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20/12/2019 | FRANCE | N°19PA00687

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 20 décembre 2019, 19PA00687


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... F... a demandé au tribunal administratif de Melun de déclarer le Grand hôpital de l'Est francilien responsable des préjudices qu'elle a subis lors de sa prise en charge au sein de cet établissement et d'ordonner une expertise en vue de déterminer la nature, l'origine et l'étendue de ses préjudices.

Par un jugement n° 1706595 du 28 décembre 2018, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 février 2

019, Mme F..., représentée par la SCP d'avocats Touraut et associés, demande à la cour :

1°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... F... a demandé au tribunal administratif de Melun de déclarer le Grand hôpital de l'Est francilien responsable des préjudices qu'elle a subis lors de sa prise en charge au sein de cet établissement et d'ordonner une expertise en vue de déterminer la nature, l'origine et l'étendue de ses préjudices.

Par un jugement n° 1706595 du 28 décembre 2018, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 février 2019, Mme F..., représentée par la SCP d'avocats Touraut et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance.

Elle soutient que :

- l'établissement hospitalier a commis une faute en ne réévaluant pas le diagnostic erroné posé par son médecin généraliste ; cette erreur a conduit à la réalisation d'une opération non justifiée ;

- elle n'a pas reçu une information suffisante et compréhensible quant à son état de santé et aux risques et alternatives thérapeutiques liés à l'intervention réalisée ;

- elle a été victime d'un aléa thérapeutique, dont les conséquences sont notablement plus graves que celles auxquelles elle était exposée en l'absence de chirurgie ;

- il y a lieu de prescrire une mesure d'expertise en vue de déterminer l'origine et l'étendue des préjudices qu'elle subit.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 octobre 2019, le Grand hôpital de l'Est francilien, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant le Grand hôpital de l'Est francilien.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., née le 15 novembre 1985, présente depuis juillet 2010 une névralgie cervico-brachiale droite sur hernie discale C4-C5. Au printemps 2012, elle consulte un médecin spécialiste au centre hospitalier de Meaux, où une intervention chirurgicale est envisagée pour la soulager. Elle y subit ainsi le 14 août 2012 une discectomie et une arthrodèse C4-C5. Six mois après l'opération, elle ressent des douleurs au bras droit, qui ne cèdent pas malgré la kinésithérapie et un traitement antidouleur. Estimant que celles-ci sont en lien avec l'intervention, elle saisit l'hôpital d'une demande tendant à la réalisation d'une expertise en vue d'obtenir réparation. Sa demande est rejetée par décision expresse du 6 juillet 2016. Mme F... se tourne vers la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) d'Île-de-France le 6 septembre 2016, laquelle prescrit une expertise. Un rapport est déposé le 7 février 2017, au regard duquel la commission rend le 15 juin 2017 un avis défavorable à l'indemnisation.

2. La requérante a ensuite demandé au tribunal administratif de Melun de déclarer le centre hospitalier de Meaux responsable des préjudices qu'elle a subis lors de sa prise en charge au sein de cet établissement et d'ordonner une expertise en vue de déterminer la nature, l'origine et l'étendue de ses préjudices. Par un jugement du 28 décembre 2018 dont elle relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne la faute médicale :

3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ".

4. Mme F... recherche la responsabilité pour faute du Grand hôpital de l'Est francilien, venu aux droits du centre hospitalier de Meaux, en faisant valoir que le diagnostic ayant conduit à l'opération du 14 août 2012 était erroné et que cette intervention n'était donc pas justifiée. Il résulte cependant de l'instruction, notamment du rapport d'expertise déposé devant la CRCI d'Île-de-France, que l'établissement du diagnostic d'" uncodiscarthrose C4-C5 avec conflit évident avec la racine C5 droite " a été conforme aux données acquises de la science. L'expert note ainsi que plusieurs consultations ont eu lieu et que des examens complémentaires d'imagerie médicale ont été réalisés. Cette pathologie justifiait selon lui, compte tenu de l'intensité et de l'ancienneté des douleurs, ainsi que de " la participation arthrosique ", l'indication opératoire de discectomie et arthrodèse par cage. Mme F... n'apporte par ailleurs aucun élément susceptible de remettre en cause les conclusions de l'expert, qui n'a relevé aucune faute imputable à l'établissement hospitalier. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à rechercher la responsabilité du Grand hôpital de l'Est francilien au titre d'une faute médicale.

En ce qui concerne le défaut d'information :

5. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. ". Il résulte de ces dispositions que doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence.

6. Il résulte de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas contesté par la requérante, que le chirurgien qui a opéré Mme F... le 14 août 2012 l'a reçue en consultation à deux reprises, les 11 mai et 28 juin 2012. Il lui a alors expliqué l'intervention proposée au regard de sa pathologie, lui a indiqué les risques et bénéfices qu'elle présentait et lui a remis une brochure d'information. Après cinq jours de réflexion, la requérante a signé le 3 juillet 2012 un formulaire par lequel elle reconnaissait avoir reçu une information claire et intelligible quant à l'évolution de son état de santé, à la nature de l'acte chirurgical envisagé et aux risques qu'il comportait. Par suite, Mme F... n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas été suffisamment et clairement informée avant la réalisation de l'opération du 14 août 2012.

Sur la réparation au titre de la solidarité nationale :

7. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret ".

8. Il résulte notamment de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état.

9. Le rapport d'expertise déposé devant la CRCI d'Île-de-France, ainsi que les pièces produites au dossier, établissent cependant que les douleurs du membre supérieur droit dont souffre Mme F... étaient présentes avant l'opération du 14 août 2012, destinée justement à les soulager. Le chirurgien qui l'a opérée note ainsi dans le compte-rendu de consultation post-opératoire du 1er février 2013 que la patiente " a l'impression d'avoir exactement les mêmes symptômes qu'avant l'intervention sans aucune modification ". L'expert indique par ailleurs que le traitement chirurgical a échoué et que les troubles dont est atteinte la requérante sont en rapport avec son état antérieur. Par suite, Mme F... n'est pas fondée à soutenir que les dommages dont elle demande réparation résultent d'un accident médical non fautif.

10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit utile en l'espèce d'ordonner une mesure d'expertise, que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F..., au Grand hôpital de l'Est francilien et à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience publique du 3 décembre 2019 à laquelle siégeaient :

- M. C..., premier vice-président,

- Mme Jayer, premier conseiller,

- Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 20 décembre 2019.

Le rapporteur,

G. B... Le président,

M. C...

Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 19PA00687


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00687
Date de la décision : 20/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : SCP TOURAUT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-12-20;19pa00687 ?
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