juillet 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 28 février 2018 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé de faire droit à sa demande de changement de nom de F... en Meslem ;

3°) d'enjoindre à la garde des sceaux, ministre de la justice, de l'autoriser à changer son nom en celui de Meslem ;

4°) de mettre à la charge de la garde des sceaux, ministre de la justice une somme de 1 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision est entachée d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article 61 du code civil, dès lors qu'il justifie de circonstances exceptionnelles de nature à caractériser l'intérêt légitime requis pour changer de nom ;

- elle porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 novembre 2019, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête ne sont fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le décret n° 94-52 du 20 janvier 1994 relatif à la procédure de changement de nom ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E...,

- et les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... F..., né en France le 10 mars 1987, a été reconnu par anticipation par Mme I... et par M. H... B.... La reconnaissance de paternité de M. H... B... a toutefois été annulée par un jugement du tribunal de grande instance de Briey en date du 28 octobre 1993. M. F... a ensuite été reconnu par M. D... F... le 14 mars 1994. Par une requête publiée au Journal Officiel du 27 janvier 2013, il a demandé à la garde des sceaux, ministre de la justice, d'autoriser le changement de son patronyme en " Meslem ", soit le nom de sa mère. Par une décision du 28 février 2018, le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté cette demande au motif que les éléments versés au dossier pour établir l'intérêt légitime à changer de nom, étaient insuffisants. M. F... relève appel du jugement n° 1806773 du 4 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. D'une part, l'article 61 du code civil dispose que: " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. / La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré. / Le changement de nom est autorisé par décret ". L'article 2 du décret du 20 janvier 1994 dispose en outre que : " À peine d'irrecevabilité, la demande expose les motifs sur lesquels elle se fonde, indique le nom sollicité et, lorsque plusieurs noms sont proposés, leur ordre de préférence ; elle est accompagnée des pièces suivantes : / (...) / 3° Le consentement personnel écrit des enfants mineurs du demandeur âgés de plus de treize ans (...) ". Des motifs d'ordre affectif peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi.

3. D'autre part, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Si, en tant que moyen d'identification personnelle et de rattachement à une famille, le nom d'une personne concerne sa vie privée et familiale, les stipulations précitées ne font pas obstacle à ce que les autorités compétentes de l'État puissent en réglementer l'usage, notamment pour assurer une stabilité suffisante de l'état civil.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... F... porte le nom du mari de sa mère en application d'un jugement rendu le 21 juin 1996 par le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence. M. F... soutient qu'il n'est pas le fils biologique de son père légal dont il porte le nom et fait état de rapports familiaux violents, sans qu'il soit au demeurant établi si elles relèvent de son fait, du fait de son père, ou d'eux deux, qui l'ont conduit à refuser de fréquenter son père légal à partir de 2008, alors qu'il était âgé de 21 ans. Sa mère et son père légal, mariés le 16 novembre 1991 ont divorcé le 20 décembre 2013 après 22 ans de mariage. Toutefois, la circonstance que l'intéressé porte un nom qui ne serait pas celui de son père biologique est à elle seule insuffisante pour caractériser un intérêt légitime, au sens des dispositions précitées de l'article 61 du code civil, pour qu'il puisse être dérogé aux principes de dévolution et d'immutabilité du nom de famille. Par ailleurs, un motif d'ordre affectif ne suffit à caractériser un intérêt légitime qu'en cas de circonstances exceptionnelles. Or, et ainsi que l'a d'ailleurs relevé le garde des sceaux, ministre de la justice, dans la décision querellée, il ne ressort pas des pièces du dossier que le père du requérant se serait désintéressé de son fils, la seule production de procès-verbaux de dépôt de plainte en date des 10, 11 et 12 septembre 2008, ne suffisant pas à établir la réalité des violences alléguées. Si le requérant fait état de son attachement exclusif à sa famille maternelle, et de motifs psychologiques qui justifieraient également sa demande de changement de nom, il ne démontre toutefois aucun usage du nom de sa mère.

5. Il s'ensuit que les circonstances invoquées par M. C... F... ne présentent pas un caractère exceptionnel de nature à caractériser un intérêt légitime justifiant, en application des dispositions de l'article 61 du code civil, le changement de nom sollicité. Pour les mêmes motifs, la décision litigieuse ne porte pas au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant une atteinte excessive au regard de l'intérêt public qui s'attache au respect des principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi. Dès lors, les deux moyens de la requête ne peuvent qu'être écartés.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté, par le jugement attaqué, sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 février 2018 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé de faire droit à sa demande de changement de son patronyme en " Meslem " et d'enjoindre audit ministre de la justice d'autoriser ce changement de nom. Par voie de conséquence, sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... F... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (premier alinéa) et R. 222-6 (premier alinéa) du code de justice administrative,

- M. E..., premier conseiller,

- M. Platillero, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 janvier 2020.

Le rapporteur,

A. E... Le président,

S. DIÉMERT Le greffier,

A. LOUNIS

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.

2

N° 19PA02883


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02883
Date de la décision : 23/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-01-03 Droits civils et individuels. État des personnes. Changement de nom patronymique.


Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : EL MABROUK

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-01-23;19pa02883 ?
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