La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/12/2019 | FRANCE | N°18PA01584

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 12 décembre 2019, 18PA01584


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2017 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit.

Par un jugement n° 1707172/3-2 du 4 octobre 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9

mai 2018, M. C..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 17071...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2017 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit.

Par un jugement n° 1707172/3-2 du 4 octobre 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 mai 2018, M. C..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1707172/3-2 du 4 octobre 2017 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2017 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, le versement à son avocat de la somme de 1 800 euros au titre de la première instance et de la somme de 3 000 euros au titre de l'appel.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier pour méconnaissance du principe du contradictoire, le juge de première instance ayant répondu lui-même aux moyens soulevés ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'un vice de procédure, dès lors qu'il n'est pas justifié de la compétence du médecin signataire de l'avis médical, lequel ne précise en outre pas la durée prévisible de la prise en charge médicale que requiert son état de santé ainsi que si l'état de santé du requérant lui permet de voyager sans risque ;

- elle est insuffisamment motivée, le préfet n'ayant pas recherché s'il bénéficiait d'une circonstance humanitaire, en méconnaissance de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnait le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet ne s'étant pas assuré qu'il pourrait effectivement bénéficier du traitement nécessaire dans son pays d'origine ;

- il ne pourra pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Côte d'Ivoire ; l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 octobre 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une décision du 21 mars 2018, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris a accordé à M. C... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant ivoirien né en septembre 1980, est entré en France en mars 2013 selon ses déclarations. Le 13 mai 2016, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Après avoir recueilli l'avis du médecin, chef du service médical de la préfecture de police qui a estimé, le 12 juillet 2016, que l'état de santé de M. C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une extrême gravité, mais que le malade était " stabilisé " et qu'il existait en Côte d'Ivoire un traitement approprié pour sa prise en charge, le préfet de police a, par arrêté du 26 janvier 2017, rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit. M. C... fait appel du jugement du 4 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. L'article L. 5 du code de justice administrative dispose : " L'instruction des affaires est contradictoire (...) ".

3. M. C... fait valoir que le mémoire en défense produit le 27 juin 2017 par le préfet de police, qui lui a été communiqué, ne contenait pas de réponse aux moyens qu'il avait soulevés, tirés, d'une part, de l'erreur de procédure commise en ne soumettant pas sa demande à un collège de médecins de l'Office français de l'intégration et de l'immigration et, d'autre part, de la méconnaissance des dispositions du 4° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers dans leur rédaction entrée en vigueur le 1er janvier 2017. Le tribunal a écarté ces moyens au terme d'une analyse juridique par laquelle il constate que les dispositions législatives et réglementaires invoquées par M. C... n'étaient pas opposables à son cas, compte tenu de la date de sa demande de titre de séjour. Ce faisant, le tribunal ne s'est pas fondé sur des éléments non produits au dossier mais s'est contenté d'examiner le bien-fondé de l'argumentation juridique de M. C.... Le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire doit dès lors être écarté.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

4. L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile disposait, antérieurement à sa modification par le 3° de l'article 13 de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police (...) ". Si ces dispositions législatives, et notamment celles concernant le mode d'établissement de l'avis médical, ont été modifiées par la loi précitée du 7 mars 2016, les nouvelles dispositions de procédure et de fond ne sont applicables, aux termes des V et VI de l'article 67 de la même loi, qu'aux demandes déposées postérieurement au 1er janvier 2017, ce qui n'est pas le cas de l'espèce.

5. En premier lieu, la décision litigieuse a été, ainsi qu'il a été dit au point 1, délivrée au vu d'un avis médical, produit en première instance, signé le 12 juillet 2016 par le docteur Dufour, nommé chef du service médical de la préfecture de police par un arrêté n° 2003-16426 du 24 octobre 2003 publié au Recueil des actes de la ville de Paris le 16 décembre 2003. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cet avis médical ne peut qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; la durée prévisible du traitement. Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...) ". Aux termes de l'article 6 du même arrêté : " A Paris, le médecin agréé ou le médecin praticien hospitalier visé à l'article 1er adresse son rapport médical, sous pli confidentiel, au médecin désigné par le préfet de police. Celui-ci émet l'avis comportant l'ensemble des précisions mentionnées à l'article 4 ci-dessus et le transmet au préfet de police (...) ".

7. L'avis rendu en application de ces dispositions par le médecin, chef du service médical de la préfecture de police, indique que l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale, que le défaut de cette prise en charge pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé et qu'il existe en Côte d'Ivoire un traitement approprié pour sa prise en charge médicale. Cet avis ne précise pas la durée attendue du traitement, mais précise : " stabilisé, traitement et suivi disponibles dans le pays d'origine ". Dès lors que le médecin compétent a estimé que l'état de santé de l'intéressé était stabilisé et qu'il pouvait faire l'objet d'une prise en charge appropriée dans son pays d'origine, la circonstance que l'avis ne précise pas, contrairement à ce que prévoient les dispositions de l'arrêté du 9 novembre 2011, la durée de cette prise en charge n'a pas privé l'intéressé d'une garantie ni pu avoir d'influence sur le sens de la décision litigieuse. Par ailleurs, si M. C... fait valoir que cet avis ne précise pas s'il peut voyager sans risque vers son pays d'origine, il ressort des termes mêmes de l'article 4 précité que le médecin n'est pas tenu de se prononcer sur ce point. Ainsi, le moyen tiré du vice de procédure qui résulterait d'une motivation insuffisante de l'avis médical doit être écarté.

8. En troisième lieu, le troisième alinéa de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose, dans sa rédaction applicable au litige : " Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ".

9. Si M. C... fait valoir que le préfet de police ne s'est pas prononcé sur l'existence ou l'absence d'une circonstance humanitaire exceptionnelle avant de lui refuser un titre de séjour, il n'établit, ni même n'allègue qu'il aurait invoqué devant le médecin inspecteur ou devant le préfet de police de telles circonstances. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision litigieuse doit être écarté.

10. En quatrième lieu, M. C... allègue qu'il ne pourra pas bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Côte d'Ivoire, dès lors que certains médicaments nécessaires au traitement de l'hépatite B, affection dont il est atteint, ne seraient pas disponibles en Côte d'Ivoire. Toutefois, il ne démontre pas l'impossibilité d'accéder aux traitements dont il aurait besoin, sur lesquels il ne donne d'ailleurs aucune précision, par la seule production de documents de caractère général, notamment des articles de presse, relatifs à l'état du système de santé en Côte d'Ivoire. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions, citées au point 4 ci-dessus, du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

11. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue du 3° de l'article 57 de la loi du 7 mars 2016, et applicable à la date de la décision contestée en vertu du II de l'article 67 de cette loi : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

12. M. C... soutient que le préfet de police aurait méconnu ces dispositions dès lors qu'il lui a fait obligation de quitter le territoire français à l'issue d'une procédure de refus de titre de séjour qui s'est bornée à examiner s'il existait un traitement approprié dans son pays d'origine, et non s'il pourrait effectivement, en cas de renvoi, en bénéficier. Toutefois, comme dit au point 10, il n'apporte aucun élément sur le traitement qui lui est nécessaire et auquel il ne pourrait pas accéder en Côte d'Ivoire. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police aurait méconnu les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en obligeant M. C... à quitter le territoire français. Le moyen tiré de ce que l'arrêté serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation ne peut également, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il comporterait des conséquences d'une extrême gravité, qu'être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête d'appel ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à ce que l'Etat, qui n'est partie perdante, supporte les frais de procédure en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme E..., présidente de chambre,

- M. Legeai, premier conseiller,

- M. Platillero, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 décembre 2019.

L'assesseur le plus ancien,

A. LEGEAI La présidente de chambre,

rapporteur

S. E... Le greffier,

M. A...La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18PA01584 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01584
Date de la décision : 12/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Sylvie PELLISSIER
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : DANDALEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-12-12;18pa01584 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award