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21/01/2020 | FRANCE | N°18PA03800

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 21 janvier 2020, 18PA03800


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 12 juillet 2017 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé son licenciement pour motif disciplinaire et de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Par un jugement n° 1714061/3-2 du 3 octobre 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requ

ête et un mémoire, enregistrés les 5 décembre 2018 et 20 novembre 2019, M. C..., représenté p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 12 juillet 2017 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé son licenciement pour motif disciplinaire et de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

.

Par un jugement n° 1714061/3-2 du 3 octobre 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 décembre 2018 et 20 novembre 2019, M. C..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1714061/3-2 du 3 octobre 2018 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 12 juillet 2017 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé la société Conforama à le licencier pour motif disciplinaire ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'enquête diligentée par l'inspectrice du travail n'a pas été contradictoire, n'a pas été menée conformément aux dispositions de l'article R. 2421-11 du code du travail ;

- un des motifs du licenciement n'a pas été évoqué lors de l'entretien préalable ;

- la décision attaquée est entachée d'un détournement de procédure, de partialité, l'inspectrice du travail ayant fait usage de pouvoirs d'investigation auprès d'une société tierce ;

- cette décision est également entachée d'erreurs de fait et d'appréciation ; le grief tenant à son absence continue injustifiée n'est pas établi, ses absences étant justifiées par l'exercice de son droit de retrait, consécutif à des faits de harcèlement et de discrimination ; le fait d'exercer un second emploi non concurrent avec celui occupé au sein de la société Conforama ne constitue pas, à lui seul, un motif de licenciement ;

- la mesure de licenciement est en lien avec son mandat de délégué syndical ;

- l'intérêt général fait obstacle à son licenciement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2019, la société Conforama, représentée par la Selafa BRL Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. C... le versement d'une somme de 1 000 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. C... n'est fondé.

Par ordonnance du 24 octobre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au

22 novembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant la société Conforama.

Considérant ce qui suit :

1. A compter du 1er décembre 2014, M. C... a occupé au sein de la société Conforama le poste de responsable de rayon adjoint électroménager-cuisine du magasin de l'Etoile, à Paris. Le 27 novembre 2015, il a été désigné délégué syndical. Par courrier reçu le

29 juin 2017, la société Conforama a demandé à l'inspectrice du travail l'autorisation de le licencier pour motif disciplinaire en invoquant des absences injustifiées entre le 1er avril et le 16 juin 2017 et un manquement à l'obligation de loyauté. Le 12 juillet 2017, l'inspectrice du travail a accordé l'autorisation sollicitée. M. C... relève appel du jugement du 3 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. En premier lieu, en application de l'article R. 2421-11 du code du travail, l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé " procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat ". Le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément à ces dispositions impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris des témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation.

3. M. C..., qui ne conteste pas avoir reçu communication des pièces communiquées par son employeur à l'administration, soutient que le caractère contradictoire de la procédure a été méconnu, faute pour l'inspectrice du travail de lui avoir communiqué la déclaration préalable à l'embauche établie par une entreprise tierce à destination de l'URSSAF. Il ressort toutefois des pièces du dossier, ainsi que l'on constaté les premiers juges, que les documents recueillis par l'inspectrice et relatifs à l'emploi de M. C... par la société Fnac ne constituaient pas, dans les circonstances de l'espèce, des éléments déterminants pour établir la matérialité des faits de travail chez un concurrent tels qu'allégués par l'employeur, dès lors qu'il ressort d'attestations figurant au dossier que l'intéressé avait lui-même annoncé en mars 2017 à des collègues qu'il partait travailler dans une autre enseigne et que cette circonstance était déjà suffisamment établie par le seul courriel du 26 avril 2017 émanant d'un responsable des ressources humaines de la société Fnac joint à la demande d'autorisation de licenciement et auquel le requérant a eu accès, faisant état du recrutement de ce dernier par sa société depuis le mois d'avril 2017. Par suite, à supposer même que le document litigieux n'ait pas été évoqué lors de l'entretien du

6 juillet 2017, l'inspectrice du travail a pu en tout état de cause, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article R. 2421-11 du code du travail, s'abstenir de les communiquer à M. C....

4. En deuxième lieu, M. C... se borne à reprendre en appel le moyen développé dans sa demande de première instance, tiré de ce que la décision de l'inspectrice du travail du

12 juillet 2017 serait entachée de détournement de procédure, de partialité dans le déroulement de l'enquête, motif pris que l'inspectrice du travail, tout en prenant l'attache de la société Fnac pour vérifier son recrutement par cette dernière, n'aurait pas mis en oeuvre ses pouvoirs d'investigation pour constater des infractions commises en matière de discrimination. Toutefois, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 3, et faute pour le requérant de présenter aucun élément de fait ou de droit nouveau, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, ce moyen ne pourra qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

5. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les absences injustifiées de

M. C... à compter du 1er avril 2017 sont établies et ne sauraient être justifiées par l'exercice par le salarié d'un droit de retrait, invoqué tardivement et dont la légitimité n'est nullement établie, alors même que l'employeur, à plusieurs reprises, l'a mis en demeure de reprendre son poste ou de justifier des raisons de son absence. Il est en effet suffisamment établi, notamment par les attestations d'autres employés, que le motif réel de l'absence du requérant était le choix fait par ce dernier, annoncé avant son départ le 30 mars 2017 concomitamment à la remise de ses clés et de son badge, de ne plus travailler pour la société Conforama, dans un contexte d'achoppement d'une demande de rupture conventionnelle dont M. C... était l'initiateur. Il avait par ailleurs, dans l'intervalle, été recruté par une société concurrente en méconnaissance de l'obligation contractuelle stipulée à son contrat de travail. La circonstance que M. C... se serait rendu sur son lieu de travail dans le seul cadre de ses activités syndicales, d'une visite médicale avec le médecin du travail ou de la procédure de licenciement est sans incidence sur l'existence et la qualification d'une telle absence. Par suite, pour ce seul motif et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le moyen tiré de l'absence d'indication du grief tenant au manquement à l'obligation de loyauté au cours de l'entretien préalable à licenciement en méconnaissance de l'article L. 1232-3 du code du travail, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que ces faits d'abandon de poste justifiaient à eux seuls qu'il soit fait droit à la demande d'autorisation de licenciement.

7. En deuxième lieu, dans les circonstances susvisées, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... depuis sa désignation en qualité de délégué syndical aurait été victime d'un traitement discriminatoire, voire de harcèlement moral, imputable à son employeur et légitimant rétrospectivement l'exercice de son droit de retrait. L'intéressé n'est donc pas fondé à soutenir que la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société Conforama serait en lien avec son activité syndicale.

8. En dernier lieu, M. C... n'étant pas l'unique détenteur de mandats représentatifs, le motif qu'il invoque, tiré de ce que son licenciement priverait son organisation syndicale de toute représentation au sein de l'entreprise n'est pas suffisant, à lui seul, à démontrer l'existence d'un motif d'intérêt général justifiant la nécessité de maintenir son contrat de travail. Par suite, le moyen tiré de ce que l'autorité administrative aurait dû faire usage de son pouvoir d'appréciation pour refuser la mesure de licenciement doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, verse à M. C... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... le versement d'une somme de 1 000 euros au titre de ces mêmes dispositions à la société Conforama.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : M. C... versera à la société Conforama la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à la ministre du travail et à la société Conforama.

Délibéré après l'audience publique du 7 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

- M. D..., premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 21 janvier 2020.

Le rapporteur,

M-G... B... Le président,

M. D...

Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 18PA03800


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03800
Date de la décision : 21/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : SAMAMA SAMUEL

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-01-21;18pa03800 ?
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