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21/11/2019 | FRANCE | N°18PA03824

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 21 novembre 2019, 18PA03824


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... A... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des exercices clos en 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1714492 du 9 octobre 2018, le Tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu partiel à concurrence de 16 246 euros en matière d'impôt sur le revenu au titre des années 2010 et 2011 et de 18 711 euros en matière de contributions sociales au titre de

s mêmes années, et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Procédur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... A... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des exercices clos en 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1714492 du 9 octobre 2018, le Tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu partiel à concurrence de 16 246 euros en matière d'impôt sur le revenu au titre des années 2010 et 2011 et de 18 711 euros en matière de contributions sociales au titre des mêmes années, et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 6 décembre 2018, M. et Mme A..., représentés par

Me B..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1714492 du 9 octobre 2018 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il leur est défavorable ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des exercices clos en 2010 et 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- en s'abstenant de les informer de la " piste d'audit " suivie par le vérificateur, et des éléments qui ont conduit le service à porter ses efforts sur le compte courant de M. A..., en particulier sur la lettre de dénonciation adressée par un tiers, et de leur communiquer le rapport de vérification de la société Copacabana, la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité sur le fondement de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, et de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 et du code des relations entre le public et l'administration ;

- une partie des crédits portés au compte courant d'associé ouvert au nom de M. A... correspond à des avances accordées par celui-ci dès lors qu'il a procédé au règlement des travaux d'aménagement et de transformation du local de boulangerie de la société Copacabana en un bar de nuit, grâce notamment à la solidarité des membres de la communauté kurde française ;

- les sommes inscrites au crédit de ce compte courant d'associé correspondent également à une créance de 117 208 euros détenue initialement par la société civile immobilière A..., dont

M. A... est le gérant et principal associé, sur la société Pyramide, et qui a été éteinte en contrepartie de la réalisation par cette société de travaux pour le compte de la société Copacabana pour ce même montant, cette créance ayant été cédée à M. A... ;

- les sommes en litige n'ont pas été désinvesties de la société Copacabana ;

- l'administration n'établit pas le caractère délibéré des manquements qui leur sont reprochés.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 juin 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant M. et Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Lors de la vérification de la société Copacabana, dont M. A... était le gérant et associé unique, le vérificateur a constaté que le compte courant d'associé de ce dernier ouvert dans les comptes de la société présentait un solde créditeur à la clôture des deux exercices vérifiés. Après avoir regardé les sommes litigieuses comme constituant des revenus distribués mis à la disposition de M. A... sur le fondement des dispositions des 1° et 2° de l'article 109 et celles du a) et du c) de l'article 111 du code général des impôts, ce dernier étant considéré comme seul maître de l'affaire, le service a notifié à M. et Mme A... au titre des années 2010 et 2011, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales suivant la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, ainsi que des majorations pour manquement délibéré. M. et Mme A... relèvent régulièrement appel du jugement du 9 octobre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu partiel à concurrence de 16 246 euros en matière d'impôt sur le revenu au titre des années 2010 et 2011 et de 18 711 euros en matière de contributions sociales au titre des mêmes années, et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les rectifications, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Cette obligation ne s'impose à l'administration que pour les seuls renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications.

3. D'une part, en vertu du principe d'indépendance des procédures, les moyens relatifs à la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'encontre d'une société soumise au régime d'imposition des sociétés de capitaux sont sans influence sur les impositions personnelles mises à la charge des bénéficiaires des revenus de capitaux mobiliers distribués par cette société. Les requérants ne peuvent ainsi, et en tout état de cause, utilement critiquer, sur le fondement de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, l'absence de mention dans la proposition de rectification adressée à la société Copacabana du courrier de dénonciation d'un tiers.

4. D'autre part, il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'administration ne s'est pas fondée, pour établir les impositions qui leur ont été notifiées, sur les éléments relevés dans la lettre de dénonciation qui aurait été adressée au service par un tiers. L'administration ne fait, par ailleurs, pas état dans la proposition de rectification ou dans la réponse aux observations des contribuables, d'un quelconque rapport d'audit au sujet duquel ils n'apportent aucune précision. Les requérants ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que le service a manqué à son obligation d'information en s'abstenant de leur communiquer l'origine et la teneur de renseignements obtenus auprès de tiers dont ils n'auraient ainsi pu débattre utilement.

5. Le moyen tiré de la méconnaissance de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 et du code des relations entre le public et l'administration est en tout état de cause inopérant, la procédure d'imposition étant régie par le livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :

6. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices ". Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes (...) ; c. Les rémunérations et avantages occultes / (...) ".

7. Les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Par ailleurs, il appartient aux contribuables d'établir le caractère exagéré des impositions établies d'après les bases indiquées dans la déclaration de revenus qu'ils ont souscrite au titre des années en litige.

8. Il résulte de l'instruction qu'à la clôture des exercices 2010 et 2011, le compte courant d'associé ouvert au nom de M. A... dans les livres de la société Copacabana présentait un solde créditeur de respectivement 114 833 euros et 243 149 euros, ce dernier montant ayant été ramené à la somme de 166 619 euros. La société Copacabana n'ayant pu justifier les sommes figurant au crédit de ce compte, ses résultats imposables des exercices en litige ont été augmentés à due concurrence de ces soldes, que le service a regardés comme des revenus distribués à M. A... et qu'il a imposés au nom des requérants, au titre des années 2010 et 2011, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

9. En premier lieu, M. et Mme A... soutiennent que les sommes inscrites au crédit du compte courant de M. A... en 2010 correspondaient pour partie à une créance de 117 208 euros détenue par la société civile immobilière (SCI) A..., dont il était le gérant et principal associé, sur la société Pyramide, et qui a été éteinte en contrepartie de la réalisation par cette société de travaux, pour ce montant, dans les locaux de la société Copacabana. Il est cependant constant que la cession de créance alléguée n'a fait l'objet d'aucune formalisation par écrit, et le courrier du

5 novembre 2010 de la société Pyramide, ainsi que les demandes d'acomptes établies par cette société pour des travaux réalisés à l'adresse de la société Copacabana ne sont pas de nature à établir l'existence d'une dette de cette société à l'égard de son gérant. L'administration était ainsi fondée à regarder les sommes en litige comme des revenus distribués aux contribuables et à les imposer dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

10. En deuxième lieu, pour contester cette rectification, les requérants font valoir qu'une partie de ces apports en compte courant d'associé serait la contrepartie du règlement effectué à hauteur de 76 125 euros par M. A..., pour la réalisation notamment des travaux d'aménagement et de transformation du local de boulangerie de la société Copacabana en un bar de nuit, et dont le paiement proviendrait de sommes versées à titre de solidarité par des membres de la communauté kurde française. S'estimant créancier de la société Copacabana, il aurait fait inscrire les sommes ainsi versées pour ce montant de 76 125 euros au crédit du compte courant ouvert à son nom dans les livres de la société Copacabana.

11. Cependant, les attestations versées au dossier se bornent à indiquer que les versements des sommes dont elles font état correspondaient au remboursement de prêts consentis par M. A... à leurs auteurs, et ne permettent pas d'établir un lien avec les versements effectués par M. A... au profit de la société Copacabana. Dans ces conditions, M. A... n'établit pas, ainsi qu'il lui incombe, que les sommes portées au crédit de son compte courant d'associé pour ce montant de 76 125 euros n'avaient pas le caractère d'un revenu imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

12. Les requérants soutiennent également que l'origine de ces paiements est justifiée par la procédure judiciaire au terme de laquelle M. A... a été condamné pour un montage de blanchiment dans le secteur du bâtiment et le milieu kurde. Ils invoquent l'autorité de la chose jugée au pénal pour soutenir que ces fonds constituent une dette de la société Copacabana envers M. A....

13. Il résulte des mentions du jugement correctionnel du Tribunal de grande instance de Paris du 17 février 2016 condamnant M. A... pour des faits de blanchiment aggravé et d'abus de biens sociaux, que les sommes portées au crédit du compte courant d'associé ouvert à son nom dans les livres de la société Copacabana proviennent de tierces personnes et correspondent à des financements occultes de personnes morales destinées à financer, à travers notamment la société Copacabana, le versement de salaires à des employés non déclarés par ces personnes morales, et à des dépenses de réfection de fonds de commerce appartenant à des sociétés dont M. A... était le gérant. Dès lors qu'en outre, ce dernier a sciemment tenu une comptabilité incomplète et irrégulière, l'administration était fondée à regarder les sommes en litige comme des revenus distribués à M. A... et à les imposer au nom des contribuables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

14. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne peuvent soutenir que les inscriptions figurant dans le compte courant d'associé de M. A... ont pour contrepartie des immobilisations que ce dernier aurait apportées à la société. M. A..., associé unique de la société Copacabana dont il était le gérant et le maître de l'affaire, étant titulaire de la signature sur les comptes bancaires de l'entreprise dont il signait les déclarations fiscales, pouvait disposer librement des fonds sociaux et, notamment, de la totalité des fonds versés en chèques par des sociétés de bâtiment qu'il encaissait sur le compte de la société Copacabana, pour en retirer les montants afin de verser des salaires à des ouvriers non déclarés des sociétés du bâtiment à l'origine de ces fonds, et de financer des travaux sur des fonds de commerce appartenant à d'autres sociétés qu'il gérait et destinés à être revendus, les plus-values étant versées à son profit.

Sur les pénalités :

15. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ".

16. Pour justifier l'application des pénalités pour manquement délibéré aux cotisations d'impôt sur le revenu en litige procédant de l'imposition des sommes réputées versées par la société Copacabana, l'administration s'est fondée sur la qualité d'associé et de gérant de M. A... qui lui permettait de disposer librement des fonds de la société au titre de deux exercices successifs et pour des montants importants. Elle s'est également fondée sur la circonstance que l'intéressé ne pouvait ignorer que les prélèvements qu'il avait effectués sur les fonds pour, ainsi qu'il l'a reconnu, verser des salaires à des ouvriers non déclarés des sociétés de bâtiment à l'origine de ces fonds, et financer des travaux sur des fonds de commerce appartenant à d'autres sociétés qu'il gérait également, constituaient des revenus imposables qui devaient être déclarés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. En se fondant sur ces éléments, l'administration doit être regardée comme établissant l'intention délibérée de M. et Mme A... de minorer l'impôt dû et, par suite, le bien-fondé des pénalités en litige.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des conclusions de leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... A... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris, pôle contrôle fiscal et affaires juridiques.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Poupineau, président assesseur,

- Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 novembre 2019.

Le rapporteur,

C. D...Le président,

S.-L. FORMERY

Le greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 18PA03824


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