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02/12/2019 | FRANCE | N°19PA01730

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 02 décembre 2019, 19PA01730


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... F... a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner le centre hospitalier intercommunal de Créteil à lui verser la somme totale de 177 968 euros en réparation des préjudices subis à la suite de son accouchement dans cet établissement.

Par un jugement n° 1610223 du 3 août 2018, le tribunal administratif de Melun a condamné le centre hospitalier intercommunal de Créteil à verser, d'une part, à Mme F..., en son nom propre, la somme de 1 500 euros ainsi que la somme de 3 740 euro

s en sa qualité de représentant légal de son enfant mineur C... B..., d'autre par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... F... a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner le centre hospitalier intercommunal de Créteil à lui verser la somme totale de 177 968 euros en réparation des préjudices subis à la suite de son accouchement dans cet établissement.

Par un jugement n° 1610223 du 3 août 2018, le tribunal administratif de Melun a condamné le centre hospitalier intercommunal de Créteil à verser, d'une part, à Mme F..., en son nom propre, la somme de 1 500 euros ainsi que la somme de 3 740 euros en sa qualité de représentant légal de son enfant mineur C... B..., d'autre part, à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne la somme de 3 336 euros, cette somme étant assortie des intérêts à taux légal à compter du 28 mai 2018, enfin à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne la somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, a mis à la charge définitive du centre hospitalier intercommunal de Créteil les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme totale de 2 900 euros, et a rejeté le surplus des conclusions de Mme F....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 mai 2019, et un mémoire de communication de pièces, enregistré le 31 mai 2019, Mme F..., représentée par Me G..., demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1610223 du 3 août 2018 du tribunal administratif de Melun en ce qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner le centre hospitalier intercommunal de Créteil à lui verser en son nom propre et en sa qualité de représentante de son enfant mineur C... B... la somme de 177 968 euros (soit 50 000 euros au titre des souffrances endurées par son enfant mineur C... B..., 50 000 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire de son enfant mineur C... B..., 40 000 euros à M. B... et à Mme F... au titre du préjudice d'affection, 34 968 euros au titre de la perte temporaire de ses gains professionnels, 3 000 euros au titre des frais de déplacement et d'assistance à expertise) ;

3°) de condamner le centre hospitalier intercommunal de Créteil à prendre en charge l'intégralité des frais d'expertises médicales, taxés et liquidés par ordonnances de la présidente du tribunal administratif de Melun en date du 6 septembre 2013 ;

4°) d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir et de prévoir une astreinte de 300 euros par jour de retard en cas d'inexécution ;

5°) de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal de Créteil le paiement à Me G..., avocat de Mme F..., de la somme de 5 000 euros sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant renonciation de celui-ci à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- il convient d'indemniser les souffrances endurées par l'enfant C... B... à hauteur de 50 000 euros ;

- il convient d'indemniser le déficit fonctionnel temporaire subi par l'enfant C... B... à hauteur de 50 000 euros ;

- il convient d'indemniser le préjudice d'affection subi par les parents de l'enfant C... B... à hauteur de 20 000 euros pour chacun d'eux ;

- il convient d'indemniser le préjudice qu'elle a subi du fait de la perte temporaire de gains professionnels ; en effet, elle a subi une perte de chance de retrouver du travail à l'issue de sa grossesse, qu'il convient d'indemniser à hauteur de 34 968 euros ;

- elle a exposé, au titre des frais de déplacement et d'assistance à expertise, une somme de 3 000 euros, qu'il convient d'indemniser.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2019, le centre hospitalier intercommunal de Créteil et la société hospitalière d'assurances mutuelles, représentés par Me D..., conclut au rejet de la requête.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par Mme F... ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 14 octobre 2019, la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, représentée par Me E..., conclut à ce que le jugement attaqué soit confirmé en ce qu'il a condamné le centre hospitalier intercommunal de Créteil à lui verser la somme de 3 366 euros en remboursement des prestations versées dans l'intérêt du jeune C... avec intérêts à compter du 28 mai 2018, outre une somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, et de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier intercommunal de Créteil en application de L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais irrépétibles.

Elle soutient que sa créance, au titre des dépenses de santé actuelles, s'élève à la somme de 3 366 euros.

Par une décision du 22 février 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme F....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., alors âgée de 21 ans, a été admise le 25 octobre 2010 au centre hospitalier intercommunal de Créteil en vue d'accoucher de son premier enfant. Dès son arrivée, une césarienne a été pratiquée en urgence compte tenu d'un rythme cardiaque foetal anormal et de la présence d'un liquide amniotique méconial. L'intéressée a alors donné naissance à un enfant de sexe masculin, prénommé C..., en état de mort apparente. Les constatations initiales étant en faveur d'une inhalation de méconium, l'enfant a fait l'objet d'une intubation trachéale par la pose d'une sonde d'aspiration et a été extubé 15 minutes plus tard, après récupération d'un rythme cardiaque normal. L'enfant a été autorisé à sortir de l'hôpital le 29 octobre 2010 avec sa mère. Le 10 décembre 2010, l'enfant C... a été amené aux urgences du centre hospitalier intercommunal de Créteil pour une dyspnée avec une suspicion de corps étranger trachéal. Une radiographie thoracique a alors été réalisée qui a permis d'objectiver la présence de ce corps étranger, consistant en un fragment de huit centimètres de long de la sonde d'aspiration mise en place lors de l'intubation de l'enfant à sa naissance, qui était demeuré à l'intérieur de son arbre trachéo-bronchique. Le lendemain, une bronchoscopie a été pratiquée afin d'extraire ce corps étranger, dont la culture est revenue positive au staphylocoque doré. L'enfant C... a été autorisé à rentrer chez lui le 13 décembre 2010 avec prescription d'un traitement antibiotique. Les deux experts médicaux, commis par deux ordonnances du juge des référés du tribunal administratif de Melun du 22 février 2013 et du 8 avril 2013, ont relevé, d'une part, que si la rupture de cette sonde était accidentelle, l'équipe médicale aurait dû toutefois s'apercevoir de cet incident dès l'extubation de l'enfant le 25 octobre 2010 dès lors que la sonde d'aspiration mesurait 26 centimètres et que le fragment manquant, d'une longueur de 8 centimètres, était d'une taille importante et que, d'autre part, que dans un contexte d'inhalation méconiale, une radiographie thoracique post-extubation aurait dû être pratiquée, ce qui aurait immédiatement permis de détecter la présence de ce corps étranger chez l'enfant. Les manquements ainsi commis par le centre hospitalier intercommunal de Créteil lors de la prise en charge de l'enfant C... B... sont constitutifs de fautes de nature à engager la responsabilité de l'établissement public hospitalier.

2. Par le jugement du 3 août 2018 dont Mme F... demande la réformation, le tribunal administratif de Melun a condamné le centre hospitalier intercommunal de Créteil à verser, d'une part, à Mme F..., en son nom propre, la somme de 1 500 euros euros ainsi que la somme de 3 740 euros en sa qualité de représentant légal de son enfant mineur C... B..., d'autre part, à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne la somme de 3 336 euros, cette somme étant assortie des intérêts à taux légal à compter du 28 mai 2018, enfin à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne la somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, a mis à la charge définitive du centre hospitalier intercommunal de Créteil les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme totale de 2 900 euros, et a rejeté le surplus des conclusions de Mme F....

Sur les conclusions indemnitaires de Mme F... :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

3. En premier lieu, si Mme F... soutient qu'elle a dû consacrer tout son temps à l'assistance de son enfant malade et que, de ce fait, elle a perdu une chance de retrouver un emploi à l'issue de sa grossesse, il résulte de l'instruction, et notamment des deux rapports d'expertise médicale, que la date de consolidation des lésions subies par l'enfant C... a été fixée au 5 janvier 2011, soit moins de deux mois après le constat, le 10 décembre 2011, de l'oubli du morceau de la sonde d'aspiration lors de l'intubation pratiquée à la naissance de l'enfant, et l'extraction effectuée le lendemain, et que, postérieurement à la date de consolidation, il n'y avait eu aucune séquelle pour l'enfant du fait de cet oubli. Par suite, Mme F... n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait subi une perte de chance de retrouver un emploi du fait de la faute médicale dont a été victime son fils C..., alors qu'au surplus elle ne travaillait pas au moment de la naissance de sa grossesse.

4. En second lieu, si Mme F... soutient qu'elle a exposé des frais pour se rendre aux opérations d'expertise et s'y faire assister, pour un montant de 3 000 euros, elle n'a apporté, ni en première instance, ni en appel, aucun justificatif de nature à établir ses allégations, et se borne seulement à soutenir qu'elle a dû déménager à Blois pour quitter une ville, Créteil, qui était pour elle source d'angoisse.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

Quant aux préjudices subis par l'enfant C... B... :

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment des deux rapports d'expertise médicale, que les souffrances endurées par l'enfant C... B..., imputables aux manquements fautifs, peuvent être évaluées à 3 sur une échelle de 7, compte-tenu de l'inconfort, de la gêne respiratoire et des troubles du sommeil induits par la présence du fragment de sonde dans l'arbre trachéo-bronchique jusqu'à son extraction. Les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce préjudice en fixant son indemnisation à la somme de 3 500 euros.

6. En second lieu, il résulte de l'instruction, et notamment des deux rapports d'expertise médicale, que l'enfant C... B... a souffert, du 25 octobre au 21 décembre 2010, d'un déficit fonctionnel temporaire partiel de 25 %, en lien avec les fautes médicales commises. Les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce préjudice en fixant son indemnisation à la somme de 240 euros.

Quant aux préjudices subis par Mme F... et M. B..., parents de l'enfant C... B... :

7. En premier lieu, il résulte de l'instruction que Mme F... a subi un préjudice d'affection résultant de l'inquiétude éprouvée face à l'état de santé de son enfant qui, d'une part, a souffert d'une gêne respiratoire et de troubles du sommeil induits par la présence de ce corps étranger trachéal durant les premières semaines de sa vie et, d'autre part, a dû subir le 11 décembre 2011 une bronchoscopie afin d'extraire ce fragment de sonde. Les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce préjudice en lui allouant la somme de 1 500 euros.

8. En second lieu, Mme F... demande que le préjudice d'affection subi par M. B..., père de l'enfant C... B..., soit indemnisé. Toutefois, comme l'ont relevé les premiers juges, Mme F... n'agit pas pour le compte de M. B..., et ce dernier n'a pas la qualité de requérant ; par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande d'indemnisation formulée au nom de M. B....

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 3 août 2018, le tribunal administratif de Melun a condamné le centre hospitalier intercommunal de Créteil à verser d'une part à Mme F..., en son nom propre, la somme de 1 500 euros ainsi que la somme de 3 740 euros en sa qualité de représentant légal de son enfant mineur C... B... et a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires ; par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier intercommunal de Créteil, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne demande au titre des frais liés à l'instance et exposés par elle.

Sur les conclusions tendant à l'exécution provisoire du présent arrêt :

10. Aux termes de l'article L. 11 du code de justice administrative : " Les jugements sont exécutoires ". Par suite, les conclusions tendant à l'exécution provisoire du présent arrêt sous astreinte sont sans objet et doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... F..., au centre hospitalier intercommunal de Créteil, à la société hospitalière d'assurances mutuelles et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. A..., président assesseur,

- Mme Collet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 décembre 2019.

Le rapporteur,

I. A...Le président,

J. LAPOUZADELe greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 19PA01730


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01730
Date de la décision : 02/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-01-04 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. Existence d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public. Exécution du traitement ou de l'opération.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SOUAMOUNOU

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-12-02;19pa01730 ?
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