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02/12/2019 | FRANCE | N°19PA01459

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 02 décembre 2019, 19PA01459


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 25 mars 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'entrée en France au titre de l'asile et prescrit son réacheminement vers la République dominicaine ou tout pays où il serait légalement admissible.

Par un jugement n° 1905977/8 du 30 mars 2019, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 25 mars 2019, a enjoint à l'administration d'autoriser M. C... B... à entrer en Fra

nce muni d'un visa de régularisation de huit jours et a condamné l'Etat au verseme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 25 mars 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'entrée en France au titre de l'asile et prescrit son réacheminement vers la République dominicaine ou tout pays où il serait légalement admissible.

Par un jugement n° 1905977/8 du 30 mars 2019, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 25 mars 2019, a enjoint à l'administration d'autoriser M. C... B... à entrer en France muni d'un visa de régularisation de huit jours et a condamné l'Etat au versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 avril 2019 et régularisée le 29 avril 2019, le ministre de l'intérieur, représenté par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1905977/8 du 30 mars 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... B... devant le tribunal administratif de Paris contre sa décision du 25 mars 2019.

Il soutient que :

- sa décision du 25 mars 2019 par laquelle il considère que la demande d'asile de M. C... B... est manifestement infondée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que les éléments dont fait part M. C... B... pour justifier de sa demande d'asile sont incohérents et qu'en tout état de cause l'agression dont se prévaut M. C... B... n'est pas de nature à ouvrir le droit à l'asile dès lors que les autorités de son pays pouvaient diligenter une enquête et faire cesser la menace ;

- les autres moyens soulevés en première instance par M. C... B... ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. C... B... qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur les réfugiés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les observations de Me G... de la Selarl E... et Associés, avocat du ministre de l'intérieur.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., ressortissant dominicain arrivé en France le 20 mars 2019 à l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle par un vol en provenance de Punta Cana, a sollicité le même jour son admission au séjour au titre de l'asile et a été placé en zone d'attente. Par une décision du 25 mars 2019, prise après avis de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du même jour, le ministre de l'intérieur a estimé que sa demande au titre de l'asile était manifestement infondée et a décidé en conséquence de lui refuser l'entrée sur le territoire français et a prescrit son réacheminement vers la République dominicaine ou vers tout autre pays où il serait légalement admissible. Le ministre de l'intérieur fait appel du jugement du 30 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 25 mars 2019.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui arrive en France par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne et qui, soit n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français, soit demande son admission au titre de l'asile, peut être maintenu dans une zone d'attente située dans une gare ferroviaire ouverte au trafic international figurant sur une liste définie par voie réglementaire, dans un port ou à proximité du lieu de débarquement, ou dans un aéroport, pendant le temps strictement nécessaire à son départ et, s'il est demandeur d'asile, à un examen tendant à déterminer si sa demande n'est pas manifestement infondée (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile ne peut être prise par le ministre chargé de l'immigration que si : (...) 3°) (...) la demande d'asile est manifestement infondée. Constitue une demande manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l'étranger et des documents le cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves. ".

4. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le ministre de l'intérieur peut rejeter la demande d'asile présentée par un étranger se présentant aux frontières du territoire national lorsque ses déclarations et les documents qu'il produit à leur appui, du fait notamment de leur caractère incohérent, inconsistant ou trop général, sont manifestement dépourvus de crédibilité et font apparaître comme manifestement dénuées de fondement les menaces de persécutions alléguées par l'intéressé au titre de l'article 1er A. (2) de la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés.

5. Pour annuler la décision du ministre de l'intérieur refusant l'entrée sur le territoire de M. C... B..., le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ses déclarations consignées dans le compte-rendu d'entretien avec le représentant de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et complétées à l'audience, par lesquelles M. C... B... affirme qu'il est homosexuel, qu'un différend avec une collègue qui aurait pris ombrage de cette orientation sexuelle aurait conduit à une tentative d'agression à son encontre et que son agresseur aurait été gravement blessé, que compte tenu des calomnies de sa collègue et de la blessure de l'agresseur qui lui est imputée, il craint un emprisonnement durant lequel il encourt des risques très importants de mauvais traitements et de viol du fait de son homosexualité.

6. Cependant, d'une part, le risque qu'encourt M. C... B... d'être placé en détention pour avoir, involontairement selon ses dires, blessé lors d'une rixe un individu qui l'aurait agressé, d'autre part, dans cette hypothèse, les risques qu'il encourt de mauvais traitements et de viol, et enfin la circonstance que la famille de son agresseur souhaiterait se venger, ne sont pas au nombre des motifs justifiant, aux termes des stipulations de la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, que puisse être accordée la qualité de réfugié, dès lors notamment qu'il n'allègue pas être directement persécuté ou menacé du fait même de son orientation sexuelle.

7. Par suite, la demande de M. C... B... étant manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile au sens des dispositions précitées de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le ministre de l'intérieur a pu la rejeter sans commettre d'erreurs de droit ou d'appréciation.

8. Il appartient toutefois à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... B... devant le tribunal administratif de Paris.

9. En premier lieu, par une décision du 5 février 2019, régulièrement publiée au Journal officiel, le ministre de l'intérieur a donné délégation à Mme F... D..., attachée d'administration directement placée sous l'autorité du chef du département de l'accès à la procédure d'asile, pour signer tous actes, arrêtés, décisions et pièces comptables relevant des attributions du département de l'accès à la procédure d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit être écartée comme manquant en fait.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L.742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète et obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L.111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger ".

11. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. C... B... a bénéficié lors de l'entretien individuel avec l'agent de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 25 mars 2019, ainsi que le permettent les dispositions précitées, des services téléphoniques d'un interprète en langue espagnole de l'organisme d'interprétariat ISM, agréé par l'administration. D'autre part, le requérant n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations selon lesquelles il aurait été privé d'une garantie du fait du recours à cette méthode, dès lors qu'il ne ressort pas du compte-rendu de l'entretien individuel qu'il aurait eu des difficultés de compréhension et d'interaction avec l'interprète. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

12. En troisième lieu, M. C... B... soutient que la décision du ministre du 25 mars 2019 est illégale dès lors que l'agent de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides a évoqué la circonstance selon laquelle l'intéressé s'était vu refusé par deux fois la délivrance d'un visa Schengen par les autorités espagnoles alors que sa venue se justifiait par des persécutions. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de transcription de l'entretien avec l'agent de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides qu'il a effectivement été demandé à l'intéressé, en début d'entretien, les raisons pour lesquelles il avait sollicité en 2014 et 2017 la délivrance d'un visa Schengen dès lors que cette information constituait nécessairement un élément permettant de reconstituer le parcours de M. C... B... et d'évaluer ainsi la crédibilité de sa demande d'asile. Par ailleurs, il ressort également de ce même procès-verbal que l'entretien a duré cinquante-neuf minute et que dès la quatorzième minute, la discussion portait essentiellement sur les persécutions dont se prévaut M. C... B.... Par conséquent, le moyen doit être écarté comme manquant en fait.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé sa décision portant refus d'entrée sur le territoire français.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1905977/8 du 30 mars 2019 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... B... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... C... B... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. A..., président assesseur,

- Mme Collet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 décembre 2019.

Le rapporteur,

I. A...Le président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 19PA01459


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01459
Date de la décision : 02/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-01-01


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SCP CLAISSE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-12-02;19pa01459 ?
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