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11/12/2019 | FRANCE | N°19PA02638

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 11 décembre 2019, 19PA02638


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

15 mai 2019 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités autrichiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile ainsi que l'arrêté du même jour par lequel il l'a assigné à résidence, et d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale, à défaut, de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 1910760/8 du 24 mai 2019, le Tribu

nal administratif de Paris a admis M. B... à l'aide juridictionnelle provisoire, annulé les ar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

15 mai 2019 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités autrichiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile ainsi que l'arrêté du même jour par lequel il l'a assigné à résidence, et d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale, à défaut, de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 1910760/8 du 24 mai 2019, le Tribunal administratif de Paris a admis M. B... à l'aide juridictionnelle provisoire, annulé les arrêtés contestés, enjoint au préfet de police de délivrer à M. B... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 août 2019, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1910760/8 du 24 mai 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant ce tribunal.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal, qui a inexactement appliqué les dispositions du troisième alinéa du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, a considéré que la France était devenue responsable de l'examen de la demande d'asile de M. B... en tant qu'Etat " procédant à la détermination " ;

- le processus de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile de M. B... ne pouvait plus relever des critères du chapitre III du règlement ;

- les autorités autrichiennes, qui avaient examiné au fond la demande d'asile présentée par M. B... en juillet 2016, soit postérieurement à la demande formée devant les autorités hongroises, ont nécessairement mis en oeuvre l'article 17 du règlement et, dès lors qu'elles avaient rejeté la demande d'asile de l'intéressé, étaient tenues de le reprendre en charge en application des dispositions du d) paragraphe 1 de l'article 18 de ce règlement ;

- les autres moyens invoqués en première instance par M. B... ne sont pas fondés.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 12 et 21 novembre 2019, M. B..., représenté par Me A... C..., demande à la Cour de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 11 juillet 1991 ou, à défaut, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'y a plus lieu de statuer sur la requête d'appel du préfet de police dans la mesure où sa demande de protection internationale a été enregistrée auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides;

- le préfet de police ne produit aucun élément de nature à établir le relevé de ses empreintes le 28 février 2019, la remise des brochures A et B, la tenue de l'entretien individuel le 1er mars 2019 ainsi que l'acceptation par les autorités autrichiennes de sa reprise en charge ;

- l'arrêté portant transfert est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît les dispositions des articles 4, 5, 23 et 26 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 30 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., qui indique être né le 23 mars 1998 en Afghanistan, pays dont il revendique la nationalité, s'est présenté aux services de la préfecture de police le 28 février 2019 aux fins d'enregistrement d'une demande de protection internationale. Par un arrêté du 15 mai 2019, le préfet de police a décidé sa remise aux autorités autrichiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et, par un second arrêté du même jour, l'a assigné à résidence. Le préfet de police relève appel du jugement du 24 mai 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé ces deux arrêtés et lui a enjoint de délivrer à M. B... une attestation de demande d'asile en procédure normale.

Sur l'exception de non-lieu à statuer invoquée par M. B... :

2. M. B... fait valoir qu'il n'y a plus lieu pour la Cour de statuer sur la requête d'appel du préfet de police dès lors qu'il lui a été délivré une attestation de demande d'asile le 3 septembre 2019, renouvelée en dernier lieu le 30 septembre 2019 et valable jusqu'au 29 juin 2020, cette circonstance ayant eu pour effet, implicitement mais nécessairement, d'abroger l'arrêté en litige du 15 mai 2019. Toutefois, la remise de cette attestation, qui résulte de la simple exécution du jugement attaqué et notamment de la mesure d'injonction prononcée, n'a pas pour conséquence de priver d'objet les conclusions d'appel du préfet de police. Par suite, l'exception de non-lieu opposée à la requête par M. B... ne peut être accueillie.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

3. Aux termes des dispositions de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable.

2. Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés

dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. / (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ".

4. Il résulte de ces dispositions que, sous réserve qu'un Etat membre se reconnaisse compétent en application des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 susvisé du 26 juin 2013, l'Etat membre responsable de l'examen de la demande de protection internationale est en principe l'Etat membre qui, à l'issue de l'examen des critères énoncés au chapitre III du règlement, est désigné sur le fondement de l'article 3 paragraphe 1 ou, à défaut, en application de l'article 3 paragraphe 2, le premier Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite. Toutefois, lorsqu'un État membre décide, par dérogation aux règles précitées, de ne pas faire usage des procédures applicables aux requêtes aux fins de reprise en charge définies à la section III du présent règlement et d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers, cet Etat devient, en application des dispositions de l'article 17 du règlement, l'État membre responsable de cette demande, et assume ainsi les obligations liées à cette responsabilité, dans les conditions prévues aux articles

18 et 19 du règlement.

5. Pour annuler l'arrêté en litige, le tribunal, après avoir relevé que le préfet de police n'avait pas fait application des critères du chapitre III du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 pour déterminer l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile de M. B..., a estimé, par application du premier alinéa du paragraphe 2 de l'article 3 de ce règlement, que l'Etat membre responsable était le premier Etat auprès duquel la demande de protection internationale avait été introduite, soit la Hongrie et que, à supposer même que le préfet de police ait considéré qu'il lui était impossible de transférer l'intéressé en Hongrie en raison de défaillances systémiques dans cet Etat, l'Etat membre responsable était l'Etat membre procédant à la détermination, soit la France, en application des dispositions du troisième alinéa du paragraphe 2 de ce même article, en l'absence de tout élément au dossier permettant de considérer que les autorités autrichiennes avaient fait application de la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement. Il en a déduit qu'en décidant la remise de M. B... aux autorités autrichiennes, le préfet de police avait entaché sa décision d'erreur de droit.

6. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment du résultat des recherches effectuées par les services du ministre de l'intérieur dans le fichier Eurodac à partir des relevés décadactylaires de M. B..., que celui-ci a déposé le 4 juin 2016 une première demande d'asile auprès des autorités hongroises, puis le 10 juillet 2016, une seconde demande d'asile auprès des autorités autrichiennes. Si, en application des critères susmentionnés, les autorités autrichiennes n'étaient pas responsables de l'examen de la demande d'asile présentée par M. B... le 10 juillet 2016, il ne ressort pas des pièces du dossier que celles-ci ont saisi la Hongrie d'une requête aux fins de reprise en charge de l'intéressé. En renonçant à faire usage d'une telle faculté, l'Autriche, qui d'ailleurs a procédé à un examen au fond de la demande d'asile de M. B..., doit être regardée comme ayant nécessairement mis en oeuvre les dispositions de l'article 17 du règlement précité et par suite, comme étant devenue l'Etat membre responsable de la demande d'asile de l'intéressé. Dès lors qu'elles avaient rejeté cette demande, les autorités autrichiennes étaient tenues, en application du d) du 1 de l'article 18 du même règlement, de reprendre en charge M. B..., ce qu'elles ont expressément accepté le 6 mars 2019, comme cela ressort des pièces produites au dossier de première instance. Le préfet de police est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé ses arrêtés du 15 mai 2019 pour erreur de droit au motif que la France devait être considérée comme l'Etat responsables de l'examen de la demande d'asile de M. B....

7. Toutefois, il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... tant en première instance qu'en appel.

Sur les autres moyens soulevés par M. B... :

S'agissant de la légalité de l'arrêté de transfert :

8. En premier lieu, par arrêté n° 2019-00368 du 17 avril 2019, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 23 avril 2019, le préfet de police a donné à M. D... E..., attaché d'administration de l'Etat, chargé de mission au 12ème bureau de la direction de la police générale, délégation à l'effet de signer, notamment, les décisions relatives à la police des étrangers. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige manque en fait.

9. En deuxième lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

10. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

11. L'arrêté préfectoral du 15 mai 2019 portant transfert de M. B... aux autorités autrichiennes vise notamment le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le règlement (UE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il précise que M. B... est entré irrégulièrement sur le territoire français et s'y est maintenu sans être muni des documents et visas exigés par les textes en vigueur, que ses empreintes ont été relevées et permettent, après confrontation avec les bases de données européennes, d'établir qu'il a précédemment déposé une demande d'asile en Autriche dont les autorités ont accepté de le reprendre en charge en application des dispositions du d) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013, les critères prévus au chapitre III du règlement n'étant pas applicables, et qu'au regard des éléments de fait et de droit caractérisant sa situation, il ne relève pas des dérogations prévues aux articles 3-2 ou 17 de ce règlement. Il ressort, en outre, des mentions de l'arrêté litigieux que le préfet a examiné la situation de M. B... au regard des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a conclu à l'absence de risque personnel de nature à constituer une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'Etat responsable de la demande d'asile. Ainsi, l'arrêté portant transfert de M. B... aux autorités autrichiennes est suffisamment motivé, nonobstant la circonstance qu'il n'expose pas les éléments qui ont amené le préfet de police, au regard des critères énoncés aux articles 7 à 15 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et des conditions de leur mise en oeuvre, à considérer que l'Autriche était responsable de l'examen de la demande d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté litigieux ne peut qu'être écarté.

12. En troisième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté litigieux qui est suffisamment motivé ni des autres pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B....

13. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier de première instance, produites par le préfet de police le 24 mai 2019, communiquées au requérant dans le cadre de la présente instance, que M. B... s'est vu remettre les 28 février et 1er mars 2019, soit aux dates d'enregistrement de sa demande d'asile et d'entretien individuel, l'ensemble des informations nécessaires au suivi de cette demande et à l'engagement de la procédure de transfert, et tout particulièrement, la brochure d'information sur le règlement " Dublin III " contenant une information générale sur la demande d'asile et le relevé d'empreintes (brochure A), la brochure d'information pour les demandeurs d'asile dans le cadre de la procédure " Dublin III " (brochure B), la brochure d'information, rédigée par la Commission nationale de l'informatique et des libertés, relative à la base de données " Eurodac " ainsi que le guide du demandeur d'asile, rédigés en langue pachtou, que l'intéressé avait indiquée comprendre. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que lors de l'entretien individuel mené le 1er mars 2019 en présence d'un interprète en langue pachtou et que M. B... a déclaré avoir compris, l'intéressé a été informé que sa demande d'asile serait examinée dans le cadre du règlement " Dublin III " et qu'une demande de reprise en charge par l'Autriche serait engagée. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que M. B... n'aurait pas reçu, avant l'arrêté en litige et dans une langue qu'il comprend, les éléments d'information requis par les dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, et de ce qu'il n'aurait pas bénéficié d'un entretien conformément à l'article 5 du même règlement ne peuvent qu'être écartés. A cet égard, l'article 5 de ce règlement n'exige pas que le résumé de l'entretien individuel mentionne l'identité et la qualité de l'agent qui l'a mené, et ce résumé, qui, selon le point 6 de cet article 5, peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type, ne saurait être regardé comme une correspondance au sens de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, la circonstance que la qualification de l'agent ayant mené l'entretien n'apparaît pas sur le résumé de l'entretiens individuel mené avec M. B... est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie.

14. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que la consultation du fichier Eurodac a révélé que M. B..., dont la demande de protection internationale a été enregistrée en France le 1er mars 2019, a sollicité l'asile en Autriche le 10 juillet 2016. Le préfet de police a produit devant le tribunal administratif les pièces qui justifient de l'envoi le 5 mars 2019 à 9 h 45 et de la réception à 9 h 50 au point d'accès du réseau Dublinet pour la France, de la requête visant à la reprise en charge de l'intéressé par les autorités autrichiennes, ainsi que le courrier de ces mêmes autorités du 6 mars 2019 acceptant le transfert de M. B.... Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

15. En sixième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 26 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté comme inopérant dès lors qu'il ne concerne pas la légalité de l'arrêté en litige, les seules conditions de notification de l'arrêté préfectoral portant remise aux autorités autrichiennes étant sans influence sur sa régularité.

16. En septième et dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / (...). / 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. (...) ".

17. M. B..., qui soutient avoir fui l'Afghanistan en raison des risques qu'il encourt, n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de ses allégations. En outre, pour les mêmes raisons que celles qui ont été exposées au point 6, le requérant, qui au demeurant est isolé sur le territoire français et n'a pas fixé le centre de ses intérêts privés et familiaux en France, ne peut faire valoir que le préfet de police a entaché l'arrêté contesté d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'application de l'article 17 du règlement susvisé.

S'agissant de la légalité de l'arrêté portant assignation à résidence :

18. En premier lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / (...) ; / 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ; / (...) ".

19. L'arrêté portant assignation à résidence de M. B... vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment le 1° bis de son article L. 561-2, ainsi que l'arrêté du même jour décidant la remise de l'intéressé aux autorités autrichiennes. Par ailleurs, il indique que M. B... ne dispose pas d'un hébergement fixe sur Paris. Cet arrêté comporte ainsi un exposé suffisant des considérations de droit et de fait sur lesquelles s'est fondé le préfet de police pour décider de l'assigner à résidence. Il suit de là que cet arrêté est suffisamment motivé.

20. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté litigieux qui est suffisamment motivé ni des autres pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B....

21. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel est notifiée une assignation à résidence en application de l'article L. 552-4 , de l'article L. 561-2, de l'article L. 744-9-1 ou de l'article L. 571-4 est informé de ses droits et obligations par la remise d'un formulaire à l'occasion de la notification de la décision par l'autorité administrative ou, au plus tard, lors de sa première présentation aux services de police ou de gendarmerie. / Ce formulaire, dont le modèle est fixé par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre de l'intérieur, rappelle les droits et obligations des étrangers assignés à résidence pour la préparation de leur départ. Il mentionne notamment les coordonnées locales de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le droit de l'étranger de communiquer avec son consulat et les coordonnées de ce dernier, ainsi que le droit de l'étranger d'informer l'autorité administrative de tout élément nouveau dans sa situation personnelle susceptible d'intéresser sa situation administrative. Il rappelle les obligations résultant de l'obligation de quitter le territoire français et de l'assignation à résidence ainsi que les sanctions encourues par l'étranger en cas de manquement aux obligations de cette dernière. / (...) ".

22. Il résulte des termes mêmes des dispositions précitées de l'article R. 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la remise du formulaire relatif aux droits et obligations des étrangers assignés à résidence doit s'effectuer au moment de la notification de la décision d'assignation à résidence ou, au plus tard, lors de la première présentation de l'intéressé aux services de police ou de gendarmerie. Ainsi, elle constitue une formalité postérieure à l'édiction de la décision d'assignation à résidence dont les éventuelles irrégularités sont, en tout état de cause, sans incidence sur sa légalité.

23. En quatrième lieu, le moyen tiré de ce que l'arrêté portant assignation à résidence est illégal du fait de l'illégalité de la décision de transfert ne peut qu'être écarté pour les motifs indiqués plus haut.

24. En cinquième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... ne dispose pas, ainsi qu'il a été dit ci-dessus au point 19, d'un hébergement fixe sur Paris. En outre, les autorités autrichiennes ont accepté de le reprendre en charge le 6 mars 2019. Par suite, son transfert vers l'Autriche constitue une perspective raisonnable. En assignant M. B... à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable trois fois, et en l'obligeant à se présenter deux fois par semaine dans l'un des commissariats de police de Paris, le préfet de police n'a pas fait une inexacte application des dispositions combinées du 1° de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

25. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé les deux arrêtés litigieux du 15 mai 2019. Par voie de conséquence, il y a lieu d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal ainsi que ses conclusions d'appel fondées sur les dispositions de l'article 37 de la loi du 11 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1910760/8 du 24 mai 2019 du Tribunal administratif de Paris est annulé

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. G... B....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 27 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme F..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 11 décembre 2019.

Le rapporteur,

S. F...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA02638


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02638
Date de la décision : 11/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : ATGER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-12-11;19pa02638 ?
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