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21/11/2019 | FRANCE | N°18PA02957

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 21 novembre 2019, 18PA02957


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 21 juin 2018 par laquelle le préfet de police a décidé sa remise aux autorités suédoises, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1810792 du 3 août 2018, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 3 septembre 2018, M. A..., représenté par Me C..., demande

à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1810792 du 3 août 2018 du magistrat désigné par le prési...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 21 juin 2018 par laquelle le préfet de police a décidé sa remise aux autorités suédoises, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1810792 du 3 août 2018, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 3 septembre 2018, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1810792 du 3 août 2018 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police, en date du 21 juin 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa demande d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à Me C..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- le jugement attaqué ne s'est pas prononcé sur son impossibilité à demander l'asile en Suède, l'article 18 1 b) du règlement de Dublin III étant inapplicable à sa situation ;

- la décision attaquée n'est pas suffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ; les dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ont été méconnues ;

- l'article 18 1 b) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne lui est pas applicable dès lors qu'aucune demande d'asile n'est en cours en Suède, ayant été rejetée par les autorités suédoises et après épuisement des voies de recours ;

- son droit à l'information a été méconnu au sens de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dès lors qu'il n'a pas reçu l'ensemble des documents lui permettant d'avoir une parfaite connaissance de ses droits dans le cadre de la procédure d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- elle a été prise en violation de l'article 3 et du 2 de l'article 18 de ce même règlement ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conditions d'accueil en Suède.

Par un mémoire enregistré le 10 septembre 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés alors qu'en outre, ce dernier, qui avait refusé l'aide au transfert volontaire proposé par l'Office français de l'immigration et d'intégration (OFII) et qui avait été convoqué auprès des services du

8ème bureau de la direction de la police générale de la préfecture de police le 31 juillet 2018 aux fins d'exécution du transfert dont il était l'objet, ne s'est pas présenté à son rendez-vous ; ce comportement est de nature à établir la volonté intentionnelle et systématique de M. A... de ne pas déférer à la décision de transfert en litige, caractérisant une situation de fuite, au sens des dispositions de l'article 29 2. du règlement (UE) n° 604/2013, et le délai dans lequel le transfert de l'intéressé pouvait être effectué a été porté de six mois à dix-huit mois.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 14 novembre 2018.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code des relations entre le public et l'administration,

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant afghan, né le 1er janvier 1993 selon ses déclarations, a présenté une demande d'asile le 4 mai 2018 à la préfecture de police. La consultation du fichier " Eurodac " ayant permis d'établir que ses empreintes digitales avaient été relevées par les autorités suédoises, une demande de prise en charge a été adressée à la Suède le 6 juin 2018, qui l'a acceptée le 18 juin suivant en application du d) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Le préfet de police a, le 21 juin 2018, pris à l'égard de M. A... un arrêté de transfert vers la Suède. M. A... relève appel du jugement du 3 août 2018, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutient le requérant, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris s'est prononcé au point 4 de son jugement sur le moyen tiré de l'erreur de droit de la décision du préfet de police qui aurait à tort fait application du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". L'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) ".

4. L'arrêté attaqué vise les stipulations applicables de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les règlements (UE) n° 603/2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales et n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers. Il mentionne également que la comparaison des empreintes digitales du requérant au moyen du système Eurodac a permis d'établir qu'il a sollicité l'asile auprès des autorités suédoises le 21 novembre 2015, que celles-ci ont été saisies d'une demande de reprise en charge à la suite de laquelle elles ont fait connaître leur accord le 18 juin 2018, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, et enfin qu'il n'établit pas l'existence d'un risque personnel d'atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités responsables de sa demande d'asile. L'arrêté précise, en outre, que la situation de l'intéressé ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 et 17 du règlement n° 604/2013. Il comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est donc suffisamment motivé. Par ailleurs, il ne ressort pas des termes de cette décision que le préfet de police ne se serait pas livré à un examen complet de la situation personnelle de M. A.... Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen complet de la situation personnelle du requérant doivent être écartés.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 18 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre; (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre (...) ".

6. La reprise en charge de M. A... par les autorités suédoises ayant été acceptée sur le fondement du d) du 1 de cet article 18, le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait pas procéder à cette mesure sur le fondement du b) du 1 de cet article est inopérant.

7. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre, le 4 mai 2018, lors de sa présentation au guichet unique des demandeurs d'asile, l'ensemble des informations nécessaires au suivi de sa demande d'asile et à l'engagement de la procédure de transfert, et tout particulièrement le guide du demandeur d'asile, la brochure d'information sur le règlement " Dublin III " contenant une information générale sur la demande d'asile et le relevé d'empreintes (brochure A), la brochure d'information pour les demandeurs d'asile dans le cadre de la procédure " Dublin III " (brochure B), ainsi que la brochure " Eurodac ", rédigés en langue farsi. Si M. A... soutient qu'il ne comprend pas cette langue, il ressort des pièces du dossier que lors de l'entretien individuel, il a déclaré comprendre l'ensemble des termes de cet entretien sans formuler de réserve concernant la langue farsi dont il fait état devant la Cour, et qu'il a accusé réception le jour-même, de la remise de l'ensemble de ces documents. Dès lors, le moyen tiré de ce que M. A... n'aurait pas reçu les éléments d'information requis par les dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur (...). 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a bénéficié d'un entretien individuel le 4 mai 2018, dans le cadre de l'instruction de la procédure de transfert, qui a été effectué avec l'assistance d'un interprète en langue dari à l'occasion duquel il a pu présenter des observations orales sur la procédure de transfert, et a eu la possibilité, lors de cet entretien, de faire part de toute information pertinente relative à la détermination de l'État responsable. Il a, ainsi, indiqué être entré irrégulièrement en France après avoir quitté l'Afghanistan le 1er janvier 2015 et avoir transité successivement par le Pakistan, l'Iran, la Turquie, la Grèce, la Serbie, la Hongrie et l'Allemagne, en affirmant n'avoir jamais demandé l'asile dans un pays de l'Union européenne. Le compte-rendu de l'entretien ne mentionne aucun problème de compréhension et indique qu'il n'a plus rien à déclarer. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement UE n° 604/2003 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit être écarté.

10. En cinquième lieu, l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 dispose : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". L'article 3 de ce règlement dispose : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. " Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

11. La Suède, État membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut de réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Or, M. A... ne produit aucun élément de nature à établir qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Suède dans la procédure d'asile ou que les juridictions suédoises n'auraient pas traité sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles afférentes aux frais de justice ne peuvent qu'être écartées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Poupineau, président assesseur,

- Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 novembre 2019.

Le rapporteur,

C. B...Le président,

S.-L. FORMERY

Le greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA02957


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02957
Date de la décision : 21/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Christine LESCAUT
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : SARHANE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-11-21;18pa02957 ?
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