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20/12/2019 | FRANCE | N°18PA01129

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 20 décembre 2019, 18PA01129


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... C... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie Française d'ordonner avant dire droit une expertise médicale et de condamner le centre hospitalier de la Polynésie française à lui verser des indemnités de 33 970 789 F CFP au titre de ses préjudices patrimoniaux et, a minima, de 3 500 000 F CFP au titre de ses préjudices personnels, à parfaire après expertise, en réparation des préjudices en lien avec l'infection nosocomiale qu'il expose avoir contractée au centre hospitalier de Taaone

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... C... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie Française d'ordonner avant dire droit une expertise médicale et de condamner le centre hospitalier de la Polynésie française à lui verser des indemnités de 33 970 789 F CFP au titre de ses préjudices patrimoniaux et, a minima, de 3 500 000 F CFP au titre de ses préjudices personnels, à parfaire après expertise, en réparation des préjudices en lien avec l'infection nosocomiale qu'il expose avoir contractée au centre hospitalier de Taaone. Dans le dernier état de ses écritures, il a conclu à la condamnation du centre hospitalier de la Polynésie française à lui payer la somme de 10 000 000 F CFP et a sollicité un complément d'expertise.

Par un jugement n° 1600125 du 30 janvier 2018, le tribunal administratif de Polynésie française a condamné le centre hospitalier de la Polynésie française à verser une indemnité totale de 2 260 000 F CFP à M. C... et une somme de 5 323 751 F CFP à la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française en remboursement de ses débours, cette somme portant intérêts à compter du 24 octobre 2017. Le tribunal administratif a par ailleurs liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expertise à la somme de 179 500 F CFP et les a mis à la charge du centre hospitalier de la Polynésie française, a condamné ce dernier à verser à M. C... une somme de 150 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la Cour :

Par une requête en date du 4 avril 2018 régularisée le 11 avril 2018, M. C..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1600125 du 30 janvier 2018 du tribunal administratif de la Polynésie française en tant qu'il a limité à 2 260 000 F CFP la somme mise à la charge du centre hospitalier de la Polynésie française en réparation de ses préjudices ;

2°) d'ordonner une nouvelle expertise médicale ;

3°) en l'attente des résultats de cette mesure, de condamner le centre hospitalier de la Polynésie française à lui verser, à titre provisionnel, la somme de 37 467 064 F CFP en réparation du manque à gagner au titre des revenus professionnels déduction faite des indemnités journalières perçues, la somme de 320 789 F CFP au titre des dépenses de santé, la somme de 1 463 680 F CFP au titre des frais divers durant " l'evasan ", la somme de 3 000 000 F CFP au titre du déficit fonctionnel permanent, une indemnisation au titre des souffrances endurées sur la base d'un taux de 4 sur une échelle allant de 1 à 7 à fixer ou parfaire en fonction de l'expertise et la somme de 500 000 F CFP au titre du préjudice d'agrément ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de la Polynésie française la somme de 300 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C... soutient que :

- le jugement est irrégulier, faute pour les premiers juges d'avoir sursis à statuer et répondu aux conclusions tendant à ce que les opérations d'expertise soient rouvertes afin que l'expert rectifie notamment l'erreur matérielle entachant la date de consolidation de son état de santé inhérente à la fracture d'un radius sans complication ; cette erreur, outre des erreurs secondaires, entache l'expertise et l'absence de réouverture des débats a entraîné le rejet de chefs de demandes qui n'avaient pas été chiffrés ; il n'a par ailleurs pas été en mesure de contester le rapport d'expertise provisoire par l'intermédiaire d'un dire, faute de communication du tableau récapitulatif annexé audit rapport et deux autres dires n'ont été ni visés, ni annexés, n'ont pas été pris en considération par l'expert ;

- la responsabilité du centre hospitalier de la Polynésie française est engagée du fait de l'infection nosocomiale qu'il a contractée lors de l'intervention du 16 mai 2014 ; celle-ci aurait dû être diagnostiquée à partir de début juin 2014 ;

- la période d'indemnisation doit débuter 45 jours après l'intervention et non à l'issue d'un délai de treize mois ; déduction faite de la période de déficit temporaire total inhérente à la première intervention du 16 mai 2014 et d'une reprise du travail du 2 novembre 2015 au 16 juin 2016, son préjudice indemnisable court ainsi du 20 juin 2014 au 21 août 2016 ; le montant des dépenses de santé restées à sa charge s'élève à la somme de 320 789 F CFP et les frais divers pour un séjour en métropole aux fins d'une nouvelle intervention -dont l'opportunité n'est pas contestable- s'élèvent à 1 463 680 F CFP ; la perte de gains professionnels est établie à hauteur de 13 695 271 F CFP pour 2014, de 18 490 283 F CFP pour 2015 et de 5 281 510 F CFP pour 2016, déduction faite des indemnités journalières perçues ; l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent, qui excède un taux de 9 %, pourra s'élever à 3 000 000 F CFP et une indemnisation des souffrances endurées sur la base d'un taux de 4 sur une échelle allant de 1 à 7 sera à fixer ou à parfaire en fonction des résultats de l'expertise à intervenir ; enfin, il justifie d'un préjudice d'agrément indemnisable à hauteur de 5 000 000 F CFP.

Par un mémoire en défense et d'appel incident, enregistré le 21 juin 2018, le centre hospitalier de la Polynésie française, représenté par la SCP Normand et associés, conclut :

1°) à titre principal, à la réformation du jugement en ce qu'il a considéré que sa responsabilité est engagée au titre d'une infection nosocomiale et, en conséquence, au rejet des demandes de M. C... et de la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, tant en appel qu'en première instance, et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de

M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) à titre subsidiaire, à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, à ce que les sommes allouées à M. C... et à la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française soient ramenées à de plus justes proportions s'agissant de la réparation du déficit fonctionnel temporaire, du déficit fonctionnel permanent, des souffrances endurées, et au rejet du surplus des demandes indemnitaires, la perte de gains et les indemnités journalières ne pouvant en tout état de cause être indemnisées au-delà d'une durée de six mois et cinq jours et le préjudice d'agrément au-delà de la somme maximum de 1 500 euros.

Le centre hospitalier de la Polynésie française soutient que :

- le code de la santé publique n'étant pas applicable en Polynésie Française, sa responsabilité ne saurait être engagée qu'en cas de faute imputable à l'établissement de santé, à l'origine de l'infection nosocomiale contractée par M. C..., or tel n'est pas le cas en l'espèce ;

- les conclusions de l'expertise ordonnée par le tribunal sont claires et ne sont entachées d'aucune contradiction ; l'expert n'a en effet pas commis d'erreur en fixant la date de consolidation, hors conséquences de l'infection nosocomiale, au 1er juillet 2015, dès lors qu'il a pris en compte une complication connue, non fautive, de la lésion du nerf médian, constitutive d'un aléa thérapeutique ; l'expert a par ailleurs répondu aux dires qui lui ont été adressés dans le corps de son rapport définitif et les rectifications qualifiées de " secondaires " ne saurait justifier la nécessité d'une nouvelle mesure ; enfin, la demande de nouvelle expertise ne s'appuie sur aucun avis médical ;

- à titre subsidiaire, si sa responsabilité devait être regardée comme engagée, les sommes allouées en réparation du préjudice subi ne sauraient excéder 352 386,45 F CFP au titre du déficit fonctionnel temporaire, 298 329 42 F CFP au titre des souffrances endurées, 1 073 985,92 F CFP au titre du déficit fonctionnel permanent, 178 997,65 F CFP au titre du préjudice d'agrément ; en tout état de cause, la perte de gains et le manque à gagner professionnel, les indemnités journalières ne sauraient être indemnisés que dans la limite d'une période de six mois et cinq jours.

Par un mémoire en appel, enregistré le 27 mars 2019, la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, représentée par la SCP Baraduc Duhamel Rameix, conclut :

1°) à la réformation du jugement n° 1600125 du 30 janvier 2018 du tribunal administratif de la Polynésie française en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation du centre hospitalier de la Polynésie française à lui rembourser les indemnités journalières versées à M. C... du 16 août 2014 au 30 juin 2015 et à la condamnation de l'établissement public hospitalier à lui verser la somme de 9 365 480 F CFP assortie des intérêts aux taux légal à compter du 24 octobre 2017 à ce titre ;

2°) au rejet des conclusions d'appel incident du centre hospitalier de la Polynésie française ;

3°) à la condamnation du centre hospitalier de la Polynésie française à lui verser la somme totale de 9 385 480 F CFP assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2017, avec capitalisation ;

4°) à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge du centre hospitalier de la Polynésie française au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française soutient que :

- les moyens soulevés par le centre hospitalier de la Polynésie française ne sont pas fondés ;

- ses conclusions à fin de remboursement de la totalité de ses débours sont recevables et justifiées ;

- les indemnités journalières dont elle réclame le remboursement sont uniquement celles qu'elle a versées en lien avec l'infection nosocomiale, pour les périodes d'hospitalisation

du 24 octobre au 5 novembre 2014 et du 29 décembre 2014 au 10 janvier 2015 ; pour les périodes du 16 août au 23 octobre 2014, du 6 novembre au 28 décembre 2014 et du 11 janvier au 30 juin 2015, l'incapacité de travail de M. C... était partiellement due à l'infection nosocomiale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française, ensemble la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;

- la délibération n° 2001-6 APF du 11 janvier 2001 de l'assemblée de la Polynésie française ;

- la délibération n°2002-106 APF du 1er août 2002 portant modification de la délibération n°94-170 AT du 29 décembre 1994 modifiée instituant le régime d'assurance maladie des personnes non salariées ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- les observations de Me B..., représentant le centre hospitalier de la Polynésie française,

- et les observations de Me E..., représentant la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française.

Considérant ce qui suit :

1. Le 16 mai 2014, M. C... a été victime d'un accident de la circulation alors qu'il circulait à bord d'un scooter. Il a été transporté au centre hospitalier de la Polynésie française où une fracture fermée du radius de l'avant-bras gauche a été diagnostiquée et une ostéosynthèse par plaque réalisée, le jour même. M. C... a rejoint son domicile le 22 mai suivant. La persistance de douleurs nerveuses et d'une insensibilité partielle de la main gauche l'ont conduit à consulter plusieurs praticiens ainsi que des médecins spécialisés en métropole dans le cadre d'une évacuation sanitaire. M. C... y a été opéré le 29 octobre 2014 et la présence d'un foyer infectieux a alors été identifiée, a entraîné la dépose du matériel d'ostéosynthèse et la réalisation d'un curetage osseux. Une 3ème intervention a été réalisée en métropole, le 30 décembre 2014, et M. C... a subi une dernière intervention pour le retrait du matériel d'ostéosynthèse, le 17 juin 2016. Il a saisi le tribunal administratif de la Polynésie française afin d'obtenir la désignation d'un expert et la condamnation du centre hospitalier de la Polynésie française à l'indemniser de son préjudice en lien avec l'infection nosocomiale qu'il estime avoir contractée au sein de l'établissement public de santé. La caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française est intervenue à l'instance et a demandé au tribunal de condamner ce dernier à lui verser une somme de 14 639 777 F CFP en remboursement de ses débours. Par un jugement avant dire droit du

13 septembre 2016, le tribunal a ordonné une expertise médicale confiée au Docteur Voron. Ce même jugement a par ailleurs rejeté les conclusions du centre hospitalier de la Polynésie française tendant à la mise en cause de l'ensemble des praticiens ayant pris en charge le patient. L'expert a rendu son rapport le 13 juin 2017. Par jugement du 30 janvier 2018, le tribunal, après avoir écarté la demande d'expertise complémentaire de M. C..., a condamné le centre hospitalier de la Polynésie française à verser à ce dernier la somme totale de 2 260 000 F CFP et à la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française la somme de 5 323 751 F CFP en remboursement de ses débours, avec intérêts à compter du 24 octobre 2017. M. C... en fait appel. Le centre hospitalier présente des conclusions d'appel incident et la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française des conclusions d'appel provoqué.

Sur la régularité du jugement :

2. Ainsi qu'il a été rappelé, dans son mémoire introductif d'instance devant le tribunal administratif de la Polynésie française, M. C... a demandé la condamnation du centre hospitalier de la Polynésie française à réparer les divers dommages résultant selon lui de l'infection nosocomiale contractée au cours ou au décours de son hospitalisation dans cet établissement. Dans le dernier état de ses écritures, à l'issue de la mesure d'expertise ordonnée avant dire droit par le tribunal, il a conclu à la condamnation de l'établissement public de santé au versement d'une indemnité provisionnelle de 10 000 000 F CFP en se réservant la possibilité de chiffrer définitivement les postes qui ne l'étaient pas définitivement, dans l'attente du complément d'expertise demandé au tribunal. Quand bien même en l'état du dossier dont il était ainsi saisi le tribunal administratif aurait-il pu s'estimer suffisamment informé pour évaluer les différents éléments du préjudice dont la réparation était demandée et refuser d'ordonner le complément d'expertise sollicitée, il ne pouvait, en tout état de cause statuer, sans avoir au préalable invité M. C... à chiffrer définitivement le montant de ses prétentions. Il suit de là que M. C... est fondé à soutenir que le jugement attaqué du 30 janvier 2018 a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière et à en demander l'annulation.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par

M. C... devant le tribunal administratif de la Polynésie française.

Sur la responsabilité du centre hospitalier de la Polynésie française :

4. L'introduction accidentelle d'un germe microbien dans l'organisme d'un patient lors d'une hospitalisation révèle une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service hospitalier et engage la responsabilité de celui-ci. Il en va toutefois autrement lorsqu'il est certain que l'infection, si elle s'est déclarée à la suite d'une intervention chirurgicale, a été causée par des germes déjà présents dans l'organisme du patient avant l'hospitalisation, ou encore lorsque la preuve d'une cause étrangère est rapportée par l'établissement de santé.

5. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise, que M. C..., atteint à la suite d'une chute de scooter d'une fracture fermée du radius de l'avant-bras gauche, a subi une intervention chirurgicale au centre hospitalier de la Polynésie française, le 16 mai 2014. Dans les suites de cette intervention, il a souffert d'une infection provoquée par un staphylocoque épidermis, bactérie commensale présente dans la flore cutanée, qui a pu profiter d'un point d'entrée dans l'organisme et d'une diminution des défenses immunitaires pour développer une infection. En l'absence de toute autre cause identifiable, l'introduction de ce germe pathogène opportuniste ne peut avoir eu lieu qu'à l'occasion de l'ouverture des plans cutanés en regard du foyer de fracture, lors de l'intervention chirurgicale avec implantation de matériel d'ostéosynthèse réalisée le 16 mai 2014. Par suite, l'infection présente un caractère nosocomial et engage la responsabilité du centre hospitalier de la Polynésie française, qui n'invoque aucune cause étrangère.

Sur la demande d'une nouvelle expertise et la réparation du préjudice :

6. Il résulte de l'instruction que l'expert désigné par les premiers juges, en sus des conséquences inhérentes à la fracture et à l'infection nosocomiale dont a souffert M. C..., a identifié l'apparition d'une complication constitutive d'un aléa thérapeutique connu, à savoir la lésion du nerf médian, pour laquelle la responsabilité du centre hospitalier de la Polynésie française n'est pas recherchée. S'étant prononcé en deux temps pour avoir rédigé un pré-rapport soumis aux parties, il n'a nullement évoqué dans son pré-rapport les conséquences de cet aléa qu'il avait pourtant identifié, puis, dans son rapport définitif et sans autres précisions, en a tenu compte. Surtout, l'expert s'est abstenu de répondre à la question posée dans le cadre de sa mission, lui demandant de dire si l'infection nosocomiale avait fait perdre à M. C... une chance sérieuse de guérison sans séquelle de sa fracture du bras gauche et, dans l'affirmative, d'en préciser l'importance, alors que, dans le cas où une infection nosocomiale a compromis les chances d'un patient d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de cette infection et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté mais la perte de chance d'éviter la survenue de ce dommage. Par suite, faute pour l'expertise judiciaire diligentée d'apporter des précisions suffisantes sur cet aspect du dossier, il y a lieu d'ordonner une nouvelle expertise dans les conditions précisées ci-après, afin que soient évalués les préjudices de M. C... et de la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française.

7. Dès lors qu'il y a lieu, avant de statuer sur la requête de M. C... et de la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, d'ordonner une expertise, il n'y a pas lieu, en l'état du dossier et dans les circonstances de l'espèce, de condamner le centre hospitalier de la Polynésie française à verser d'ores et déjà à M. C... une provision.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Polynésie française en date du 30 janvier 2018 est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier de la Polynésie française est déclaré responsable des conséquences dommageables subies par M. C... à raison de l'infection nosocomiale contractée lors de sa prise en charge et de son hospitalisation, le 16 mai 2014.

Article 3 : Il sera, avant de statuer sur le surplus des conclusions de M. C... et de la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, en présence de M. C..., de la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française et du centre hospitalier de la Polynésie française, procédé à une expertise médicale. L'expert aura pour mission :

1°) après s'être fait communiquer le dossier médical de M. C... et tous documents concernant le traitement de sa fracture du bras gauche et de ses complications détenues par le centre hospitalier de la Polynésie française ou produits par M. C..., le ou les dossiers médicaux relatifs aux traitements suivis depuis le diagnostic de l'infection et les expertises du Dr Voron, d'examiner M. C... ;

2°) de décrire la fracture du bras gauche présentée par M. C... lors de son admission au centre hospitalier de la Polynésie française ainsi que les soins, prescriptions, actes médicaux ou chirurgicaux dont il a fait l'objet lors de son hospitalisation dans cet établissement ; de préciser, eu égard à l'âge et aux antécédents du patient, si la fracture était susceptible de guérir sans séquelle, et dans quel délai ;

3°) de décrire les soins reçus par M. C... depuis le diagnostic de l'infection jusqu'au jour de l'expertise ainsi que les séquelles dont le requérant reste atteint du fait des conséquences de cette infection ;

4°) de dire si l'infection nosocomiale a fait perdre à M. C... une chance sérieuse de guérison sans séquelle de sa fracture du bras gauche ; dans l'affirmative, de préciser l'importance de cette perte de chance ;

5°) de dire si l'infection nosocomiale a entraîné une incapacité temporaire permanente ou partielle et d'en préciser les dates de début et de fin, ainsi que le ou les taux ;

6°) d'indiquer à quelle date l'état de M. C... peut être considéré comme consolidé ; de préciser s'il subsiste une incapacité permanente partielle ; dans l'affirmative, d'en fixer le taux, en distinguant la part respective imputable à l'infection nosocomiale de celle ayant pour origine toute autre cause ou pathologie, notamment une lésion du nerf médian, eu égard notamment aux séquelles prévisibles de la fracture ; dans le cas où cet état ne serait pas encore consolidé, d'indiquer si, dès à présent, une incapacité permanente partielle est prévisible et d'en évaluer l'importance ;

7°) de dire si l'état de M. C... en lien avec l'infection nosocomiale a nécessité ou nécessite la présence d'une tierce personne ; de fixer les modalités, la qualification et la durée de cette intervention ;

8°) de dire si l'état de M. C... est susceptible de modification en aggravation ou en amélioration ; dans l'affirmative de fournir toutes précisions utiles sur cette évolution, sur son degré de probabilité et dans le cas où un nouvel examen serait nécessaire, de mentionner dans quel délai ;

9°) de donner son avis sur l'existence de préjudices personnels (souffrances endurées, préjudice esthétique, préjudice d'agrément) et le cas échéant, d'en évaluer l'importance, en distinguant la part respective imputable à l'infection nosocomiale de celle ayant pour origine toute autre cause, et notamment les séquelles prévisibles de la fracture et d'une lésion du nerf médian ;

10°) de donner son avis sur la répercussion de l'incapacité médicalement constatée, imputable à l'infection nosocomiale sur l'activité professionnelle de M. C....

11°) de faire toute constatation utile.

L'expert disposera des pouvoirs d'investigation les plus étendus. Il pourra entendre tous sachants, se faire communiquer tous documents et renseignements, faire toutes constatations ou vérifications propres à faciliter l'accomplissement de sa mission, et éclairer la cour.

Article 4 : L'expert sera désigné par le président de la cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il pourra recourir à un sapiteur avec l'autorisation préalable du président de la cour.

Article 5 : Les frais d'expertise seront avancés par le centre hospitalier de la Polynésie française.

Article 6 : Préalablement à toute opération, l'expert prêtera serment dans les formes prévues à l'article R. 621-3 du code de justice administrative.

Article 7 : L'expert avertira les parties conformément aux dispositions de l'article R. 621-7 du code de justice administrative.

Article 8 : L'expert communiquera un pré-rapport aux parties, en vue d'éventuelles observations, avant l'établissement de son rapport définitif. Il déposera son rapport au greffe en deux exemplaires.

Article 9 : Des copies de son rapport seront notifiées par l'expert aux parties. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique. L'expert justifiera auprès de la cour de la date de réception de son rapport par les parties.

Article 10 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 11 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... C..., au centre hospitalier de la Polynésie française et à la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française ;

Délibéré après l'audience publique du 3 décembre 2019 à laquelle siégeaient :

- M. D..., premier vice-président,

- Mme A..., premier conseiller,

- Mme Mornet, premier conseiller.

Lu en audience publique le 20 décembre 2019.

Le rapporteur,

M-H... A... Le président,

M. D...

Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne à la ministre de la solidarité et de la santé en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 18PA01129


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01129
Date de la décision : 20/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : TULASNE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-12-20;18pa01129 ?
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