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20/12/2019 | FRANCE | N°17PA20821

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 20 décembre 2019, 17PA20821


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme J... G... épouse E... a demandé au tribunal administratif de la Guyane de condamner le centre hospitalier Andrée Rosemon de Cayenne à lui verser les sommes de 42 000 euros au titre de la perte de revenus et 8 000 euros au titre du préjudice moral en raison de la disparition de Mme K... F... épouse A... I..., sa demi-soeur.

Par un jugement n° 1500765 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de la Guyane a condamné le centre hospitalier de Cayenne à verser à Mme G... épouse E... la somme

de 11 790 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme J... G... épouse E... a demandé au tribunal administratif de la Guyane de condamner le centre hospitalier Andrée Rosemon de Cayenne à lui verser les sommes de 42 000 euros au titre de la perte de revenus et 8 000 euros au titre du préjudice moral en raison de la disparition de Mme K... F... épouse A... I..., sa demi-soeur.

Par un jugement n° 1500765 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de la Guyane a condamné le centre hospitalier de Cayenne à verser à Mme G... épouse E... la somme de 11 790 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 1er mars 2017, 8 et 16 mars et 17 octobre 2018, Mme G... épouse E..., représentée par la SCP Foussard-Froger, demande à la Cour dans le dernier état de ses écritures :

1) de réformer le jugement du tribunal administratif de la Guyane du 1er décembre 2016 en tant qu'il a limité à la somme de 11 790 euros le montant de l'indemnité que le centre hospitalier Andrée Rosemon de Cayenne a été condamné à lui verser ;

2) de condamner le centre hospitalier Andrée Rosemon de Cayenne à lui verser les sommes de 42 000 euros au titre de la perte de revenus et 8 000 euros au titre du préjudice moral en raison de la disparition de sa demi-soeur ou, subsidiairement, de condamner ce centre hospitalier à supporter 90 % de ces sommes soit 45 000 euros assorties des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts à compter de la date de la réclamation préalable ;

3) de mettre à la charge dudit centre hospitalier une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en évaluant le préjudice subi au titre de la prise en charge de l'éducation de Grégory à la somme de seulement 8 100 euros alors qu'elle établit par les pièces versées au dossier qu'il a bien été pris en charge par sa tante pendant 120 mois entre 1999 et 2008, correspondant à une somme évaluée à 350 euros par mois ;

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en évaluant son préjudice d'affection à 5 000 euros alors qu'elle était proche de sa demi-soeur.

Par des mémoires en défense et en appel incident, enregistrés les 2 janvier et 21 mars 2018, le centre hospitalier de Cayenne, représenté par Me C..., conclut à la confirmation du jugement du tribunal administratif de la Guyane en tant qu'il a alloué à Mme G... épouse E... la somme de 4 500 euros en réparation de son préjudice moral, de lui enjoindre de produire l'original de sa pièce n° 13 (avis d'imposition pour l'année 2007 de Mme G... épouse E...), de fixer l'indemnisation de son préjudice matériel à la somme de 6 480 euros et de rejeter le surplus de ses demandes.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance en date du 1er mars 2019, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, en application des dispositions de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, a attribué le jugement de la requête de Mme G... épouse E... pendante devant la Cour administrative d'appel de Bordeaux à la Cour administrative d'appel de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- les observations de Me B... de la SCP Foussard-Froger, avocat de Mme G... épouse E...,

- et les observations de Me H... substituant Me C..., avocat du centre hospitalier Andrée Rosemon de Cayenne.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement n° 0800202 du 4 novembre 2010, le tribunal administratif de Cayenne a, d'une part, reconnu la responsabilité pour faute dans l'organisation et le fonctionnement du service du centre hospitalier Andrée Rosemon de Cayenne à raison du décès de Mme K... F... épouse A... I... à la suite d'une opération chirurgicale par voie coelioscopique effectuée le 15 décembre 1997 dès lors que cette dernière n'avait pas bénéficié des conditions de surveillance reconnues nécessaires après l'intervention qu'elle venait de subir et a, d'autre part, fixé à 90 % la perte de chance d'éviter le décès. Mme G... épouse E..., demi-soeur de la victime, a demandé au tribunal administratif de Cayenne de condamner le centre hospitalier Andrée Rosemon à lui verser les sommes de 8 000 euros au titre du préjudice d'affection et de 42 000 euros au titre du préjudice matériel résultant pour elle de la charge résultant de l'éducation de son neveu Grégory né en 1986. Par la présente requête, Mme G... épouse E... relève appel du jugement du 1er décembre 2016 en tant que le tribunal administratif de la Guyane a seulement condamné le centre hospitalier de Cayenne à lui verser les sommes de 4 500 euros au titre de son préjudice d'affection et de 7 290 euros au titre de son préjudice matériel.

Sur l'évaluation des préjudices :

2. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice d'affection subi par Mme G... épouse E... en l'évaluant à la somme de 5 000 euros ramené à 4 500 euros compte tenu du pourcentage fixé à 90 % de la perte de chance d'éviter le décès de Mme F... épouse A... I.... Par suite, la demande de la requérante tendant à ce que soit augmentée la somme qui lui a été allouée au titre de son préjudice d'affection par le jugement contesté, ne peut qu'être rejetée.

3. En second lieu, s'agissant du montant du préjudice résultant pour Mme G... épouse E... de la prise en charge et de l'éducation de son neveu Grégory à la suite de la disparition de la mère de ce dernier, le tribunal pour allouer la somme de 7 290 euros à Mme G... épouse E... a retenu le montant forfaitaire évalué par la requérante elle-même à 350 euros par mois d'où elle a déduit la somme de 200 euros versée mensuellement par la caisse d'allocations familiales de la Guyane, à partir de l'année 2 000, date retenue pour l'arrivée de Grégory au foyer de sa tante, jusqu'au mois de juillet 2004, date à laquelle Grégory a atteint sa majorité.

4. S'agissant de la période de prise en charge de Grégory par sa tante, d'une part, les pièces versées au dossier permettent de regarder comme établie cette présence à compter du 1er janvier 2000, l'avis d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2000 de la requérante fait état de la présence de son neveu à son foyer. Si le centre hospitalier entend se prévaloir de courriers émanant de la caisse d'allocations familiales de la Guyane portant notification de droits qui, pour le premier, daté du 9 novembre 2000, fait état d'un changement des droits à compter du 1er août 2000 et, pour le second, en date du 20 juin 2001, relatif à l'allocation de soutien familial, fait état d'un changement de droits à partir du 1er septembre 2000, le contenu de ces courriers ne permet pas d'inférer, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, que la présence de Grégory au foyer de sa tante ne peut être regardée comme établie avant le 1er août 2000.

5. D'autre part, s'agissant de la date de la fin de prise en charge de Grégory par sa tante, les pièces versées au dossier permettent de considérer que Grégory a été pris en charge par sa tante jusqu'au 31 octobre 2005, date à compter de laquelle Grégory a suivi une formation en alternance dans le cadre d'un contrat de professionnalisation avec la coopérative avicole et cunicole de Guyane, formation en principe rémunérée, et dont la requérante ne soutient ni n'établit qu'elle ne l'aurait pas été. Les seules circonstances que, postérieurement à cette date, la requérante se soit portée caution pour la location d'un logement alors que son neveu Grégory poursuivait des études à Cholet, dans le Maine-et-Loire, et ait fait l'acquisition de meubles pour ce logement ne permettent pas de considérer que Grégory était encore à sa charge.

6. Il résulte enfin de l'instruction que la requérante a perçu pour la garde de son neveu des allocations de la part de la caisse d'allocations familiales de la Guyane pour un montant estimé à 200 euros par mois. Si la requérante soutient qu'elle avait déjà tenu compte de cette somme en chiffrant ses prétentions à la somme de 350 euros mensuelle, lesquelles hors déduction s'établissaient à la somme de 550 euros mensuel, elle n'apporte aucun élément permettant d'établir que, après déduction des allocations familiales, le reste à charge induit par la présence à son foyer de son neveu était de 350 euros mensuels et non, ainsi que l'a jugé le tribunal, de 150 euros. Si le centre hospitalier de la Guyane soutient en défense que la tutelle s'oppose à toute rémunération, il ne résulte pas, en tout état de cause, de l'instruction qu'un jugement de tutelle soit intervenu désignant la requérante comme tutrice.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de procéder au complément d'instruction demandé par le centre hospitalier, qu'il y a lieu de fixer, ainsi que l'ont fait les premiers juges, à la somme de 150 euros le montant mensuel des dépenses induites pour la requérante par la présence de son neveu à son foyer pendant sa période de prise en charge, et de porter la somme allouée par le tribunal, compte tenu d'une période de prise en charge du 1er janvier 2000 au 30 octobre 2005 et du pourcentage fixé à 90 % de la perte de chance d'éviter le décès de Mme F... épouse A... I..., de 7 290 euros, à 9 450 euros.

8. Il résulte de tout ce qui précède, qu'il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a fixé à 4 500 euros le montant de l'indemnité due par le centre hospitalier de Cayenne au titre du préjudice d'affection et de porter à 9 450 euros le montant de l'indemnité au titre du préjudice matériel, soit la somme totale de 13 950 euros, et de réformer en ce sens le jugement attaqué.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

9. La somme de 13 950 euros portera intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2012, date de réception par le centre hospitalier de Cayenne de la demande indemnitaire de la requérante.

10. Aux termes des dispositions de l'article 1343-2 du code civil : " Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise ". Pour l'application de ces dispositions, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. Toutefois, cette demande prend effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière. Dans l'hypothèse inverse, cette demande ne prend effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande.

11. La capitalisation des intérêts a été demandée le 8 mars 2018, date à laquelle une année entière d'intérêts avait déjà couru. Il y a donc lieu de prononcer la capitalisation des intérêts au 8 mars 2018 puis à chaque échéance annuelle ultérieure.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Cayenne une somme de 1 000 euros à verser à Mme G... épouse E... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 11 790 euros que le centre hospitalier de Cayenne a été condamné à verser à Mme G... épouse E... par le jugement n° 1500765 du 1er décembre 2016 du tribunal administratif de la Guyane est portée à 13 950 euros avec les intérêts de droit au taux légal à compter du 10 avril 2012. Les intérêts échus à la date du 8 mars 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de la Guyane est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le centre hospitalier de Cayenne versera à Mme G... épouse E... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme J... G... épouse E... et au centre hospitalier Andrée Rosemon de Cayenne.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 décembre 2019.

Le rapporteur,

A. D...Le président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne au préfet de la Guyane en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 17PA20821


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