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21/11/2019 | FRANCE | N°18PA03805

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 21 novembre 2019, 18PA03805


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Copacabana a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1706671 du 9 octobre 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 6 décembre 2018, la société Copacabana, représentée par Me B..., demande à la

Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1706671 du 9 octobre 2018 du Tribunal administratif de Paris ;
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Copacabana a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1706671 du 9 octobre 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 6 décembre 2018, la société Copacabana, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1706671 du 9 octobre 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en s'abstenant de l'informer notamment sur la " piste d'audit " suivie par le vérificateur, et sur les éléments qui l'ont conduit à porter ses efforts sur le compte courant de son gérant, en particulier sur la lettre de dénonciation adressée par un tiers et de lui transmettre, alors qu'elle en avait fait la demande, les documents sur lesquels le service s'est fondé pour établir les impositions mises à sa charge, dont le rapport de vérification, le service a entaché la procédure d'imposition d'irrégularité en méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, et de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 et du code des relations entre le public et l'administration ;

- une partie des crédits portés au compte courant d'associé ouvert dans ses livres au nom de son gérant constituent des avances accordées par celui-ci, dès lors qu'il a procédé au règlement des travaux d'aménagement et de transformation de son local de boulangerie en un bar de nuit, estimés à 300 000 euros grâce notamment à la solidarité des membres de la communauté kurde française ;

- les sommes inscrites au crédit de ce compte courant d'associé correspondent à une créance de 117 208 euros détenue par la société civile immobilière A..., dont son gérant est également le principal associé et gérant, sur la société Pyramide, et qui a été éteinte en contrepartie de la réalisation par cette société de travaux pour son compte et pour ce même montant ;

- le supplément de base d'imposition correspondant à un accroissement d'actif net, il ne peut constituer un désinvestissement ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas fondées.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 mai 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Copacabana ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la société Copacabana.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue de la vérification de comptabilité portant sur les exercices 2010 et 2011 dont la société Copacabana a fait l'objet, et après avoir écarté sa comptabilité comme dépourvue de valeur probante, le service a notifié à la société, dont M. A... était le gérant et l'unique associé, et qui devait exploiter un bar de nuit, des cotisations d'impôt sur les sociétés au titre des mêmes exercices, assorties des intérêts de retard et d'une pénalité de 40 % pour manquement délibéré. La société Copacabana relève régulièrement appel du jugement du 9 octobre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les rectifications, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Cette obligation ne s'impose à l'administration que pour les seuls renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications.

3. En admettant que le service ait engagé la vérification de la comptabilité de la société Copacabana suite à la réception d'une lettre de dénonciation adressée par un tiers, il résulte de l'instruction que, contrairement à ce qu'elle soutient, l'administration n'a, en tout état de cause, pas utilisé cette pièce pour conduire la procédure d'imposition et pour établir les impositions en litige. Dès lors, la circonstance que le vérificateur s'est abstenu d'indiquer à la contribuable la teneur et l'origine des informations contenues dans ce courrier n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure de rectification. L'administration ne fait, par ailleurs, pas état dans la proposition de rectification ou dans la réponse aux observations de la contribuable, d'un quelconque rapport d'audit au sujet duquel la société n'apporte aucune précision. La société Copacabana n'est, par suite, pas fondée à soutenir que le service a manqué à son obligation d'information en s'abstenant de lui communiquer l'origine et la teneur de renseignements obtenus auprès de tiers dont elle n'aurait ainsi pu débattre utilement.

4. La circonstance, à la supposer avérée, que le rapport de vérification ne lui a pas été transmis à la date de recouvrement des impositions en litige est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition. Le moyen tiré de la méconnaissance de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 et du code des relations entre le public et l'administration est en tout état de cause inopérant, la procédure d'imposition étant régie par le livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :

5. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. ".

6. Il résulte des mentions de la proposition de rectification du 5 décembre 2013 que le service a demandé à la société Copacabana de justifier différentes sommes portées, au cours des deux exercices vérifiés, au crédit du compte courant d'associé de M. A.... Celle-ci n'ayant pu justifier la nature de ces crédits, le service a réintégré les sommes correspondantes en tant que passifs injustifiés aux résultats de ses exercices clos en 2010 et 2011.

7. En premier lieu, la société requérante fait valoir que les sommes portées au crédit du compte courant de son gérant sont, à concurrence d'un montant de 76 125 euros, la contrepartie du règlement effectué par son gérant, des travaux d'aménagement et de transformation de son local de boulangerie en un bar de nuit, et qui aurait été permis grâce aux liens de solidarité amicale avec des membres de la communauté kurde française. Or les attestations versées au dossier ne sont pas de nature à établir la dette de la société à l'égard de son gérant, dès lors qu'elles se bornent à indiquer que le versement des sommes dont elles font état correspondait au remboursement de prêts consentis par M. A.... Et en se bornant à affirmer, sans en justifier, que son gérant encaissait les chèques correspondants à ces avances sur ses comptes personnels et sur les comptes des différentes sociétés civiles immobilières dont il était le gérant, en fonction de ses besoins de trésorerie et de l'avancement de ces travaux, la société requérante ne justifie pas davantage la dette de la société à l'égard de son gérant. Dans ces conditions, la société Copacabana n'établit pas, ainsi qu'il lui incombe, que les sommes portées au crédit du compte courant d'associé correspondent, pour ce montant de 76 125 euros, à une dette qu'elle détiendrait à l'égard de M. A....

8. La société Copacabana soutient également que l'origine de ces paiements est justifiée par la procédure judiciaire au terme de laquelle son gérant a été condamné pour un montage de blanchiment dans le secteur du bâtiment et le milieu kurde. Elle invoque l'autorité de la chose jugée au pénal et en déduit que le passif de la société serait justifié par cette condamnation qui en démontrerait l'origine.

9. Il résulte des mentions du jugement correctionnel du Tribunal de grande instance de Paris du 17 février 2016 ayant reconnu M. A... coupable, notamment, des faits de blanchiment aggravé, que celui-ci a encaissé, entre le 11 janvier 2011 et le 6 mars 2013, des chèques de sociétés du bâtiment correspondant à des salaires destinés à des ouvriers non déclarés pour un montant de 73 078,63 euros sur le compte de la société Copacabana, dont les montants étaient décaissés pour financer des travaux de fonds de commerce destinés à être revendus en réalisant d'importantes

plus-values. Le comptable de la société a ainsi déclaré avoir constaté que de nombreux chèques établis sans ordre de bénéficiaires, étaient enregistrés sur le compte bancaire de la société, avant d'être immédiatement débités, alors que la société Copacabana, dont le bar était en travaux, n'avait aucune activité. L'absence de justificatifs de ces remises de chèques et dépenses l'a donc conduit à inscrire les sommes correspondantes au crédit du compte courant d'associé de M. A.... Dans ces conditions, et dès lors que les travaux financés par ces détournements de fonds portaient sur des fonds de commerce appartenant à d'autres sociétés en vue de leur revente, la plus-value réalisée lors de ces reventes étant encaissée par son gérant, c'est à bon droit que le service a estimé que les sommes portées au crédit du compte courant d'associé ne correspondaient pas à une dette détenue à l'égard de M. Hiz pour ce montant.

10. En second lieu, la société requérante soutient que les sommes inscrites au crédit du compte courant de M. A... correspondaient pour partie à une créance de 117 208 euros détenue par la société civile immobilière (SCI) A..., dont ce dernier est le gérant et principal associé, sur la société Pyramide, et qui a été éteinte en contrepartie de la réalisation par cette société de travaux, pour ce montant, dans les locaux de la société Copacabana. L'inscription de sommes à hauteur de 117 208 euros au crédit du compte courant d'associé constaterait donc l'extinction de cette créance, celle-ci lui ayant été cédée.

11. La seule production d'un courrier du 5 novembre 2010 de la société Pyramide, et de demandes d'acomptes établies par cette société pour des travaux réalisés à l'adresse de la société Copacabana n'est, toutefois, pas de nature à établir l'existence d'une dette de la société à l'égard de son gérant préalablement à la cession de créance invoquée, laquelle cession n'est formalisée par aucun écrit, et n'a fait l'objet d'aucune des formalités prévues à l'article 1690 du code civil. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le service a procédé à la réintégration en litige.

12. La circonstance que les réintégrations opérées par le service dans les résultats de la société requérante correspondant à des passifs injustifiés aient été considérées comme constitutives de distribution consenties au profit de tiers est sans incidence sur le bien-fondé des redressements en litige, ni, par conséquent, sur le bien-fondé des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles la société requérante a été assujettie.

Sur les pénalités :

13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

14. En invoquant la circonstance que la société Copacabana ne pouvait ignorer que les manquements constatés sur le compte courant d'associé de M. A... constituaient des passifs injustifiés présentant une image faussée du bilan, et en relevant la confusion de patrimoine entre la société et les différentes structures et activités de M. A..., ainsi que les carences relatives à la tenue de la comptabilité, l'administration apporte la preuve qui lui incombe de l'existence des manquements délibérés, et justifie ainsi l'application des pénalités correspondantes au taux de 40 % prévues par les dispositions précitées du a) de l'article 1729 du code général des impôts.

15. Il résulte de ce qui précède que la société Copacabana n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Copacabana est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Copacabana et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris, pôle contrôle fiscal et affaires juridiques.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Poupineau, président assesseur,

- Mme C..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 21 novembre 2019.

Le rapporteur,

C. C...Le président,

S.-L. FORMERY

Le greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA03805


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03805
Date de la décision : 21/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01-01-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués. Notion de revenus distribués. Imposition de la personne morale distributrice.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Christine LESCAUT
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : MAGNAN

Origine de la décision
Date de l'import : 07/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-11-21;18pa03805 ?
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