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03/12/2019 | FRANCE | N°19PA01801

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 03 décembre 2019, 19PA01801


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'État à lui verser la somme totale de 50 346,65 euros, assortie des intérêts de retard au taux annuel de 5% à compter du 23 mars 2018, en réparation des préjudices financier et moral qu'il a subis en raison du dysfonctionnement du service public de la justice.

Par un jugement n° 1807857 du 17 mai 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée

le 31 mai 2019 et un mémoire en réplique enregistré le 22 juillet 2019, M. C..., représenté ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'État à lui verser la somme totale de 50 346,65 euros, assortie des intérêts de retard au taux annuel de 5% à compter du 23 mars 2018, en réparation des préjudices financier et moral qu'il a subis en raison du dysfonctionnement du service public de la justice.

Par un jugement n° 1807857 du 17 mai 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 31 mai 2019 et un mémoire en réplique enregistré le 22 juillet 2019, M. C..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1807857 du 17 mai 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner l'État à lui verser les sommes de 40 346,65 euros et 10 000 euros en réparation, respectivement, du préjudice financier et du préjudice moral qu'il a subis en raison du dysfonctionnement du service de la justice administrative, ces deux sommes étant assorties des intérêts de retard au taux annuel de 5% à compter du 23 mars 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- des fautes lourdes ont été commises dans le fonctionnement de la justice administrative, tant devant le tribunal administratif de Grenoble, la cour administrative d'appel de Lyon et le Conseil d'État, concernant les recours qu'il a exercés en lien avec la mise en demeure de payer qui lui a été adressée le 9 août 2007 par la direction générale des finances publiques ;

- ces mêmes juridictions administratives ont commis une faute lourde en refusant de se prononcer sur la régularité de la mise en demeure de payer, au motif qu'elles seraient incompétentes ; ces décisions méconnaissent tant la jurisprudence administrative que les principes de confiance légitime et de sécurité juridique consacrés par le droit de l'Union européenne ;

- son préjudice financier correspond, d'une part, au montant du commandement de payer en date du 25 mai 2012, soit 34 227,54 euros, d'autre part, au montant de 1119,11 euros versé à la suite de l'envoi d'avis à tiers détenteur, et enfin à la somme des honoraires de son avocat, soit 5 000 euros, qu'il a dû régler en raison des procédures par lui engagées à la suite des fautes commises par les juridictions administratives ;

- son préjudice moral, qui doit être évalué à la somme de 10 000 euros, est caractérisé par le harcèlement des services fiscaux afin d'obtenir le recouvrement des sommes dues, ainsi que l'empiétement sur sa vie privée du fait des longues procédures intentées pour obtenir gain de cause.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 juillet 2019, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le Traité sur l'Union européenne ;

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E...,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. À la suite de la vérification de la comptabilité de la SARL Argos Révision Conseil dont M. C... est le gérant, l'administration fiscale a procédé à des rappels en matière d'impôts sur les sociétés, de contribution à l'impôt sur les sociétés et d'imposition forfaitaire annuelle au titre des exercices clos en 1997, 1998 et 1999 ainsi qu'à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er janvier 1998 au 31 janvier 2001. M. C... a alors sollicité la décharge des impositions mises à la charge de la SARL. Par un jugement du 28 décembre 2007, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; ce jugement a été confirmé par la Cour administrative d'appel de Lyon et, par une décision du 23 juillet 2012, le Conseil d'État statuant au contentieux a refusé d'admettre le pourvoi en cassation formé par la société à l'encontre de l'arrêt de la Cour administrative d'appel. En outre, par un arrêt du 15 février 2006 de la Cour d'appel de Chambéry, M. C... a été déclaré coupable de fraude fiscale et condamné au versement d'une amende ainsi qu'à une peine d'emprisonnement assortie de sursis. La Cour d'appel de Chambéry l'a également déclaré solidairement responsable du paiement de ces impôts et des pénalités afférentes sur le fondement de l'article 1745 du code général des impôts. Par une décision du 17 janvier 2007, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par M. C... à l'encontre de cet arrêt. Le 10 août 2007, l'administration fiscale a notifié à M. C... une mise en demeure de payer la somme de 34 227,54 euros correspondant à une partie des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société ainsi que les pénalités correspondantes puis elle a émis cinq avis à tiers détenteurs les 6 mai 2008, 14 octobre 2010, 21 octobre 2010, 10 novembre 2010 et 1er décembre 2010, avant de lui notifier une nouvelle mise en demeure, valant commandement de payer, le 25 mai 2012.

2. M. C... a alors demandé au tribunal administratif de Grenoble de le décharger de l'obligation de payer la somme de 34 227,54 euros. Ce tribunal a rejeté cette demande par un jugement du 2 avril 2015, qui a été partiellement annulé par un arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon du 24 janvier 2017, en tant qu'il avait statué sur une contestation qui concernait la régularité en la forme de la mise en demeure préalable à l'émission des avis à tiers détenteurs. La Cour a rejeté cette contestation comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaitre et le surplus des conclusions de la requête, tendant à la décharge de l'obligation de payer, comme infondé. Le Conseil d'État statuant au contentieux a refusé d'admettre en cassation le pourvoi formé contre l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon.

3. Estimant avoir subi un préjudice résultant de dysfonctionnements du service public de la juridiction administrative lors des instances évoquées au point précédent et introduites par lui devant la Cour administrative d'appel de Lyon puis devant le Conseil d'État statuant au contentieux, M. C... a, par un courrier du 20 mars 2018, demandé au garde des sceaux, ministre de la justice, de lui verser une indemnité de 50 346,65 euros en réparation du préjudice allégué. Le ministre ayant rejeté sa demande d'indemnisation le 9 mai 2018, M. C... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'État à lui verser l'indemnité qu'il réclame. Le tribunal a rejeté sa demande par un jugement du 17 mai 2019, dont l'intéressé relève appel devant la Cour.

4. En vertu des principes généraux régissant la responsabilité de la puissance publique, une faute lourde commise dans l'exercice de la fonction juridictionnelle par une juridiction administrative est susceptible d'ouvrir droit à indemnité. Toutefois, l'autorité qui s'attache à la chose jugée s'oppose à la mise en jeu de cette responsabilité dans les cas où la faute lourde résulterait du contenu même de la décision juridictionnelle et où cette décision serait devenue définitive. La responsabilité de l'État peut cependant être engagée dans le cas où le contenu de la décision juridictionnelle est entaché d'une violation manifeste du droit communautaire ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les fautes alléguées par M. C... résultent du contenu même du jugement du 2 avril 2015 du tribunal administratif de Grenoble, de celui de l'arrêt du 24 janvier 2017 de la Cour administrative d'appel de Lyon et de la décision du 7 février 2018 du Conseil d'État statuant au contentieux refusant d'admettre son pourvoi en cassation, qui sont devenus définitifs.

6. En second lieu, si M. C... soutient que les juridictions administratives ont méconnu les principes de confiance légitime et de sécurité juridique consacrés par le droit de l'Union européenne, ces principes, qui font partie des principes généraux du droit communautaire, ne trouvent à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit communautaire, ce qui n'est pas le cas en l'espèce dès lors que le litige en cause, qui relève du recouvrement fiscal, est entièrement et uniquement régi par le droit national interne. Par suite, le contenu des décisions juridictionnelles critiquées n'étant pas entaché d'une violation manifeste du droit communautaire, dès lors que ce dernier n'était en tout état de cause pas applicable au litige opposant M. C... à l'administration fiscale, l'autorité de la chose jugée s'oppose à la mise en jeu de la responsabilité de l'État à raison de ces trois décisions juridictionnelles.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'État à lui verser les sommes qu'il réclame. Sa requête doit donc être rejetée, en ce comprises ses conclusions fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative dès lors que l'État n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme F..., présidente de chambre,

- M. E..., président-assesseur,

- M. Platillero, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 décembre 2019.

Le rapporteur,

S. E...La présidente,

S. F...Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA01801


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01801
Date de la décision : 03/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-09 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service de la justice.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : BRUGGER

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-12-03;19pa01801 ?
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