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20/12/2019 | FRANCE | N°18PA02664

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 20 décembre 2019, 18PA02664


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les sociétés Advanced Technical Fabrication (ATF), Arthrex et X.Nov ont demandé au tribunal administratif de Paris, par trois requêtes distinctes, de condamner l'État à leur verser les sommes respectives de 1 814 015,18 euros, de 643 559 euros et de 972 604,28 euros, assorties des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices qu'elles ont subis du fait de l'illégalité des décisions du comité économique des produits de santé (CEPS) publiées au Journal officiel de la République française l

es 11 octobre 2013 et 6 juin 2014 et fixant les tarifs et prix limites de vente au...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les sociétés Advanced Technical Fabrication (ATF), Arthrex et X.Nov ont demandé au tribunal administratif de Paris, par trois requêtes distinctes, de condamner l'État à leur verser les sommes respectives de 1 814 015,18 euros, de 643 559 euros et de 972 604,28 euros, assorties des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices qu'elles ont subis du fait de l'illégalité des décisions du comité économique des produits de santé (CEPS) publiées au Journal officiel de la République française les 11 octobre 2013 et 6 juin 2014 et fixant les tarifs et prix limites de vente au public de certains implants orthopédiques.

Par un jugement nos 1611715-1620889-1702133 du 19 juin 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I) Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 août 2018 et 13 novembre 2019, la société ATF, représentée par Mes E... et Devulder, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le CEPS, organe de l'État dépourvu de personnalité morale, n'a pas qualité pour agir en justice ; il ne saurait par suite avoir la qualité de défendeur au cours de la présente instance, mais celle d'observateur ;

- le président du CEPS n'était pas compétent pour rejeter sa demande indemnitaire préalable ; il était tenu, en application des dispositions de l'article L. 114-2 du code des relations entre le public et l'administration, de la transmettre à la ministre des solidarités et de la santé ou au ministre de l'économie et des finances ;

- le tribunal a méconnu les stipulations combinées de l'article premier du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 6 de cette convention, dès lors que les décisions initiales du CEPS, réglementant l'usage de biens, étaient illégales ; le refus de lui accorder réparation la prive de son droit à un recours juridictionnel effectif ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en recherchant si le CEPS aurait pu légalement prendre des décisions équivalentes à celles qui ont été annulées, dans la mesure où l'organe qui a pris ces décisions était incompétent ;

- son droit à réparation ne pouvait être écarté que si le CEPS avait été tenu de prendre les décisions annulées ; en recherchant simplement si le CEPS aurait pu légalement adopter des décisions équivalentes, et non s'il aurait dû le faire, le tribunal a commis une erreur de droit ;

- l'illégalité fautive des décisions publiées au Journal officiel de la République française les 11 octobre 2013 et 6 juin 2014 est de nature à lui ouvrir droit à réparation, dès lors qu'elle a été contrainte de baisser les prix de vente des produits qu'elle fabrique et a donc subi un manque à gagner ;

- son préjudice financier doit être évalué à la somme de 1 814 015,18 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 août 2019, le CEPS conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

II) Par une requête et un mémoire enregistrés les 3 août 2018 et 29 octobre 2019, la société Arthrex, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 30 septembre 2016 par laquelle le président du CEPS a rejeté sa demande indemnitaire préalable n'est pas suffisamment motivée et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; c'est à tort que le tribunal a considéré que les moyens dirigés contre cette décision étaient inopérants ;

- la méconnaissance de l'obligation procédurale que représente l'atteinte du quorum lors des séances du CEPS n'est pas dépourvue d'effet sur le bien-fondé des décisions rendues ;

- les irrégularités affectant les décisions annulées par le Conseil d'État étaient substantielles, comme l'a démontré, d'une part, le refus de ce dernier de moduler dans le temps les effets de ces annulations ainsi, d'autre part, que l'annulation de la décision du 1er mars 2016 en tant qu'elle prévoyait une baisse de tarifs de 2 % destinée à compenser les effets des premières annulations ;

- le refus opposé par le CEPS à sa demande indemnitaire viole l'autorité de la chose jugée par le Conseil d'État le 3 décembre 2015 ;

- les décisions annulées n'auraient pas pu être adoptées si le quorum avait été atteint et si elles avaient été signées, car elles étaient entachées d'illégalité interne ;

- toute illégalité fautive commise par l'administration est de nature à ouvrir droit à une indemnisation ;

- le préjudice financier qu'elle a subi doit être évalué à la somme de 643 559 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 août 2019, le CEPS conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

III) Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 août 2018 et 23 novembre 2019, la société X.Nov, représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 20 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'a pas correctement visé sa demande d'annulation de la décision du 31 mai 2016 par laquelle a été rejetée sa demande indemnitaire préalable ;

- les premiers juges ont omis de viser les moyens qu'elle a soulevés en réplique, tirés de la contradiction entre le refus d'indemnisation opposé par le CEPS et sa dernière décision de fixation des tarifs et prix limites de vente au public de certains implants orthopédiques, de la confusion entre les différentes décisions rendues par le Conseil d'État et de l'interprétation erronée de l'ordonnance rendue par le juge des référés du Conseil d'État le 18 avril 2016 ;

- le tribunal a irrégulièrement fait référence à des dispositions législatives inapplicables en l'espèce, dès lors que sont en cause des décisions du CEPS relatives à des implants orthopédiques inscrits sur la liste des produits prestations remboursables sous forme de description générique, et non à des produits inscrits sous forme de nom de marque ou de nom commercial ;

- le tribunal a omis de viser le mémoire en défense produit par le CEPS

le 26 septembre 2016 ;

- le jugement attaqué a été rendu en violation du principe du contradictoire, dès lors que ses deux mémoires en réplique et les moyens y figurant n'ont pas été lus au cours de l'audience, et que le rapporteur public n'en a pas tenu compte lors de ses conclusions ;

- les moyens qu'elle a invoqués à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation de la décision du président du CEPS rejetant sa demande indemnitaire préalable n'étaient pas inopérants ;

- les décisions prises par le CEPS et annulées par le Conseil d'État sont fautives, quelle que soit la nature des illégalités commises ; la responsabilité de l'État est donc engagée ;

- le lien de causalité entre les fautes commises par le CEPS et le préjudice qu'elle a subi est établi, dès lors que le CEPS aurait pu retenir des tarifs différents dans le cadre d'une procédure de révision des prix régulièrement menée en 2013 ; c'est donc à tort que le tribunal a écarté tout lien de causalité au motif que les décisions du CEPS ont été annulées pour illégalités externes ;

- le CEPS a reconnu le principe de sa responsabilité dans la mesure où il a décidé, par décision publiée au JORF le 1er mars 2016, de compenser les effets des annulations prononcées par une baisse supplémentaire de tarifs de 2 % ;

- il ne peut être déduit, comme l'a fait le tribunal, de l'absence d'annulation par le Conseil d'État de la baisse de tarifs publiée le 1er mars 2016, qu'une telle baisse aurait légalement pu être décidée dès 2013 ;

- les décisions annulées étaient entachées d'illégalité interne, dès lors que le CEPS a commis une erreur de droit en ne prenant en compte qu'une seule logique d'économie budgétaire, à l'exclusion des autres critères définis par les articles L. 162-38, L. 165-2 et

R. 165-14 du code de la sécurité sociale ; ces décisions étaient également entachées d'erreurs manifestes d'appréciation dans la mise en oeuvre des critères retenus par le CEPS ; ces illégalités sont de nature à lui ouvrir droit à réparation ;

- le refus du Conseil d'État de moduler dans le temps les effets des annulations prononcées implique qu'il a nécessairement considéré que l'illégalité des décisions du CEPS lui ouvrait droit à réparation ;

- contrairement à ce que fait valoir le CEPS, elle ne pouvait pas choisir de ne plus inscrire ses produits sur la liste de ceux remboursables par l'assurance maladie, en vue d'en fixer librement les prix, dès lors qu'une telle " sortie " du système conventionnel l'aurait privée de toute vente ;

- le préjudice financier qu'elle a subi, pour la période allant du 1er novembre 2013 au

15 décembre 2015, doit être évalué à la somme de 969 975,64 euros ; elle a également exposé des frais correspondant aux honoraires d'avocat dans le cadre de sa demande indemnitaire préalable, à hauteur de 3 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 août 2019, le CEPS conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- les observations de Me E..., représentant la société ATF,

- les observations de Me C..., représentant la société Arthrex,

- et les observations de Me F..., représentant la société X.Nov.

Considérant ce qui suit :

1. Par deux décisions publiées au Journal officiel de la République française les

11 octobre 2013 et 6 juin 2014, le CEPS a fixé les tarifs et prix limite de vente au public de certains implants articulaires et orthopédiques inscrits à la section 5, chapitre 1er, titre III de la liste prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale. Ces deux décisions ont été annulées par une décision du Conseil d'État du 3 décembre 2015. Les sociétés ATF, Arthrex et X.Nov ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'État à indemniser les préjudices qu'elles ont subis du fait de l'illégalité de ces décisions. Par le jugement dont elles relèvent appel par trois requêtes distinctes, le tribunal a rejeté leurs demandes.

Sur la jonction :

2. Les requêtes susvisées portant les numéros 18PA02664, 18PA02678 et 18PA02860, présentées respectivement par les sociétés ATF, Arthrex et X.Nov, sont dirigées contre un même jugement et présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu par suite de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient (...) les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ". Il ressort des termes du jugement attaqué que, statuant sur les demandes indemnitaires des sociétés ATF, Arthrex et X.Nov du fait de l'illégalité des décisions publiées au JORF les

11 octobre 2013 et 6 juin 2014, le tribunal administratif de Paris a nécessairement fait application des dispositions permettant au CEPS de fixer les tarifs de responsabilité des produits ou prestations mentionnés à l'article L. 165-1 inscrits par description générique, prévues par le deuxième alinéa de l'article L. 165-2 du code de la sécurité sociale. Le jugement attaqué ne cite cependant dans ses motifs que le premier alinéa de cet article, relatif à la fixation des tarifs de responsabilité des produits ou prestations inscrits sous forme de nom de marque ou de nom commercial. Les prescriptions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ont donc été méconnues. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué ainsi que la fin de non-recevoir opposée par la société ATF aux écritures en défense du CEPS, la société X.Nov est fondée à en demander l'annulation.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par les sociétés requérantes devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les conclusions indemnitaires :

5. En premier lieu, les requêtes susvisées présentant le caractère de recours de plein contentieux, les vices propres dont seraient entachées les décisions des 6 juin 2016, 30 septembre 2016 et 31 mai 2016 par lesquelles le président du CEPS a rejeté les réclamations indemnitaires préalables formées respectivement par les sociétés ATF, Arthrex et X.Nov, qui ont eu pour seul objet de lier le contentieux en application de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, sont sans influence sur la solution du litige. Par suite, les moyens tirés de l'incompétence du président du CEPS, de l'insuffisance de motivation et de l'erreur manifeste d'appréciation, dirigés contre ces décisions, sont inopérants.

6. En deuxième lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 165-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige : " Les tarifs de responsabilité des produits ou prestations mentionnés à l'article L. 165-1 inscrits par description générique sont établis par convention entre un ou plusieurs fabricants ou distributeurs des produits ou prestations répondant à la description générique ou, le cas échéant, une organisation regroupant ces fabricants ou distributeurs et le Comité économique des produits de santé dans les mêmes conditions que les conventions visées à l'article L. 162-17-4 ou, à défaut, par décision du Comité économique des produits de santé ". Aux termes de l'article R. 165-15 du même code : " I. - Le tarif ou le prix des produits ou des prestations mentionnés à l'article L. 165-1 peut être modifié par convention ou par décision du comité économique des produits de santé. / La modification du tarif ou du prix peut intervenir soit à la demande du fabricant ou du distributeur, soit à l'initiative du comité économique des produits de santé, soit à la demande des ministres chargés de la sécurité sociale, de la santé ou de l'économie ou de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie. / (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 162-17-3 dudit code : " I. - Il est créé, auprès des ministres compétents, un comité économique des produits de santé. Le comité contribue à l'élaboration de la politique économique du médicament. Il met en oeuvre les orientations qu'il reçoit des ministres compétents, en application de la loi de financement de la sécurité sociale. Ces orientations portent notamment sur les moyens propres à assurer le respect de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie mentionné à l'article LO 111-3. En particulier, le comité applique ces orientations aux décisions qu'il prend en application des articles L. 162-16, L. 162-16-4 à L. 162-16-6 et L. 165-2 à L. 165-4. Les prix de vente au public des médicaments, les tarifs et, le cas échéant, les prix des produits et prestations fixés par le comité sont publiés au Journal officiel de la République française. (...) ".

7. Par ailleurs, aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ".

8. Par une décision du 3 décembre 2015, le Conseil d'État a annulé les décisions publiées au Journal officiel de la République française les 11 octobre 2013 et 6 juin 2014, par lesquelles le CEPS a fixé les tarifs et prix limite de vente au public de certains implants articulaires et orthopédiques inscrits à la section 5, chapitre 1er, titre III de la liste prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, aux motifs, d'une part, que le CEPS a siégé les 1er octobre 2013 et 11 février 2014 sans que le quorum soit atteint et, d'autre part, que le CEPS n'établissait pas que ces décisions avaient été signées par son président.

9. Les illégalités dont sont ainsi entachées les décisions adoptées par le CEPS constituent des fautes de nature à engager la responsabilité de l'État et à ouvrir droit à réparation, pour les sociétés requérantes, pour autant qu'elles entraînent un préjudice direct et certain.

10. Les sociétés requérantes demandent la réparation du préjudice financier résultant pour elles de la différence entre les prix pratiqués en exécution des décisions annulées et les prix jusqu'alors pratiqués, multipliée par le nombre d'implants articulaires et orthopédiques vendus.

11. Il résulte cependant de l'instruction que le CEPS aurait pu légalement, au terme d'une procédure régulière, prendre les décisions de baisse de tarifs annulées. Le Conseil d'État a ainsi jugé, par une décision du 16 décembre 2016, que la baisse équivalente, par une nouvelle décision publiée au JORF le 1er mars 2016, des tarifs de responsabilité et des prix des implants orthopédiques répondant à la description générique, édictée par le CEPS en application des orientations ministérielles du 2 avril 2013 et des objectifs annuels successifs de mesures d'économies fixés pour assurer le respect de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, n'était pas entachée d'illégalité, à l'exception d'une baisse supplémentaire de 2 % dépourvue de fondement légal. Contrairement à ce que soutient la société ATF, une telle réglementation de l'usage des biens n'aurait, en tout état de cause, pas méconnu les stipulations précitées de l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle n'aurait pas été entachée d'illégalité. Dans ces conditions, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que les préjudices dont elles demandent réparation résultent de façon directe et certaine des illégalités entachant les décisions annulées par le Conseil d'État le 3 décembre 2015. Enfin, la circonstance que ce dernier n'a alors pas fait droit à la demande du CEPS de moduler dans le temps les effets de ces annulations ne suffit pas à elle seule à établir le lien de causalité dont se prévalent les requérantes, dans la mesure où il a seulement estimé ainsi que l'annulation des décisions attaquées n'était pas de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que ces actes ont produits que des situations qui ont pu se constituer lorsqu'ils étaient en vigueur.

12. Il résulte de ce qui précède que les demandes indemnitaires des sociétés ATF, Arthrex et X.Nov doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'est pas la partie perdante, verse la somme que demandent les sociétés ATF, Arthrex et X.Nov au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1611715-1620889-1702133 du 19 juin 2018 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Les demandes des sociétés ATF, Arthrex et X.Nov sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Advanced Technical Fabrication, à la société Arthrex, à la société X.Nov et à la ministre des solidarités et de la santé. Copie en sera adressée au président du comité économique des produits de santé.

Délibéré après l'audience publique du 3 décembre 2019 à laquelle siégeaient :

- M. D..., premier vice-président,

- Mme Jayer, premier conseiller,

- Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 20 décembre 2019.

Le rapporteur,

G. B... Le président,

M. D...

Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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Nos 18PA02664, 18PA02678, 18PA02860


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02664
Date de la décision : 20/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

60-01-04-02 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Responsabilité et illégalité. Illégalité n'engageant pas la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-12-20;18pa02664 ?
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