Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... A... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 13 juillet 2016 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement ainsi que la décision implicite de rejet née du silence de la ministre chargée du travail sur son recours hiérarchique.
Par un jugement n° 1701324 du 25 mai 2018, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés respectivement le 18 juillet 2018, le 5 avril 2019 et le 7 novembre 2019, M. A... C..., représenté par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1701324 du 25 mai 2018 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 13 juillet 2016 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement ainsi que la décision implicite de rejet née du silence de la ministre chargée du travail sur son recours hiérarchique.
Il soutient que :
- la décision litigieuse de l'inspecteur du travail est fondée sur des pièces qui n'ont été portées ni à la connaissance du salarié intéressé ni du comité d'établissement avant son avis du 18 mai 2016 ;
- la décision litigieuse de l'inspecteur du travail est fondée sur des pièces qui n'ont été établies par l'employeur que pour les besoins de la cause ;
- l'employeur ne pouvait déposer le 20 mai 2016 une nouvelle demande d'autorisation de licenciement, fondée sur les mêmes faits que ceux pour lesquels une décision de refus d'autorisation de licenciement avait déjà été rendue le 29 avril 2016, alors même qu'un recours gracieux présenté le 3 mai 2016 et concernant cette dernière décision était en cours d'instruction ; l'inspecteur du travail ne pouvait rendre le 13 juillet 2016 la décision litigieuse d'autorisation de licenciement, qui, fondée sur les mêmes faits, est en tout point contraire à la décision de refus d'autorisation de licenciement qu'il avait édictée le 27 mai 2016 ; l'inspecteur du travail, dans sa décision du 13 juillet 2016, n'a pas retiré comme entachée d'illégalité sa précédente décision du 27 mai 2016 ;
- l'inspecteur du travail n'a procédé à aucune enquête sur place ;
- sa nouvelle affectation, qu'il a refusée, doit être regardée comme une mutation sanction ; en lui interdisant, par cette nouvelle affectation, de conduire un camion, l'employeur a modifié sans son accord sa rémunération contractuelle ;
- sa nouvelle affectation, qu'il a refusée, n'est pas justifiée ;
- son licenciement a été provoqué par l'agacement qu'il suscitait auprès de son employeur et s'est produit dans un contexte de discrimination à son encontre du fait de son activité syndicale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... C... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2019, la société USP Nettoyage, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... C... ne sont pas fondés.
Par une décision du 16 janvier 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris, a refusé d'admettre M. A... C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., avocat de la société USP Nettoyage.
La ministre du travail a produit le 28 novembre 2019 une note en délibéré.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que M. F... A... C... était, au moment des faits, ouvrier d'encadrement au 2ème échelon au sein de la société USP Nettoyage et occupait un emploi de conducteur chauffeur chef de groupe sur la ligne 3/3 bis du métro de Paris. Il détenait les mandats de délégué syndical d'établissement, de délégué syndical central, de membre du comité d'établissement et était représentant syndical au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Le 15 décembre 2015, il a été convoqué à une formation portant sur la " maîtrise d'un nettoyeur haute pression Baroclean " qui devait commencer le 21 décembre 2015. Le matin même de cette formation, il a contacté le siège de 1'entreprise pour l'informer de son absence, sans toutefois en justifier. Le 23 décembre 2015, il a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement, qui s'est déroulé le 4 janvier 2016. A la suite de cet entretien, la procédure n'a toutefois pas été poursuivie ; M. A... C... a reçu un courrier de son employeur daté du 5 février 2016, lui reprochant de ne pas s'être rendu à la formation, lui indiquant que son refus ne ferait pas l'objet d'une sanction, lui interdisant par voie de conséquence d'utiliser le véhicule Baroclean, et lui faisant part d'un changement de ses tâches (il a été affecté à un poste d'ouvrier d'encadrement " unité haute pression " en point fixe à la station Havre-Caumartin). Cependant, M. A... C... a refusé d'exécuter les nouvelles tâches qui lui avait été affectées au motif qu'il se serait agi d'une mutation disciplinaire déguisée. Le 11 mars 2016, la société USP Nettoyage l'a convoqué à un entretien préalable fixé au 21 mars 2016 et lui a notifié une mise à pied à titre conservatoire. Une première demande d'autorisation de licenciement, datée du 24 mars, a été adressée à l'inspecteur du travail le 25 mars 2016. Par une décision du 29 avril 2016, l'inspecteur du travail a refusé le licenciement de M. A... C... au motif du non-respect du délai entre la présentation de la lettre de convocation à 1'entretien préalable et la date de cet entretien. La société USP Nettoyage a, d'une part, formé un recours gracieux qui a été reçu le 3 mai 2016 par l'inspecteur du travail à l'encontre de sa décision du 29 avril 2016 et, d'autre part, a convoqué M. A... C... le 4 mai à un entretien préalable fixé au 17 mai 2016, puis a présenté le 23 mai 2016 à l'inspecteur du travail une seconde demande d'autorisation de licenciement datée du 20 mai. Par une décision du 27 mai 2016, l'inspecteur du travail a confirmé sur le fond sa décision du 29 avril 2016 au motif que les changements imposés au salarié devaient être analysés comme une rétrogradation caractérisant une modification de son contrat de travail, qu'il pouvait donc refuser ses nouvelles fonctions en l'espèce, que la faute du salarié était écartée pour les faits qui lui étaient reprochés qui n'étaient ainsi pas fautifs, et que, par suite, le licenciement n'était pas fondé. Enfin, par la décision litigieuse du 13 juillet 2016, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. A... C.... Par une lettre du 2 septembre 2016, reçue le 5 septembre 2016, M. A... C... a formé un recours hiérarchique contre cette dernière décision de l'inspecteur du travail, qui a été implicitement rejeté par la ministre du travail. Par le jugement du 25 mai 2018 dont M. A... C... relève appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 juillet 2016 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement, ensemble la décision implicite de rejet née du silence de la ministre chargée du travail sur son recours hiérarchique.
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
2. Aux termes de l'article R. 2421-4 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. (...) ".
3. Le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions mentionnées ci-dessus impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, d'informer le salarié concerné des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui en ont témoigné. Il implique, en outre, que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, sans que la circonstance que le salarié est susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation. Enfin, la communication de l'ensemble de ces pièces doit intervenir avant que l'inspecteur du travail ne statue sur la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur, dans des conditions et des délais permettant au salarié de présenter utilement sa défense. C'est seulement lorsque l'accès à certains de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs que l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur.
4. Il ressort des termes mêmes de la décision litigieuse du 13 juillet 2016 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. A... C..., qui précise dans ses motifs que " l'employeur a mis à pied le salarié à nouveau le 4 mai 2016 et a sollicité une nouvelle demande de licenciement, apportant des pièces supplémentaires ", que la société USP Nettoyage a présenté à l'inspecteur du travail, à l'appui de sa seconde demande d'autorisation de licenciement en date du 20 mai 2016, des pièces nouvelles qui n'avaient pas été produites lors de la première procédure ayant donné lieu aux décisions des 29 avril 2016 et 27 mai 2016 de l'inspecteur du travail refusant le licenciement de M. A... C.... Il ressort de la comparaison des motifs de la décision du 27 mai 2016 avec ceux de celle du 13 juillet 2016 que ces pièces supplémentaires qui, seules, ont été de nature à provoquer le revirement de la position de l'inspecteur du travail quant à l'autorisation du licenciement du salarié intéressé, sont notamment les fiches de répartition quotidienne des ouvriers entre les stations de métro, un tableau des caractéristiques des stations et un avenant au contrat de travail de M. A... C... daté du 1er juillet 2002. Le requérant a soulevé en première instance, dans son mémoire en réplique enregistré le 3 avril 2018, puis dans sa requête introductive d'appel, le moyen tiré de ce que ces pièces n'avaient pas été portées à sa connaissance, auquel au demeurant le jugement attaqué n'a pas répondu, sans que ce moyen ne soit écarté, en première instance comme en appel, par la ministre du travail à qui il incombe d'établir que le caractère contradictoire de l'enquête a été respecté. Par suite, les dispositions précitées de l'article R. 2421-4 du code du travail n'ayant pas été respectées, le jugement attaqué du tribunal administratif de Melun du 25 mai 2018 et la décision du 13 juillet 2016 de l'inspecteur du travail, ensemble la décision implicite de rejet de la ministre du travail saisie d'un recours hiérarchique, sont annulés.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1701324 du 25 mai 2018 du tribunal administratif de Melun et la décision du 13 juillet 2016 de l'inspecteur du travail, ensemble la décision implicite de rejet de la ministre du travail saisie d'un recours hiérarchique, sont annulés.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A... C..., à la société USP Nettoyage et à la ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président,
- M. D..., président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 décembre 2019.
Le rapporteur,
I. D...Le président,
J. LAPOUZADELe greffier,
Y. HERBERLa République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA02388