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12/12/2019 | FRANCE | N°18PA02385

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 12 décembre 2019, 18PA02385


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Compagnie des immeubles de la Seine (CISE) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 29 juin 2016 par lequel le maire de Paris a opposé un refus à sa demande de délivrance d'un permis de construire pour l'immeuble sis 73 rue du Faubourg Saint-Antoine dans le 11ème arrondissement de Paris, ensemble la décision du 29 septembre 2016 par laquelle le maire de Paris a rejeté son recours gracieux contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1620849/4-3 du 17 mai 2018, le t

ribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Compagnie des immeubles de la Seine (CISE) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 29 juin 2016 par lequel le maire de Paris a opposé un refus à sa demande de délivrance d'un permis de construire pour l'immeuble sis 73 rue du Faubourg Saint-Antoine dans le 11ème arrondissement de Paris, ensemble la décision du 29 septembre 2016 par laquelle le maire de Paris a rejeté son recours gracieux contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1620849/4-3 du 17 mai 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 juillet 2018 et un mémoire en réplique enregistré le 15 novembre 2019, la société Compagnie des immeubles de la Seine, représentée par Me A... et Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1620849/4-3 du 17 mai 2018 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 juin 2016 par lequel le maire de Paris a opposé un refus à sa demande de délivrance d'un permis de construire pour l'immeuble sis 73 rue du Faubourg Saint-Antoine dans le 11ème arrondissement de Paris, ensemble la décision du 29 septembre 2016 par laquelle le maire de Paris a rejeté son recours gracieux contre cet arrêté ;

3°) d'enjoindre à la maire de Paris, à titre principal, de lui délivrer le permis de construire sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, le cas échéant sous astreinte, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de permis de construire dans le même délai, le cas échéant sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de la Ville de Paris une somme de 4 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté est entaché d'un détournement de procédure, la Ville de Paris ayant fait obstacle à son projet pour attendre l'inscription dans le plan local d'urbanisme d'une réserve " logements sociaux " sur sa parcelle ;

- il fait une inexacte application des dispositions de l'article UG.11.1 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la Ville de Paris.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 octobre 2019, la Ville de Paris, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête de la société CISE et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'appelante à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société CISE ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le règlement du plan local d'urbanisme de la Ville de Paris ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E...,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., avocat de la société Compagnie des immeubles de la Seine.

Considérant ce qui suit :

1. La société Compagnie des immeubles de la Seine (CISE) est propriétaire d'un immeuble sis 73 rue du Faubourg Saint-Antoine dans le 11ème arrondissement de Paris, dans lequel la société Hôtel Voltaire Bastille, son locataire, exploitait un hôtel. Au regard des conditions d'hygiène et de sécurité de l'hôtel, le préfet de police, par arrêtés des 15 décembre 2014 et 10 février 2015, a interdit l'habitation puis ordonné l'évacuation de l'hôtel. La société CISE a déposé auprès des services de la Ville de Paris, le 30 octobre 2015, une demande de permis de construire pour la réhabilitation et la surélévation de deux étages de ce bâtiment à usage de commerce au rez-de-chaussée et premier étage et d'hôtel de tourisme du premier au quatrième étage, changement de destination partiel du local commercial au premier étage en hébergement hôtelier, création d'un ascenseur, déplacement de la trémie d'escalier, remplacement des menuiseries extérieures, ravalement des façades sur rue et cour, réfection de la couverture et mise aux normes d'accessibilité et de sécurité. Par un arrêté du 29 juin 2016, la maire de Paris a refusé de lui délivrer le permis de construire sollicité puis a opposé, le 29 septembre 2016, un refus à son recours gracieux. La société CISE fait appel du jugement du 17 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 juin 2016.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 29 juin 2016 :

2. Le permis de construire a été refusé, sur le fondement de l'article UG.11 du règlement du plan local d'urbanisme de Paris, au double motif que la création de deux lucarnes de format disproportionné était de nature à alourdir et désorganiser la lecture de la toiture et méconnaissait les dispositions de l'article UG 11.1.1 (3°) de ce règlement et que la devanture projetée en rez-de-chaussée, par sa typologie en feuillure non adaptée à l'architecture de l'immeuble et son coloris très foncé participait au déséquilibre de la façade de l'immeuble et méconnaissait l'article UG. 11.1.1.4 du même règlement.

3. Il ressort des dispositions du plan local d'urbanisme de Paris sur le caractère de zone urbaine générale, dite zone UG, qui comprend la majeure partie du territoire parisien en dehors des bois de Boulogne et de Vincennes, que sont mis en oeuvre dans cette zone " des dispositifs qui visent à assurer la diversité des fonctions urbaines, à développer la mixité sociale de l'habitat, à préserver les formes urbaines et le patrimoine issus de l'histoire parisienne tout en permettant une expression architecturale contemporaine ". Au sein de l'article UG 11 du règlement de ce document, le point UG 11.1, intitulé " Dispositions générales ", énonce que : " Les interventions sur les bâtiments existants comme sur les bâtiments à construire, permettant d'exprimer une création architecturale, peuvent être autorisées. / L'autorisation de travaux peut être refusée ou n'être accordée que sous réserve de prescriptions si la construction, l'installation ou l'ouvrage, par sa situation, son volume, son aspect, son rythme ou sa coloration, est de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". Le point UG 11.1.1 détaille les prescriptions applicables aux constructions existantes et dispose notamment : " 1° Soubassement : Le soubassement de la construction, composé d'un rez-de-chaussée ou de deux niveaux, est très visible pour le piéton. Le caractère général des façades sur voie doit être respecté ou restitué lors d'interventions sur ce ou ces niveaux en privilégiant la notion d'alignement. Le traitement des accès, des ouvertures et des devantures doit prendre en compte l'aspect architectural du bâtiment. 2° Façades sur rue et cour : Composées d'un ou plusieurs niveaux, les façades donnent à la construction son aspect général qui peut résulter de surélévations ou d'additions successives. La recherche d'une bonne cohérence d'ensemble ne doit pas nécessairement conduire à uniformiser le traitement des façades (...). Des éléments nouveaux à caractère contemporain peuvent contribuer à en qualifier l'aspect (...). 3° Couronnement : / Les travaux doivent chercher à restituer l'aspect d'origine ou améliorer la volumétrie de la partie supérieure des constructions. L'adjonction de volumes bâtis (lucarnes, prolongements de façades, vérandas...) ne peut être autorisée que dans la mesure où ils s'intègrent de façon harmonieuse dans la composition d'ensemble ". L'article UG. 11.1.4 détaille les prescriptions relatives au " traitement des rez-de-chaussée et devantures en façades sur les espaces publics " et précise notamment : " Les règles suivantes doivent être respectées pour assurer une bonne insertion des devantures : (...) Les devantures peuvent être implantées soit en saillie par rapport à la façade pour les devantures dites " en applique ", soit en retrait limité (10 à 20 cm) pour les devantures dites " en feuillure " (...) Les matériaux et couleurs des devantures proposés doivent être en accord avec l'architecture du bâtiment qui les supporte (...) ".

4. D'une part, le projet du pétitionnaire comprend la surélévation du bâtiment existant, immeuble faubourien de quatre étages sur rez-de-chaussée à toit plat, entouré d'immeubles ayant une hauteur supérieure à la sienne, par la création, dans le respect des règles de gabarit et de prospect, de deux étages de combles couverts en zinc et éclairés en façade sur la rue par deux importantes ouvertures dites " lucarnes ". Si la Ville de Paris soutient que ces ouvertures apparaissent, dans ce quartier d'une grande valeur historique, surdimensionnées et exagérément saillantes, le " mémoire technique " exposant le parti des deux architectes du projet les qualifie pour sa part de " réinterprétation des chiens-assis parisiens, dans une version épurée ", s'insérant dans un site complexe appartenant à " l'architecture des faubourgs construits avec le temps ". L'architecte des bâtiments de France a donné un avis favorable sans restrictions au projet, et même à un projet antérieur où la lucarne supérieure avait une orientation non parallèle à la façade, alors que l'immeuble se situe dans le site inscrit de Paris et en covisibilité avec des monuments historiques. Il résulte des pièces du dossier que le front de rue est d'ores et déjà composite et relève d'un registre faubourien, marqué par l'absence de compositions symétriques et homogènes, alors que les deux immeubles mitoyens comportent eux-mêmes des combles percés de grandes ouvertures qui ne reprennent pas la forme ni les dimensions des ouvertures des étages inférieurs. Dans ces conditions, le projet de surélévation, s'il comprend une note de créativité architecturale contemporaine, n'entraîne pas de rupture architecturale avec les bâtiments existants et s'intègre dans la composition architecturale d'ensemble. Dès lors, la société requérante est fondée à soutenir que la Ville de Paris a fait une inexacte application des dispositions du 3° de l'article UG.11.1.1 en lui refusant le permis de construire qu'elle sollicitait au motif du format disproportionné et inadapté des lucarnes.

5. D'autre part, alors que l'entrée en rez-de-chaussée de l'hôtel continuera à se faire par un porche fermé d'une grille, le projet prévoit la rénovation de la devanture de la boutique existante, tout en précisant qu'enseigne et vitrine restent à définir, dans un coloris foncé contrastant avec le coloris clair de la façade. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la conception " en feuillure " de cette devanture ou son coloris ne s'accorderaient pas avec l'architecture de l'immeuble, au sens des dispositions précitées de l'article UG. 11.1.4 du règlement du plan local d'urbanisme, ou nuirait à la composition harmonieuse de la rue. La requérante est fondée à soutenir que ce deuxième motif de rejet de sa demande est également entaché d'erreur d'appréciation

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société CISE est fondée à soutenir que les deux motifs fondant le refus de permis de construire qui lui a été opposé sont erronés et à demander, de ce fait, l'annulation de l'arrêté du 29 juin 2016 du maire de Paris et de la décision du 29 septembre 2016 rejetant son recours gracieux.

7. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, l'autre moyen soulevé par l'appelante n'est pas, en l'état du dossier soumis à la Cour, susceptible d'entraîner l'annulation de la décision attaquée.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. L'article L. 911-1 du code de justice administrative dispose : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

9. La Ville de Paris, qui devait, en application de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme, faire connaitre l'ensemble des motifs de refus de la demande, n'a pas énoncé, y compris devant le juge, d'autres motifs s'opposant à la délivrance du permis de construire que ceux censurés par la présente décision. En application de l'article L. 600-2 du même code, l'autorité compétente ne peut refuser la demande de permis de construire, que la société CISE a renouvelée par sa demande d'injonction devant le juge, en se fondant sur les dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date d'intervention de la décision annulée, et notamment la modification du plan d'urbanisme de Paris, approuvée par délibération du 4 juillet 2016, ayant créé sur la parcelle en cause un emplacement réservé imposant la construction de 100% de logements sociaux. Dans ces conditions, il y a lieu, en application des dispositions précitées du code de justice administrative, d'enjoindre au maire de Paris de délivrer à la société CISE le permis de construire sollicité, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et sans qu'il soit nécessaire, à ce stade, de prononcer une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la Ville de Paris une somme de 1 500 euros à verser à la société CISE au titre des frais de procédure exposés, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce que la Ville de Paris, partie perdante, en puisse invoquer le bénéfice.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1620849/4-3 du 17 mai 2018 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 29 juin 2016 par lequel le maire de Paris a opposé un refus à la demande de permis de construire de la société CISE, ainsi que la décision du 29 septembre 2016 rejetant son recours gracieux, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au maire de Paris de délivrer à la société CISE le permis de construire sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Une somme de 1 500 euros est mise à la charge de la Ville de Paris à verser à la société CISE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la société CISE et les conclusions de la Ville de Paris tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Compagnie des immeubles de la Seine et à la Ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme F..., présidente de chambre,

- M. E..., premier conseiller,

- M. Platillero, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 décembre 2019

Le rapporteur,

A. E... La présidente,

S. F...

La greffière,

M. C...

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 18PA02385


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02385
Date de la décision : 12/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SELARL FGD AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-12-12;18pa02385 ?
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