Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCP Benichou Legrain Berruer, aux droits de laquelle vient la SCP Henri Berruer, a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 346 568,45 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de l'autorisation de licenciement de M. E..., assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 2015.
Par un jugement n° 1519414/3-2 du 25 janvier 2017, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à la SCP Benichou Legrain Berruer la somme de 32 052,66 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 2015.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 27 mars 2017, un mémoire complémentaire enregistré le 31 juillet 2018, des mémoires enregistrés les 3 mai 2019 et 6 mai 2019 (deux mémoires) et des mémoires de production de pièces enregistrés les 20 mars, 27 mars, 10 avril 2019 et 20 septembre 2019, la SCP Henri Berruer, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1519414/3-2 du 25 janvier 2017 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a limité la condamnation de l'Etat à la somme de 32 052,66 euros et rejeté implicitement les conclusions de la SCP Henri Berruer qui faisaient état d'un préjudice supérieur ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet du ministre du travail rejetant le recours indemnitaire préalable formé par la SCP Henri Berruer le 28 juillet 2015 ;
3°) de condamner l'Etat à verser à la SCP Henri Berruer la somme de 470 974,69 euros en réparation du préjudice subi ;
4°) de condamner l'Etat au paiement à la SCP Henri Berruer des intérêts moratoires au taux légal à compter du 28 juillet 2015 ;
5°) de condamner l'Etat à payer la somme de 19 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
6°) de condamner l'Etat aux entiers dépens.
Elle soutient que :
- l'illégalité de la décision de l'inspecteur du travail du 26 août 2010 et de la décision confirmative du ministre du 17 mars 2011 est fautive et cette faute est de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
- l'illégalité de l'autorisation de licenciement a eu deux conséquences directes : la demande de dommages et intérêts de M. D... au motif de l'irrégularité de son éviction et le droit d'obtenir sa réintégration au même poste et avec la même qualification ;
- elle a subi un préjudice s'élevant à 289 643,77 euros au titre des salaires, droits et accessoires depuis le jour du licenciement de M. E... soit 103 974,43 euros fixé par la Cour d'appel de Paris, auxquels s'ajoutent les 100 000 euros de provisions déjà versées, ainsi que 85 669,28 euros au titre des charges sociales patronales que l'employeur doit supporter ;
- elle a subi un préjudice estimé à 92 821,69 euros au titre des sommes obtenues par M. D... du fait de l'impossibilité de sa réintégration soit 65 367,39 euros (40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse + 12 079,71 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis + 1 207,97 euros au titre des congés payés afférents + 12 079,71 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement), ainsi que 27 454,30 euros représentant les charges patronales sur cette somme ;
- l'Etat doit également lui rembourser les sommes que la SCP Henri Berruer serait amenée à reverser à Pôle Emploi dans la limite de six mois d'indemnisation de M. D... ;
- l'Etat doit être condamné à lui rembourser la somme de 39 150 euros au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par le juge de l'exécution pour la période allant du 18 octobre 2014 au 28 août 2015 ;
- l'Etat doit être condamné à lui rembourser la somme de 34 579 euros au titre des frais et honoraires dans le cadre du contentieux relatif à l'autorisation de licencier ;
- l'Etat doit être condamné à lui rembourser la somme de 9 300 euros liés à la condamnation de la SCP à payer les frais de procédure à M. E....
Par un mémoire en défense et en appel incident, enregistré le 11 avril 2019, et un nouveau mémoire enregistré le 9 mai 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête et à ce que le jugement attaqué soit réformé en ce qu'il a condamné l'Etat à rembourser à la SCP Henri Berruer l'intégralité de la somme qu'elle a été condamnée à verser à M. E... en application des dispositions de l'article L. 2422-4 du code du travail.
Elle soutient que les moyens soulevés par la SCP Henri Berruer à l'appui de sa requête ne sont pas fondés. Par la voie de l'appel incident, elle soutient d'une part que la faute commise par l'employeur de M. E..., qui a sollicité l'autorisation de licencier ce dernier, salarié protégé, est de nature à exonérer, au moins partiellement, l'Etat de sa responsabilité, et, d'autre part, que, contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, les frais de procédure devant les juridictions de l'ordre administratif ne peuvent être remboursés que dans le cadre de 1'article L. 761-1 du code de justice administrative, à l'occasion de chaque instance au titre de laquelle ils sont réclamés, et n'ont pas à être pris en compte dans 1'indemnisation réclamée à 1'administration.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de procédure civile ;
- l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., substituant Me C..., avocat de la SCP Henri Berruer.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 26 août 2010, l'inspecteur du travail a autorisé la SCP Benichou Legrain Berruer, devenue la SCP Henri Berruer, à licencier M. E..., clerc d'huissier, pour faute grave. Cette décision a été confirmée par le ministre chargé du travail le 17 mars 2011. Ces deux décisions ont toutefois été annulées par un jugement du 4 avril 2013 du tribunal administratif de Paris au motif que la lettre par laquelle l'employeur avait convoqué son salarié à un entretien préalable mentionnait uniquement la possibilité pour le salarié intéressé de se faire assister, lors de l'entretien, par une personne de son choix appartenant obligatoirement au personnel de l'entreprise, en méconnaissance de la procédure prévue à l'article L. 1232-4 du code du travail. Le recours formé par la société employeur contre ce jugement a été rejeté par la Cour de céans dans un arrêt du 9 décembre 2013. Le pourvoi formé par la SCP Henri Berruer contre cet arrêt a été rejeté par le Conseil d'Etat par une décision du 23 décembre 2014. M. E... a saisi le conseil des prud'hommes le 13 avril 2015 en vue d'obtenir réparation de son préjudice. La SCP Henri Berruer a présenté au ministre chargé du travail une demande indemnitaire préalable puis, devant le silence de celui-ci, a demandé au tribunal administratif de Paris la réparation du préjudice qu'elle soutient avoir subi du fait de l'illégalité de la décision autorisant le licenciement de son salarié. La SCP Henri Berruer relève appel du jugement n° 1519414/3-2 du 25 janvier 2017 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a limité la condamnation de l'Etat à la somme de 32 052,66 euros et a rejeté implicitement les conclusions de la SCP Henri Berruer qui faisaient état d'un préjudice supérieur.
Sur la responsabilité de l'Etat :
2. En application des dispositions du code du travail, le licenciement d'un salarié protégé ne peut intervenir que sur autorisation de l'autorité administrative. Les premiers juges ont estimé, ce qui n'est pas contesté en appel par les parties, que l'illégalité de la décision autorisant la SCP Benichou Legrain Berruer à licencier M. D... avait constitué une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique. Par suite, la SCP Henri Berruer, et quelle que puisse être par ailleurs sa propre responsabilité à l'égard de M. E..., est en droit d'obtenir la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice direct et certain résultant pour elle de cette décision illégale.
3. Toutefois, la SCP Benichou Legrain Berruer, en mentionnant uniquement, dans la lettre de convocation à l'entretien préalable, la possibilité pour l'intéressé de se faire assister, lors de cet entretien, par une personne de son choix appartenant obligatoirement au personnel de l'entreprise, en méconnaissance de la procédure prévue à l'article L. 1232-4 du code du travail, a elle-même commis une faute qui, en l'espèce, est de nature à exonérer l'État de la moitié de la responsabilité encourue.
Sur les préjudices :
4. En premier lieu, l'arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 1er mars 2018 a condamné la société requérante à verser à M. E... une indemnité réparant le préjudice financier et moral subi par le salarié sur le fondement de l'article L. 2422-4 du code du travail, qui dispose que : " Lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L. 2422-1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision. / L'indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois s'il n'a pas demandé sa réintégration. / Ce paiement s'accompagne du versement des cotisations afférentes à cette indemnité qui constitue un complément de salaire ".
5. L'indemnité prévue à l'article L. 2422-4 précité du code du travail que l'arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 1er mars 2018 a condamné la société requérante à verser à M. E... correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre le licenciement de M. E... et la prise d'acte de la rupture de son contrat à la suite de son absence de réintégration dans la SCP Benichou Legrain Berruer, malgré la demande en ce sens qu'il avait formulé, soit le 28 août 2015. S'il existe un lien de causalité direct entre l'illégalité de la décision d'autorisation de licenciement de l'inspecteur du travail, confirmée sur recours hiérarchique, et la réparation du préjudice né du versement de l'indemnité sur le fondement de l'article L. 2422-4 du code du travail jusqu'à la demande de réintégration du salarié, il n'en est pas de même pour la période s'étendant de la date à laquelle l'employeur était tenu de le réintégrer à la réintégration effective ou, comme en l'espèce, à la prise d'acte de rupture du contrat par le salarié. En effet, dès lors que le salarié a présenté une demande de réintégration, il appartient à l'employeur de le réintégrer dans des conditions d'emploi équivalentes au poste occupé avant son licenciement. Si l'employeur ne fait aucune proposition de réintégration ou que cette proposition n'est pas satisfaisante, il commet lui-même une faute qui est la cause directe du préjudice né du versement de l'indemnité sur le fondement de l'article L. 2422-4 du code du travail. La SCP Henri Berruer ne saurait se prévaloir en l'espèce, pour soutenir qu'elle ne pouvait procéder à la réintégration de M. E..., de la circonstance que celui-ci avait la qualité, avant son licenciement, de " clerc habilité à procéder aux constats " et que les dispositions de l'article 1 bis de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers limitent à deux " clercs habilités à procéder aux constats " par office lorsque son titulaire est une société civile professionnelle dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que cette circonstance aurait fait obstacle à toute proposition de réintégration. Par conséquent, en l'espèce, la SCP Henri Berruer n'est fondée à demander l'indemnisation du préjudice subi né du versement de l'indemnité sur le fondement de l'article L. 2422-4 du code du travail que pour la période allant du 6 septembre 2010, date du licenciement, au 9 octobre 2014, date de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris confirmant l'ordonnance de référé du conseil des prudhommes de Paris du 8 février 2014 ordonnant la réintégration de M. E... et y ajoutant une astreinte. Par suite, la SCP Henri Berruer n'est fondée à demander l'indemnisation que d'une partie du préjudice allégué, calculée prorata temporis, soit la somme de 167 714,85 euros. Eu égard à ce qui a été dit ci-dessus quant au partage de responsabilité, l'Etat doit être condamné à verser à la SCP Henri Berruer, au titre de l'indemnité prévue à l'article L. 2422-4 du code du travail, la somme de 83 857,42 euros.
6. Il résulte de l'instruction, et notamment des attestations de l'expert-comptable de la SCP Henri Berruer des 7 et 11 avril 2019 et 19 septembre 2019, que l'indemnité prévue à l'article L. 2422-4 du code du travail que l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 1er mars 2018 a condamné la SCP Benichou Legrain Berruer à payer à M. E... a été effectivement versée à ce dernier. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction, eu égard notamment aux attestations précitées de l'expert-comptable de la SCP Henri Berruer, que les charges sociales patronales correspondant à cette indemnité aient été effectivement payées. Par suite, la SCP Henri Berruer n'est pas fondée à en demander le remboursement.
7. En deuxième lieu, l'obligation pour l'employeur de verser au salarié l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité de congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité conventionnelle de licenciement n'étant pas la conséquence directe de l'illégalité de la décision administrative autorisant le licenciement, mais résultant de l'application des dispositions légales et conventionnelles relatives à la rupture du contrat de travail qui s'imposent à lui dès lors qu'il décide de procéder au licenciement, le versement desdites indemnités est dépourvu de tout lien direct avec la faute de l'administration. Par suite, ces préjudices ne résultant pas directement et certainement de l'illégalité dont était entachée la décision du 26 août 2010 autorisant le licenciement, confirmée sur recours hiérarchique, les conclusions indemnitaires de la SCP Henri Berruer doivent être rejetées sur ce point.
8. En troisième lieu, l'arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 1er mars 2018 a condamné la société requérante à verser à M. E... une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail, qui, dans sa version alors en vigueur, disposait que : " Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. / Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 ".
9. Il ressort des termes de l'arrêt susmentionné du 1er mars 2018 de la Cour d'appel de Paris que la prise d'acte de rupture du salarié aux torts de l'employeur a produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse dès lors que la SCP Henri Berruer s'est abstenue de proposer à M. E... de le réintégrer dans un poste équivalent à celui qu'il occupait antérieurement à son licenciement et que cela a constitué un manquement suffisamment grave faisant obstacle à la poursuite du contrat. Ainsi, le préjudice consistant pour la SCP Henri Berruer dans le paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail trouve sa cause directe et exclusive dans la faute commise par l'employeur postérieurement à l'annulation de la décision d'autorisation de licenciement. Par suite, ce préjudice ne résultant pas directement et certainement de l'illégalité dont était entachée la décision du 26 août 2010 autorisant le licenciement, confirmée sur recours hiérarchique, les conclusions indemnitaires de la SCP Henri Berruer doivent être rejetées sur ce point.
10. En quatrième lieu, l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 1er mars 2018 a condamné la société requérante à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage perçus par M. E... sur le fondement de l'article L. 1235-4 du code du travail, qui, dans sa version alors en vigueur, dispose que " lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu en méconnaissance des articles L. 1132-1, L. 1153-2, L. 1225-4 et L. 1225-5 et que le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu'il est dû, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9. ".
11. Il résulte des dispositions précitées qu'en cas de nullité du licenciement, le juge ordonne le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage perçues par le salarié intéressé. Le remboursement à Pôle Emploi du montant des allocations chômage versées à M. E... trouve, en principe, sa cause, de manière directe et certaine, dans la décision illégale prise par l'inspecteur du travail, confirmée sur recours hiérarchique. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction, eu égard notamment aux attestations de l'expert-comptable de la SCP Henri Berruer des 7 et 11 avril 2019 et 19 septembre 2019, que le montant des allocations chômage versées à M. E... ait été effectivement remboursé à Pôle Emploi. Par suite, la SCP Henri Berruer n'est pas fondée à en demander le remboursement.
12. En cinquième lieu, par une ordonnance du 10 septembre 2015, le juge de l'exécution a ordonné le paiement de la somme de 39 150 euros au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par le juge des référés qui a enjoint à la SCP Henri Berruer de réintégrer M. E.... Toutefois, ce préjudice est, en tout état de cause, dépourvu de tout lien direct avec l'illégalité de la décision de l'inspecteur du travail dès lors qu'il ne résulte que de la résistance de l'employeur à réintégrer M. E... dans la société. Par suite, la SCP Henri Berruer ne peut être indemnisée de ce chef de préjudice.
13. En sixième lieu, le tribunal administratif, dans le jugement attaqué, a limité l'indemnisation des frais et honoraires que la société a dû verser afin d'assurer sa défense dans les différentes procédures à la somme de 23 250,80 euros au motif que " les sommes versées dans le cadre de la procédure relative à la réintégration du salarié sont sans lien avec l'illégalité de la décision autorisant son licenciement ; qu'il en va de même des frais exposés pour la demande d'autorisation de licenciement, par définition antérieurs à la survenance de l'illégalité ; qu'elle est en revanche fondée à solliciter une indemnisation pour les frais qu'elle a exposés pour défendre la décision prise par l'inspecteur du travail, lors du recours hiérarchique devant le ministre, ainsi que lors du contentieux devant le tribunal administratif contre cette dernière décision ; que les frais exposés à l'occasion de l'appel contre ce jugement, ainsi que pour le pourvoi en cassation, résultant de l'exercice de son droit au recours, peuvent également être pris en compte ". Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, de fixer la réparation du préjudice né des frais et honoraires d'avocat à la somme de 23 250,80 euros et, eu égard à ce qui a été dit ci-dessus quant au partage de responsabilité, de condamner l'Etat à verser à la SCP Henri Berruer à ce titre la somme de 11 625,40 euros.
14. En outre, il y a lieu d'allouer la somme de 1 500 euros au titre des frais engagés par la société requérante pour les honoraires d'avocat lors du litige au fond devant le conseil des prud'hommes dès lors qu'il existe un lien direct entre la faute de l'administration et la circonstance que M. D... ait saisi le conseil des prud'hommes pour que soit constaté le non-règlement de l'indemnité prévu à l'article L. 2422-2 du code du travail, et, par suite, eu égard à ce qui a été dit ci-dessus quant au partage de responsabilité, de condamner l'Etat à verser à la SCP Henri Berruer à ce titre la somme de 750 euros.
15. En dernier lieu, aux termes de l'article 700 du code de procédure civile : " Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : / 1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (...) ".
16. Le préjudice consistant pour la SCP Henri Berruer dans le paiement d'une somme au titre des frais exposés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile trouve sa cause directe et exclusive dans sa qualité de partie perdante au procès. Il suit de là que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le préjudice né des instances en référés devant le conseil des prud'hommes ne résultait pas directement et certainement de l'illégalité dont était entachée la décision du 26 août 2010 autorisant le licenciement. En outre, pour les mêmes motifs, la SCP Henri Berruer n'est pas fondée à demander la réparation des préjudices nés des frais irrépétibles de deux fois 1 000 euros mis à sa charge par des décisions du juge de l'exécution du 10 septembre 2015 et du 9 mars 2017 et de 500 euros mis à sa charge par une décision du conseil des prud'hommes du 9 novembre 2015. De plus, les indemnités que l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 1er mars 2018 a ordonné à la SCP Henri Berruer de payer n'étant que pour une part mineure en lien direct avec la décision fautive de l'inspecteur du travail, il n'y a pas lieu d'indemniser la SCP Henri Berruer des frais de procédure qu'elle a exposés à l'occasion de ce litige à hauteur de la somme de 2 800 euros.
17. Enfin, les frais exposés par la SCP Henri Berruer sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en exécution de l'arrêt de la Cour de céans du 9 décembre 2013, ne peuvent être remboursés que dans le cadre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par suite, l'Etat est fondé à demander, par la voie de l'appel incident, à ce que le jugement attaqué soit réformé en ce qu'il a alloué à ce titre à la SCP Henri Berruer la somme de 1 500 euros.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'ensemble des frais exposés par la SCP Henri Berruer et non compris dans les dépens, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 32 052,66 euros que l'Etat a été condamné, par le jugement attaqué, à verser à la SCP Henri Berruer est portée à la somme de 96 232,82 euros, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 2015.
Article 2 : Le jugement n° 1519414/3-2 du 25 janvier 2017 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à la SCP Henri Berruer une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCP Henri Berruer, à la ministre des solidarités et de la santé, à la ministre du travail, au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et à la ministre des sports.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président,
- M. B..., président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 décembre 2019.
Le rapporteur,
I. B...Le président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
Y. HERBERLa République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, à la ministre du travail, au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et à la ministre des sports, chacun en ce qui les concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA01038