Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Bridge Club Monceau et Mme E... F... ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 14 août 2017 par laquelle la maire de Paris leur a refusé l'autorisation de changement d'usage d'un local sis au rez-de-chaussée de l'immeuble du 14 rue Portalis à Paris 8ème arrondissement.
Par un jugement n° 1716187/6-1 du 27 juillet 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 1er octobre 2018 et un mémoire en réplique enregistré le 20 octobre 2019, l'association Bridge Club Monceau et Mme F..., représentées par Me C..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1716187/6-1 du 27 juillet 2018 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 14 août 2017 par laquelle le maire de Paris a refusé l'autorisation de changement d'usage du local sis au rez-de-chaussée de l'immeuble du 14 rue Portalis à Paris 8ème arrondissement ;
3°) de mettre à la charge de la Ville de Paris une somme de 5 000 euros à leur verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- le jugement est irrégulier car il a insuffisamment répondu au moyen tiré de l'irrégularité du contrôle du 22 mars 2017, il s'est prononcé sur le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée alors qu'elles y avaient renoncé au stade de la réplique, enfin il ne vise pas le mémoire en réplique produit avant la clôture de l'instruction ;
- la décision refusant le changement d'usage du local a été prise a été prise au terme d'une procédure irrégulière en raison de l'irrégularité de la visite de contrôle du 22 mars 2017 ;
- elle est entachée d'erreur de droit, la demande n'ayant pas été examinée au regard de l'article 4 du règlement municipal qui était le fondement de sa demande ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article 4 (2°) du règlement municipal, dès lors que l'association a une mission d'intérêt général ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation au regard du 3° de l'article 4 du règlement municipal, qui autorise l'occupation d'un local de moins de 50 m² en rez-de-chaussée par une association ;
- elle est entachée d'erreur de fait quant à la superficie utilisée par ses activités qui ne dépasse pas 50 m².
Par un mémoire en défense enregistré le 17 septembre 2019, la Ville de Paris, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'association Bridge Club Monceau et de Mme F... à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- les délibérations 2014 DLH 1120 des 17, 18 et 19 novembre 2014 et 2015 DLH 165 du 23 novembre 2015 portant adoption et modification du règlement municipal fixant les conditions de délivrance des autorisations de changement d'usage de locaux d'habitation et déterminant les compensations ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la Ville de Paris.
Considérant ce qui suit :
1. L'association Bridge Club Monceau, qui a pour objet social le développement et la pratique du bridge, est locataire depuis le 1er août 2014, conjointement avec Mme F..., étudiante, membre de l'association, d'un appartement meublé de cinq pièces principales et d'une superficie de 148 mètres carrés, à usage de logement, sis en rez-de-chaussée au 14 rue Portalis dans le 8ème arrondissement de Paris. Par courriers du 6 avril 2017 faisant suite à une visite sur place du 22 mars 2017 d'un agent assermenté, la Ville de Paris a indiqué aux locataires et aux propriétaires que l'occupation du logement à un autre usage que l'habitation méconnaissait les articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l'habitation et du règlement municipal et les a invités à régulariser cette situation en déposant une demande de changement d'usage avec compensation. Le 16 juin 2017, l'association Bridge club Monceau et Mme F... ont déposé conjointement une demande de changement d'usage personnel sans compensation, en indiquant qu'il s'agira d'un usage mixte, trois pièces et une surface de 98 m² étant réservées à l'habitation, 50 m² étant partagés avec les membres de l'association, et deux pièces soit 50 m² étant réservés à l'activité de l'association. Par une décision du 14 août 2017, la Ville de Paris a refusé l'autorisation de changement d'usage sollicitée. L'association Bridge Club Monceau et Mme F... font appel du jugement du 27 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande d'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, les premiers juges ont suffisamment répondu, au point 5 du jugement contesté, au moyen tiré de l'irrégularité du contrôle du 22 mars 2017. La circonstance qu'ils auraient écarté ce moyen à tort relève du bien-fondé et non de la régularité du jugement.
3. En deuxième lieu, les requérantes avaient abandonné, dans leur mémoire en réplique déposé le 15 juin 2018 au tribunal administratif de Paris, le moyen qu'elles avaient précédemment soulevé, tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée. La circonstance que le tribunal a néanmoins, au point 4 de son jugement, expressément écarté ce moyen, qui est d'ailleurs d'ordre public, ne leur fait pas grief et n'est pas de nature à entraîner l'irrégularité de ce jugement.
4. En troisième et dernier lieu, le jugement attaqué vise bien, contrairement à ce qui est soutenu, le " mémoire complémentaire enregistré le 15 juin 2018 " déposé par l'association Bridge Club Monceau et Mme E... F... et analyse les conclusions et moyens de ce mémoire, qui n'étaient pas différents de ceux de la requête introductive d'instance. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement aurait méconnu les obligations résultant des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative manque en fait et doit être écarté.
Sur le bien-fondé :
5. L'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation dispose : " La présente section est applicable aux communes de plus de 200 000 habitants (...). Dans ces communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est, dans les conditions fixées par l'article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable (...) ". L'article L. 631-7-1 du même code dispose : " L'autorisation préalable au changement d'usage est délivrée par le maire de la commune dans laquelle est situé l'immeuble, après avis, à Paris (...), du maire d'arrondissement concerné. Elle peut être subordonnée à une compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage (...) / Pour l'application de l'article L. 631-7, une délibération du conseil municipal fixe les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations et déterminées les compensations par quartier et, le cas échéant, par arrondissement, au regard des objectifs de mixité sociale, en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d'habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements ". L'article L. 631-7-2 de ce code dispose : " Dès lors qu'aucune stipulation contractuelle prévue dans le bail ou le règlement de copropriété ne s'y oppose, le maire peut autoriser, dans une partie d'un local d'habitation utilisé par le demandeur comme sa résidence principale, l'exercice d'une activité professionnelle, y compris commerciale, pourvu qu'elle n'engendre ni nuisance, ni danger pour le voisinage et qu'elle ne conduise à aucun désordre pour le bâti (...) ".
6. En premier lieu, si l'occupation partielle à des fins autres que le logement de l'appartement du 14 rue Portalis a été constatée à la suite d'une visite de ce local par un agent de la ville le 22 mars 2017, la décision litigieuse n'est pas prise en conséquence des constatations alors effectuées mais sur la demande déposée par les requérantes le 16 juin 2017. Le moyen tiré de l'irrégularité du contrôle du 22 mars 2017 est dès lors inopérant à l'encontre de l'arrêté du 14 août 2017, qui ne constitue pas une sanction et intervient en réponse à une demande de changement d'usage qui ne suppose ni ne nécessite de contrôle préalable des conditions d'occupation du logement.
7. En deuxième lieu, le règlement municipal fixant les conditions de délivrance des autorisations de changement d'usage de locaux d'habitation et déterminant les compensations, adopté par délibérations du Conseil de Paris 2014 DLH 1120 des 17, 18 et 19 novembre 2014 et 2015 DLH 165 du 23 novembre 2015, prévoit dans ses articles 2 et 3 le régime des autorisations de changement d'usage avec compensation et, dans ses articles 4, 4 bis, 5 et 6, le régime des autorisations de changement d'usage et d'usage mixte à titre personnel. Ainsi, l'article 4 du règlement municipal dispose : " L'autorisation visant au changement d'usage de locaux d'habitation peut être accordée à titre personnel sans compensation lorsqu'elle est demandée : (...) / 2°) par une personne physique ou morale en vue d'exercer dans le local une mission d'intérêt général ; / 3°) par une personne physique ou morale en rez-de-chaussée : / (...) - en vue d'y accueillir une association ou une fondation. / Par exception, l'autorisation visant au changement d'usage de locaux d'habitation accordée à titre personnel sans compensation en rez-de-chaussée est limitée à 50 m² par local dans le 8ème arrondissement (...) ". Aux termes de l'article 5 du même règlement : " L'autorisation prévue à l'article L. 631-7-2 du code de la construction et de l'habitation qui vise à l'exercice, dans une partie du local d'habitation utilisé par le demandeur comme sa résidence principale, d'une activité professionnelle, y compris commerciale, pourvu qu'elle n'engendre ni nuisance, ni danger pour le voisinage et qu'elle ne conduise à aucun désordre pour le bâti, peut être accordée si la surface réservée à un usage autre que l'habitation est inférieure à 50% de la surface totale du local. Cette surface n'est pas soumise à compensation ". L'article 6 du même règlement permet en outre d'exercer une activité professionnelle, même commerciale, dans une partie d'un local d'habitation, dès lors qu'elle n'est exercée que par le ou les occupants y ayant leur résidence principale et ne conduit à recevoir ni marchandise ni clientèle, sauf en rez-de-chaussée.
8. D'une part, les requérantes ont rempli conjointement, le 14 juin 2017, le formulaire de demande fourni par la Ville de Paris pour les " demandes de changement d'usage à titre personnel ou d'usage mixte ", qui ne précise pas sur lequel des articles 4, 4 bis ou 5 du règlement municipal est fondée la demande d'autorisation. Par un premier courrier recommandé du 21 juillet 2017, le maire de Paris leur a toutefois indiqué que leur demande conjointe les plaçait nécessairement sous le régime de l'article 5 du règlement municipal, qui seul prévoit une autorisation pour usage mixte du local, mais qu'elles n'en remplissaient pas les conditions. Il a ajouté que l'association ne remplissait pas non plus les conditions pour obtenir, seule, une autorisation personnelle sur le fondement de l'article 4 du règlement municipal, comme elle en avait évoqué la possibilité par un courrier antérieur du 24 mai 2017, puisque l'usage du local était mixte. Le refus d'autorisation contesté du 14 août 2017 n'examine la demande qu'au regard des articles 5 et 6 du règlement municipal, dont il est constant qu'ils sont les seuls à concerner un usage mixte du local. Dans ces conditions, et alors qu'il ressort des pièces du dossier que la seule demande régulièrement déposée concernait un usage mixte du local, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la décision litigieuse est insuffisamment motivée pour avoir omis d'examiner leur demande au regard de l'article 4 du règlement municipal.
9. D'autre part, le maire de Paris a refusé l'autorisation demandée sur le fondement de l'article 5 du règlement municipal au motif que la surface destinée à l'activité de l'association est supérieure à la moitié de la surface totale du local objet de la demande. Il est constant que la demande, qui n'était pas accompagnée de plans, ne prévoyait que l'affectation de deux pièces et 50 m² à l'usage exclusif de l'association, sur les 148 m² de l'appartement. Toutefois, elle prévoyait aussi un usage " partagé " de 50 m² supplémentaires, si bien que le maire de Paris a pu estimer sans erreur de fait que la surface totale occupée par l'association dépassait la moitié de la superficie de l'appartement, et ce sans même se référer au rapport de contrôle cité au point 6 qui avait constaté qu'en mars 2017, l'association occupait en réalité, outre l'entrée et des sanitaires partagés, quatre des cinq pièces principales de l'appartement. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait ne peut qu'être écarté.
10. Enfin, comme il a été dit ci-dessus, dès lors que l'association n'a pas formulé une demande d'usage personnel exclusif d'une partie divisible de l'appartement mais une demande d'usage concurrent avec une personne physique colocataire qui n'exerce pas de mission d'intérêt général, elle ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir des dispositions du 2° de l'article 4 qui permettent d'autoriser le changement d'usage d'un local " en vue d'exercer dans le local une mission d'intérêt général ". A supposer qu'elle puisse invoquer le bénéfice du 3° du même article, la surface affectée à ses activités dépasse, comme il vient d'être dit, la limite de 50 m² par local qui s'impose dans le 8ème arrondissement. Le moyen tiré de ce que le maire de Paris aurait méconnu les dispositions de l'article 4 du règlement municipal en refusant l'autorisation sollicitée ne peut également qu'être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Bridge Club Monceau et Mme F... ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a, par le jugement attaqué, rejeté leur demande. Leur requête d'appel ne peut qu'être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles formées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la ville de Paris n'étant pas partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre solidairement à leur charge une somme de 1 500 euros à verser à la Ville de Paris sur le fondement des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'association Bridge Club Monceau et de Mme F... est rejetée.
Article 2 : L'association Bridge Club Monceau et Mme F... verseront solidairement à la Ville de Paris une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Bridge Club Monceau, à Mme E... F... et à la Ville de Paris.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme G..., présidente de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. D..., premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 21 novembre 2019.
Le rapporteur,
A. D...La présidente,
S. G...La greffière,
M. A...
La République mande et ordonne au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA03205