La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/12/2019 | FRANCE | N°19PA00858

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 20 décembre 2019, 19PA00858


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 26 avril 2018 par laquelle la ministre du travail :

- a retiré sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique formé par l'association L'Union sociale pour l'habitat (USH) contre la décision du 3 août 2017 de l'inspecteur du travail refusant d'autoriser son licenciement ;

- a annulé ladite décision du 3 août 2017 ;

- et a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1810659/3-3 du 5 f

évrier 2019, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 26 avril 2018 de la ministr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 26 avril 2018 par laquelle la ministre du travail :

- a retiré sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique formé par l'association L'Union sociale pour l'habitat (USH) contre la décision du 3 août 2017 de l'inspecteur du travail refusant d'autoriser son licenciement ;

- a annulé ladite décision du 3 août 2017 ;

- et a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1810659/3-3 du 5 février 2019, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 26 avril 2018 de la ministre du travail.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 février 2019, l'USH, représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Paris du 5 février 2019 ;

2°) de rejeter les conclusions de première instance de M. B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la décision ministérielle du 26 avril 2018 a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire ; en tout état de cause, le salarié avait présenté l'ensemble de ses observations à l'automne 2017, dans le cadre de l'instruction de son recours hiérarchique ;

- le comportement frauduleux reproché à M. B... est établi et présente une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

- la demande d'autorisation de licenciement est dépourvue de lien avec le mandat du salarié.

Par un mémoire enregistré le 17 mai 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de l'USH la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par l'USH ne sont pas fondés ;

- la ministre n'a pas exactement qualifié les faits qui lui étaient reprochés, dès lors qu'il a fait preuve de bonne foi, ne souhaitant que faire reconnaître l'imputabilité de son état de santé à ses conditions de travail ;

- l'exercice de son mandat d'élu au CHSCT n'est pas étranger à la demande de licenciement.

Par un mémoire enregistré le 7 juin 2019, la ministre du travail demande à la cour de faire doit à la requête en annulant le jugement attaqué.

Elle renvoie à ses écritures de première instance et soutient en outre que :

- les premiers juges ont commis une erreur de droit, dès lors qu'elle n'était tenue de respecter aucun délai pour prendre la décision du 26 avril 2018 ;

- l'article R. 1-1-6 du code des postes et des communications électroniques n'est pas applicable à la procédure contradictoire prévue par les articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code des postes et des communications électroniques ;

- le codes des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- les observations de Me E..., représentant l'USH,

- et les observations de Me C..., représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été recruté par l'association L'USH, par contrat à durée indéterminée signé le 26 juin 2013, pour exercer les fonctions de responsable " Énergie et développement durable " au sein de la direction de la maîtrise d'ouvrage et des politiques patrimoniales. Il est devenu membre du CHSCT en juillet 2014, et y a été réélu le 19 juillet 2016. Par courrier du 20 juin 2017, l'USH a sollicité l'autorisation de le licencier pour motif disciplinaire. L'inspecteur du travail a refusé d'accorder cette autorisation le 3 août 2017. Le recours hiérarchique de l'association requérante, reçu le 1er septembre 2017 par la ministre du travail, a été rejeté par une décision implicite née le 1er janvier 2018. Par décision du 26 avril 2018, la ministre du travail a retiré sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique de l'USH, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 3 août 2017 et a autorisé le licenciement de M. B.... Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision de la ministre du travail.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges ont énoncé de façon suffisamment complète et précise les motifs qui les ont conduits à estimer que le principe du contradictoire avait été méconnu par la ministre du travail. Par suite, ledit jugement, qui est suffisamment motivé, n'est pas irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. ". Enfin, aux termes de L. 211-2 de ce code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative compétente pour adopter une décision individuelle entrant dans leur champ de mettre elle-même la personne intéressée en mesure de présenter des observations. Il en va de même, à l'égard du bénéficiaire d'une décision, lorsque l'administration est saisie par un tiers d'un recours gracieux ou hiérarchique contre cette décision. Ainsi, le ministre chargé du travail, saisi sur le fondement des dispositions de l'article R. 2422-1 du code du travail d'un recours contre une décision autorisant ou refusant d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé, doit mettre le tiers au profit duquel la décision contestée a créé des droits - à savoir, respectivement, l'employeur ou le salarié protégé - à même de présenter ses observations.

4. Il ressort des pièces du dossier que la ministre du travail, envisageant de retirer sa décision implicite de rejet du recours gracieux de l'USH née le 1er janvier 2018, créatrice de droits au profit de M. B..., en a informé ce dernier par courrier du 16 avril 2018. La ministre lui demandait en outre de lui transmettre, s'il l'estimait nécessaire, " toute observation écrite dans un délai de huit jours à compter de la réception " dudit courrier. Celui-ci, vainement présenté au domicile de M. B... le 18 avril 2018, a été retiré par l'intéressé le 28 avril 2018, dans le délai de quinze jours prévu par l'article R. 1-1-6 du code des postes et des communications électroniques, dont les dispositions sont applicables à tout envoi postal relevant, comme en l'espèce, du service universel assuré par La Poste. Par suite, le délai fixé par la ministre elle-même à M. B... pour présenter ses observations, lequel ne saurait avoir commencé à courir avant la date à laquelle celui-ci a, dans le délai de mise en instance, retiré le courrier qui l'en informait, n'expirait que le 6 mai 2018. Or, comme il a été dit au point 1 du présent arrêt, la ministre a retiré sa décision du 1er janvier 2018 et autorisé le licenciement du salarié le 26 avril 2018. L'intéressé n'a donc pas été en mesure de présenter utilement ses observations préalables. Il n'est pas allégué par ailleurs que ladite décision serait intervenue dans un cas d'urgence de nature à dispenser la ministre de l'obligation de respecter la procédure contradictoire dont elle a elle-même fixé le terme. Dans ces conditions, la décision du 26 avril 2018 a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, privant M. B... d'une garantie que ne sauraient compenser les observations qu'il a présentées à l'automne 2017 dans le cadre de l'instruction du recours hiérarchique de son employeur, rejeté par la décision implicite du

1er janvier 2018.

5. Il résulte de ce qui précède que l'association l'USH n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision de la ministre du travail du 26 avril 2018 lui accordant l'autorisation de licencier M. B....

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par l'USH et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement de la somme de 1 500 euros à M. B....

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association L'USH est rejetée.

Article 2 : L'USH versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association L'Union sociale pour l'habitat, à M. A... B... et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience publique du 3 décembre 2019 à laquelle siégeaient :

- M. F..., premier vice-président,

- Mme Jayer, premier conseiller,

- Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 20 décembre 2019.

Le rapporteur,

G. D... Le président,

M. F...

Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

5

N° 19PA00858


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00858
Date de la décision : 20/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : CAPSTAN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-12-20;19pa00858 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award