Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... C... épouse A... B..., Mme P... A... B... épouse I... et Mme L... K..., en son nom personnel et en sa qualité de représentante légale de son fils mineur O... A... B..., ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser, respectivement, les sommes de 34 493,34 euros, 10 000 euros, 470 902 euros et 99 079 euros, en réparation des préjudices qu'ils ont subis en raison du décès de M. J... B... le 20 février 2007.
Par un jugement n° 1311690/6-2 du 19 mai 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande et a laissé les frais de l'expertise à la charge définitive de l'Etat.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2015, Mme F... C... épouse A... B..., Mme P... A... B... épouse I... et Mme L... K..., en son nom personnel et en sa qualité de représentante légale de son fils mineur O... A... B..., représentées par Me H..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1311690/6-2 du 19 mai 2015 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de condamner l'ONIAM à verser :
- à Mme F... C... épouse A... B..., mère de la victime, les sommes de 30 000 euros au titre de son préjudice moral et de 4 493,34 euros en remboursement des frais d'obsèques ;
- à Mme P... A... B... épouse I..., soeur de la victime, la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral ;
- à Mme L... K..., compagne de la victime, les sommes de 50 000 euros au titre de son préjudice moral et 436 976 euros au titre de son préjudice économique ;
- à Mme L... K..., en qualité de représentante légale du fils mineur de la victime, Matis Di B..., les sommes de 50 000 euros au titre de son préjudice moral et 50 025 euros au titre de son préjudice économique ;
3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 4 000 euros à verser à Mme L... K... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour la procédure de première instance.
Elles soutiennent que :
- le jugement attaqué est entaché d'un vice de procédure pour méconnaissance du principe du contradictoire, dès lors que le sens des conclusions du rapporteur public qui a été communiqué avant l'audience était imprécis et que le rapporteur public a refusé de leur faire parvenir une copie de ses conclusions ;
- le décès de M. J... B... n'est pas dû à une faute de l'hôpital mais à un accident médical et l'ONIAM doit prendre en charge leur indemnisation au titre de la solidarité nationale sur le fondement du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dès lors que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, les conséquences de l'accident médical, lequel présente un caractère exceptionnel, sont anormales au regard de l'état de santé antérieur de M. A... B... comme de l'évolution prévisible de celui-ci.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2016, l'ONIAM, représenté par Me G..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, qui n'a pas présenté de mémoire.
Par un arrêt du 13 février 2017, la Cour a décidé qu'avant de statuer sur les conclusions présentées par Mme F... C... épouse A... B... et autres, il sera procédé à un complément d'expertise médicale et a fixé la mission de l'expert et a réservé jusqu'en fin d'instance tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'a pas été statué.
Le rapport de l'expert a été enregistré le 20 mai 2019 au greffe de la cour.
Par une ordonnance n° 15PA02911 du 26 juin 2019, le vice-président de la Cour a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expert M. M... à la somme de 1 436,85 euros.
Par une ordonnance n° 15PA02911 du 26 juin 2019, le vice-président de la Cour a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expert M. N... à la somme de 1 800 euros, incluant l'allocation provisionnelle d'un montant de 1 400 euros accordée par une ordonnance du 14 novembre 2017.
Par deux mémoires, enregistrés les 7 juin et 27 novembre 2019, Mme F... C... épouse A... B..., Mme P... A... B... épouse I... et Mme L... K..., en son nom personnel et en sa qualité de représentante légale de son fils mineur O... A... B... demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1311690/6-2 du 19 mai 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de condamner l'ONIAM à verser :
- à Mme F... C... épouse A... B..., mère de la victime, les sommes de 30 000 euros au titre de son préjudice moral et 4 493,34 euros en remboursement des frais d'obsèques ;
- à Mme P... A... B... épouse I..., soeur de la victime, la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral ;
- à Mme L... K..., compagne de la victime, les sommes de 50 000 euros au titre de son préjudice moral et 558 649 euros au titre de son préjudice économique ;
- à Mme L... K..., en qualité de représentante légale du fils mineur de la victime, Matis Di B..., les sommes de 50 000 euros au titre de son préjudice moral et 51 445 euros au titre de son préjudice économique ;
3°) à titre subsidiaire de condamner l'ONIAM à verser 95 % de ces sommes dès lors que le traitement administré à M. A... B... est à l'origine d'une perte de 95 % de chances d'éviter son décès ;
4°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2019, l'ONIAM, représenté par Me G..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis hors de cause.
Il soutient que la demande d'indemnisation formulée à son encontre n'est pas fondée.
Par une décision du 20 octobre 2017, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris, a admis Mme K... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- les observations de Me H..., avocat des consorts A... B...,
- et les observations de Me D..., substituant Me G..., avocat de l'ONIAM.
Considérant ce qui suit :
1. M. J... B..., alors âgé de 43 ans, a été admis le 20 février 2007 à l'hôpital Sainte-Anne puis a été transféré au centre hospitalier Henri Ey (Paris 13ème) spécialisé en psychiatrie, établissement dans lequel il est décédé quatre heures après son arrivée. Par la présente requête, Mme F... C... épouse A... B..., sa mère, Mme P... A... B... épouse I..., sa soeur, et Mme L... K..., sa compagne, en son nom personnel et en sa qualité de représentante légale de Matis Di B..., son fils mineur, relèvent appel du jugement du 19 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'ONIAM à prendre en charge, au titre de la solidarité nationale, la réparation des préjudices qu'ils ont subis en raison du décès de M. J... B....
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ". La communication aux parties du sens des conclusions, prévue par ces dispositions, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public.
3. Il ressort des pièces du dossier de première instance qu'avant la tenue de l'audience du tribunal, le rapporteur public a porté à la connaissance des parties le sens des conclusions qu'il envisageait de prononcer dans les termes suivants : " rejet au fond ". Eu égard à la teneur de ces indications et alors que le rapporteur public n'avait pas à détailler l'argumentation qu'il entendait développer pour conclure à cette solution, les parties ont été en mesure d'apprécier s'il y avait lieu d'assister à l'audience publique et de préparer utilement leurs observations orales. Ainsi le moyen tiré de ce que le jugement attaqué aurait été rendu au terme d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 711-3 du code de justice administrative doit être écarté.
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " l'instruction des affaires est contradictoire ". L'article L. 7 de ce même code précise qu'" Un membre de la juridiction, chargé des fonctions de rapporteur public, expose publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu'elles appellent ".
5. Le rapporteur public, qui a pour mission d'exposer les questions que présente à juger le recours sur lequel il conclut et de faire connaître, en toute indépendance, son appréciation, qui doit être impartiale, sur les circonstances de fait de l'espèce et les règles de droit applicables ainsi que son opinion sur les solutions qu'appelle, suivant sa conscience, le litige soumis à la juridiction à laquelle il appartient, prononce ses conclusions après la clôture de l'instruction à laquelle il a été procédé contradictoirement. L'exercice de cette fonction n'est pas soumis au principe du caractère contradictoire de la procédure applicable à l'instruction. Il suit de là que, pas plus que la note du rapporteur ou le projet de décision, les conclusions du rapporteur public - qui peuvent d'ailleurs ne pas être écrites - n'ont à faire l'objet d'une communication préalable aux parties. Celles-ci ont en revanche la possibilité, après leur prononcé lors de la séance publique, de présenter des observations, soit oralement à l'audience, soit au travers d'une note en délibéré. Ainsi, les conclusions du rapporteur public permettent aux parties de percevoir les éléments décisifs du dossier, de connaître la lecture qu'en fait la juridiction et de saisir la réflexion de celle-ci durant son élaboration tout en disposant de l'opportunité d'y réagir avant que la juridiction ait statué.
6. Il s'ensuit que la circonstance que le rapporteur public ait refusé de communiquer à Mme F... C... épouse A... B... et autres ses conclusions n'est, en tout état de cause, pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le principe de la réparation au titre de la solidarité nationale :
7. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droits au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire ". L'article D. 1142-1 du même code définit le seuil de gravité prévu par ces dispositions législatives.
8. Il résulte de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1. La condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. Ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage.
9. Pour rejeter la demande de Mme C... épouse A... B... et autres de prise en charge au titre de la solidarité nationale des préjudices résultant du décès de M. A... B... survenu le 20 février 2007 lors de son hospitalisation à l'hôpital Henri Ey, les premiers juges ont considéré que le dommage dont il a été victime et qui est à l'origine directe de ses préjudices, ne remplissait pas la condition d'anormalité prévue par les dispositions précitées de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique.
10. Il résulte de l'instruction, d'une part, que le décès de M. A... B... est survenu le 20 février 2007 à 6 heures 40 du matin après qu'il ait reçu à l'hôpital Sainte-Anne 100 milligrammes de Tercian, un neuroleptique, et 10 milligrammes de Valium, un anxiolytique, vers 1 heure 15 puis une injection à l'hôpital Henri Ey de 150 milligrammes de Loxapac, un neuroleptique, et de
2 milligrammes de Rivotril, un antiépileptique, à 4 heures, pour traiter un épisode maniaque dans un contexte de trouble affectif bipolaire avec insomnie, agitation et agressivité. Selon le rapport du docteur N... du 24 janvier 2019, " l'association de ces différentes drogues provoque fréquemment des sédations respiratoires et un sommeil profond " et est justifiée " dans ce cas d'agitation extrême " sans que dans ce contexte d'urgence psychiatrique, aucun manquement concernant la prescription médicale ne puisse être relevé. Il ajoute que " la prise en charge sur le plan psychiatrique est exempte de manquements et conforme aux règles de l'art et aux données acquises de la science dans le contexte des urgences psychiatriques. La prise en charge a été conforme aux bonnes pratiques et aux recommandations existantes en 2007 ". Ainsi, le décès de M. A... B... n'est pas imputable à une faute qui aurait été commise par le premier ou le second établissement public de santé dans lesquels il a séjourné s'agissant tant du choix des médicaments administrés et de leur dosage que du protocole mis en place lors de son hospitalisation. Par ailleurs, aucun des deux rapports d'expertise n'a expressément envisagé l'hypothèse selon laquelle ce dernier aurait pu décéder d'une cause extérieure aux soins qui lui ont été administrés compte tenu de son âge et de ce qu'il ne souffrait d'aucune pathologie avérée autre que celle affectant son état psychique. Le docteur M... précise dans le rapport d'expertise du
15 mai 2019 qu'" il est difficile d'affirmer de manière certaine que la régurgitation soit à l'origine du décès par asphyxie " de M. A... B... dès lors que les traitements administrés pris séparément ou associés n'ont pas pour effet indésirable de provoquer des régurgitations et que " la régurgitation peut aussi être la conséquence de la réanimation cardio-respiratoire ". Il en conclut que le décès de M. A... B... peut être dû soit à " un arrêt respiratoire lié à la sédation " suivi " d'un arrêt cardiaque hypoxique ", soit " à une régurgitation bronchique " qui a eu lieu pendant la phase sédative ayant empêché son réveil et donc qui a entraîné son asphyxie, soit à une " torsade de pointe " due au Tercian pour lequel les troubles du rythme cardiaque font partie des effets secondaires rarement constatés. Ainsi, quelle que soit l'hypothèse retenue, la sédation se trouve à l'origine du décès de M. A... B..., et le lien de causalité entre l'administration des sédatifs et ce décès doit, en conséquence, être regardé comme étant établi entre les soins reçus par M. A... B... et son décès.
11. D'autre part, il résulte de l'instruction que M. A... B... a été hospitalisé alors qu'il souffrait d'un épisode maniaque dans un contexte de trouble affectif bipolaire avec insomnie, agitation et agressivité évoluant depuis 15 jours et pour lequel il a arrêté les consultations depuis 6 mois selon le rapport du docteur Dubec du 5 juillet 2013. Il était sthénique à son arrivée c'est-à-dire qu'il avait un comportement empreint d'énergie, de tonus et de force. Si l'expert précise qu' " en l'absence de geste médical, l'évolution d'un état d'excitation est imprévisible et peut donner lieu à des accidents mortels ", ces accidents sont ceux de la vie courante et non une évolution prévisible de l'épisode maniaque de M. A... B... devant avoir pour conséquence normale, en l'absence de prise en charge, d'entrainer sa mort. Par ailleurs, il ne résulte d'aucune des pièces du dossier que M. A... B... faisait montre, lors de l'épisode manique qui justifiait son hospitalisation, de tendances suicidaires mais, bien au contraire, d'un sentiment de toute puissance et d'un état
d'hétéro-agressivité. Dans ce contexte, l'acte médical précité a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. La condition d'anormalité du dommage prévue par les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique est donc remplie en l'espèce.
12. Il résulte de ce qui précède que l'accident médical dont M. A... B... a été victime ouvre droit à réparation au titre de la solidarité nationale, contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, des préjudices subis par Mme C... épouse A... B... et autres consécutifs au décès de M. A... B....
En ce qui concerne les préjudices :
S'agissant des préjudices personnels de Mme F... C... épouse A... B..., mère de la victime :
13. D'une part, Mme C... épouse A... B... demande le remboursement des frais d'obsèques correspondant à la somme de 4 493,34 euros et produit la facture afférente à cette dépense. Par suite, la somme de 4 493,34 euros doit de ce chef lui être allouée.
14. D'autre part, s'agissant de son préjudice moral suite au décès de son fils majeur, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en lui allouant la somme de 6 500 euros.
S'agissant des préjudices personnels de Mme P... A... B... épouse I..., soeur de la victime :
15. Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral de Mme A... B... épouse I... suite au décès de son frère, en lui allouant la somme de 4 000 euros.
S'agissant des préjudices personnels de Mme L... K..., compagne de la victime :
16. Il sera fait une juste évaluation du préjudice moral de Mme L... K... suite au décès de son concubin, en lui allouant la somme de 20 000 euros.
17. S'agissant du préjudice économique, il résulte de l'instruction que M. A... B..., qui occupait un emploi de directeur de salle dans un restaurant dont il avait été licencié en octobre 2005, avait cessé de travailler à temps plein en février 2005 et ne percevait plus aucun salaire depuis juin 2005, sa précédente crise maniaque ayant nécessité son hospitalisation à deux reprises entre mars et juin 2005. Il ressort également des premières expertises que, lors de ses hospitalisations en 2005, il avait été noté l'usage massif de cannabis par M. A... B..., voire d'héroïne et de cocaïne, toutes drogues ayant un effet particulièrement délétère sur les personnes souffrant de troubles bipolaires. Et il ressort des mêmes expertises que M. A... B..., qui s'était vu prescrire des médicaments régulateurs de l'humeur par un médecin psychiatre, interrompait la prise de son traitement et ne revenait pas voir son médecin régulièrement. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il ne peut être regardé comme établi que M. A... B..., pour lequel il n'est fait état d'aucune perspective sérieuse d'embauche à la date de son décès, aurait été en mesure de reprendre une activité rémunérée à l'issue de sa crise maniaque de 2007. La perte de chance de reprendre une activité rémunérée ne peut ainsi pas être regardée comme suffisamment sérieuse en l'espèce, de sorte qu'aucune somme ne peut être allouée à Mme L... K..., compagne de la victime, au titre du préjudice économique.
S'agissant des préjudices personnels de Mme L... K..., en qualité de représentante légale du fils mineur de la victime, Matis Di B... :
18. Il sera fait une juste évaluation du préjudice moral de Matis Di B..., âgé de 4 ans et demi à la date du décès de son père, en lui allouant la somme de 25 000 euros.
19. En l'absence de perte de chance sérieuse pour M. A... B... de reprendre une activité rémunérée à l'issue de sa crise maniaque, ainsi qu'il a été dit au point 17, son fils Matis Di B... ne justifie pas d'un préjudice économique.
20. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler l'article premier du jugement attaqué du tribunal administratif de Paris et de condamner l'ONIAM à verser à Mme F... C... épouse A... B..., mère de la victime, 6 500 euros au titre de son préjudice moral et 4 493,34 euros en remboursement des frais d'obsèques, à Mme P... A... B... épouse I..., soeur de la victime la somme de 4 000 euros au titre de son préjudice moral, à Mme L... K..., compagne de la victime, les sommes de 20 000 euros au titre de son préjudice moral et à Mme L... K..., en qualité de représentante légale du fils mineur de la victime, Matis
Di B..., 25 000 euros au titre de son préjudice moral.
Sur les frais d'expertise :
21. Il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM les frais de l'expertise, liquidés et taxés par ordonnances du vice-président de la Cour du 26 juin 2019 aux sommes de 1 436,85 euros, s'agissant du docteur M..., et 1 800 euros, laquelle somme inclut l'allocation provisionnelle d'un montant de 1 400 euros accordée par une ordonnance du 14 novembre 2017, s'agissant du docteur N....
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
22. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 2 500 euros à verser à Mme L... K..., laquelle somme inclut les honoraires de son conseil en première instance, ainsi qu'à hauteur de 1 000 euros les sommes exposées tant en première instance qu'en appel en paiement des honoraires des médecins conseils qui l'ont assistée lors des opérations d'expertise.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article premier du jugement n° 1311690/6-2 du 19 mai 2015 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'ONIAM est condamné à verser à Mme F... C... épouse A... B..., mère de la victime, 6 500 euros au titre de son préjudice moral et 4 493,34 euros en remboursement des frais d'obsèques, à Mme P... A... B... épouse I..., soeur de la victime la somme de 4 000 euros au titre de son préjudice moral, à Mme L... K..., compagne de la victime, les sommes de 20 000 euros au titre de son préjudice moral et à Mme L... K..., en qualité de représentante légale du fils mineur de la victime, Matis Di B..., 25 000 euros au titre de son préjudice moral.
Article 3 : Les frais d'expertise devant la Cour taxés et liquidés aux sommes de 1 436,85 euros s'agissant du docteur M... et 1 800 euros, incluant l'allocation provisionnelle d'un montant de 1 400 euros accordée par l'ordonnance du 14 novembre 2017, s'agissant du docteur N... sont mis à la charge de l'ONIAM.
Article 4 : L'ONIAM versera à Mme L... K... une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... C... épouse A... B..., à Mme P... A... B... épouse I..., à Mme L... K..., à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Copie en sera adressée aux docteurs M... et N... expert et sapiteur.
Délibéré après l'audience du 2 décembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président,
- Mme E..., premier conseiller,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 décembre 2019.
Le rapporteur,
A. E...Le président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
C. POVSELa République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA02911