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21/11/2019 | FRANCE | N°18PA01093

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 21 novembre 2019, 18PA01093


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2003 à 2008, ainsi que des pénalités correspondantes et, d'autre part, des amendes qui leur ont été infligées au titre des années 2008 à 2010 sur le fondement de l'article 1736 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1604543 du 24 janvier 2018, le T

ribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des amendes infligées à M. et Mme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2003 à 2008, ainsi que des pénalités correspondantes et, d'autre part, des amendes qui leur ont été infligées au titre des années 2008 à 2010 sur le fondement de l'article 1736 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1604543 du 24 janvier 2018, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des amendes infligées à M. et Mme A... sur le fondement des dispositions de l'article 1736 du code général des impôts, mis à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 mars 2018, et des mémoires enregistrés les 6 février et 9 septembre 2019, M. et Mme A..., représentés par Me C..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 24 janvier 2018, en tant qu'il leur est défavorable ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2003 à 2008, ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé ; les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que les informations sur lesquelles le service s'était fondé pour asseoir les impositions mises à leur cha rge n'ont pas été révélées au cours d'une instance au sens de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales ;

- le service ne pouvait pas légalement mettre en oeuvre la procédure de taxation d'office prévue par l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, dès lors que les demandes de justifications adressées les 22 novembre 2012 et 29 mars 2013 sur le fondement de l'article L. 16 du même livre étaient très générales et imprécises, et conduisaient à leur imposer d'apporter la preuve impossible qu'ils n'étaient pas titulaires de comptes bancaires détenus en Suisse, transférant ainsi la charge de la preuve incombant normalement à l'administration ; les demandes ont été faites pour les années 2003 à 2008 alors que le décryptage utilisé est uniquement relatif aux années 2005 et 2006 et qu'il n'existe ainsi aucun élément prouvant qu'ils détenaient des avoirs à l'étranger pour les années 2003, 2004, 2007 et 2008 ;

- contrairement à ce qu'a estimé le service, la réponse à ses demandes était suffisamment précise, M. A... ne s'étant pas borné à nier la détention d'avoirs en Suisse mais ayant renvoyé l'administration devant ses propres constatations, lesquelles désignaient les sociétés Agar Investments Ltd et Salomon Trading LLC comme les détenteurs des avoirs à l'étranger ; l'administration ne peut se fonder sur les condamnations pénales prononcées à l'encontre de M. A..., qui sont postérieures à la proposition de rectification en date du 5 septembre 2013 ;

- les demandes de justifications du 22 novembre 2012, qui avaient pour objet la communication des comptes bancaires que M. et Mme A... étaient soupçonnés détenir dans les livres de la banque HSBC Private Bank Suisse, les conduisaient à reconnaître cette détention et, de fait, à s'incriminer en méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'a pas été saisie pour avis, en méconnaissance des dispositions des articles L. 59 et L. 59 A du livre des procédures fiscales, alors que cette consultation leur avait été proposée par un courrier du 28 avril 2014 ; la vérification a été artificiellement scindée en deux périodes, 2003 à 2008, d'une part, et 2009 à 2010, d'autre part, alors que les procédures suivies étaient identiques, de sorte que les impositions en litige doivent être regardées comme procédant bien d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle ;

- les fichiers informatiques utilisés par le service pour établir les impositions contestées n'ont pas été obtenus dans le cadre du droit de communication, mais ont été remis illicitement par un ancien employé de la banque HSBC Private Banque, qui a été condamné à 5 ans d'emprisonnement par le Tribunal Pénal fédéral suisse le 28 novembre 2015 pour avoir dérobé ces documents ; elles ont été ainsi établies sur la base de pièces obtenues au moyen d'un vol, suivi d'un blanchiment de la procédure d'obtention des fichiers, alors que ceux-ci avaient déjà été exploités par l'administration qui avait tenté de les décrypter sans attendre de les obtenir de manière régulière grâce à l'exercice du droit de communication ; en application de l'article L. 10-0 AA du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale ne peut utiliser des éléments de preuve d'origine illicite qu'à la condition que ceux-ci aient été régulièrement portés à sa connaissance dans le cadre notamment de 1'assistance administrative internationale ou du droit de communication ;

- le délai de reprise de l'administration pour les années 2003 à 2005 était prescrit lorsque la proposition de rectification leur a été envoyée ;

- les avoirs en litige sont détenus par deux sociétés étrangères ; M. A... n'est pas le titulaire des comptes ouverts sous les profils " Agar Investments Ltd " et " Salomon Trading LLC ", qui sont des personnes morales autonomes, établies respectivement aux Îles Vierges Britanniques et aux Etats-Unis d'Amérique ; ainsi, M. A... ne pouvait pas être imposé personnellement au titre de ces avoirs, faute pour l'administration d'avoir écarté l'interposition de ces deux sociétés, soit en invoquant l'abus de droit par fictivité, soit en mettant en oeuvre les dispositions de l'article 123 bis du code général des impôts ; les liens l'unissant à ces sociétés ne sont pas établis ; il ne disposait pas de ces fonds ni n'en percevait des revenus ;

- les éléments retenus pour établir le montant des avoirs étrangers et, par suite, les bases d'imposition résultent du décryptage de fichiers informatiques et de l'agrégation de données qui n'ont pas été faits de manière contradictoire et dont le résultat ne leur a pas été communiqué ; ces éléments ont été retranscrits dans " une synthèse individuelle "; ils sollicitent une expertise indépendante sur le décryptage de ces données ;

- la disproportion constatée entre leur patrimoine et leurs revenus déclarés résulte d'une évaluation approximative, effectuée pendant une garde à vue, de la valeur des oeuvres d'art qu'ils possédaient à cette date ; ils ont fait l'objet d'un examen approfondi de leur situation fiscale au titre des années 2003 à 2010, qui n'a pas révélé d'enrichissement occulte ;

- ils sont fondés à se prévaloir des énonciations des développements du paragraphe n° 20 du BOI-CTX-DG-20-30-40 ;

- les taux de rendement appliqués par le service sont supérieurs à ceux appliqués en Suisse pour des sommes placées sur des comptes bancaires ;

- l'application des pénalités pour manoeuvres frauduleuses n'est pas justifiée, 1'absence de déclaration de comptes bancaires à l'étranger n'étant constitutive non pas d'une manoeuvre mais, tout au plus, d'une omission.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 décembre 2018, 7 août et 8 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,

- et les observations de Me C... pour M. et Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une demande d'entraide judiciaire présentée par les autorités suisses, le procureur de la République de Nice a fait procéder, le 20 janvier 2009, à une perquisition au domicile de M. F., ancien informaticien de la filiale suisse de l'établissement britannique HSBC Private Bank, soupçonné d'avoir dérobé des données de la " base client " de cet établissement. L'autorité judiciaire, sur le fondement de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, a communiqué les données saisies à l'administration fiscale, qui, après avoir analysé les fichiers recueillis et retranscrit les éléments d'informations qu'il contenait dans des synthèses individuelles, a estimé qu'existait une présomption que M. A... soit directement et indirectement détenteur de comptes ouverts en Suisse dans les livres de la banque HSBC de Genève, via deux sociétés installées aux Îles Vierges britanniques et aux Etats-Unis d'Amérique. L'administration a porté plainte le 28 octobre 2010 contre M. et Mme A... auprès du procureur de la République du Tribunal de grande instance de Paris sur le fondement des 1° et 2° de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales pour s'être frauduleusement soustraits à l'établissement et au paiement d'une partie des impôts dus au titre des années 2006 à 2009. Elle a exercé de nouveau son droit de communication, auprès des autorités judiciaires, sur le fondement des articles L. 81, L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales, les 11 juillet 2012, 1er janvier, 4 avril, 5 et 17 juin 2013, afin de consulter et de prendre copie des pièces de la procédure judiciaire.

2. Dans le cadre d'un contrôle sur pièces du dossier fiscal de M. et Mme A..., l'administration a adressé aux intéressés une demande de justifications sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, suivie d'une mise en demeure. Ayant considéré que la réponse apportée à ces demandes était insuffisante, le service a mis en oeuvre la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 69 du même livre et déterminé le montant des revenus des avoirs détenus en Suisse par M. A..., selon les modalités fixées par l'article 151 du code général des impôts. M. et Mme A... ont, en conséquence, été assujettis à des cotisations primitives ou supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2003 à 2008, assorties des intérêts de retard et de majorations pour manoeuvres frauduleuses en application des dispositions du c) de l'article 1729 du code général des impôts. Le service leur a également infligé des amendes pour détention à l'étranger de comptes non déclarés, sur le fondement du IV de l'article 1736 du même code. Par un jugement du 24 janvier 2018, le Tribunal administratif de Paris, faisant partiellement droit à la demande de M. et Mme A..., a prononcé la décharge des amendes, mis à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de leur demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités. M. et Mme A... font appel de ce jugement en tant qu'il leur est défavorable.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 9 du livre des procédures fiscales : " Les jugements doivent être motivés ".

4. Il ressort des mentions du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de se prononcer sur tous les arguments présentés par les parties, ont répondu de façon suffisamment précise aux différents moyens soulevés devant eux par M. et Mme A.... En particulier, en relevant que les omissions ou insuffisances d'imposition reprochées aux contribuables avaient été révélées par l'analyse de fichiers informatiques saisis dans le cadre d'une commission rogatoire internationale diligentée le 9 janvier 2009 à l'initiative des autorités judiciaires helvétiques et qu'il ne résultait pas de l'instruction que les services fiscaux français auraient eu connaissance antérieurement, dans un cadre extrajudiciaire, des informations relatives aux comptes ouverts en Suisse par M. A..., le tribunal a nécessairement considéré que les éléments ayant permis de constater ces insuffisances et omissions avaient été révélées au cours d'une instance, au sens de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales. Les premiers juges ont ainsi suffisamment répondu à ce moyen.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16. ". Aux termes de l'article L. 16 de ce livre : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut, en outre, lui demander des justifications au sujet de sa situation et de ses charges de famille, des charges retranchées du revenu net global ou ouvrant droit à une réduction d'impôt sur le revenu en application des articles 156 et 199 septies du code général des impôts, ainsi que des avoirs ou revenus d'avoirs à l'étranger ".

6. Il résulte de l'instruction qu'après avoir obtenu de l'autorité judiciaire, par l'exercice de son droit de communication, des éléments de nature à établir que M. A... était titulaire de plusieurs comptes à la banque HSBC Private Bank Suisse, l'administration a adressé aux époux A..., le 22 novembre 2012, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, une demande de justifications portant sur ces comptes et les revenus qu'ils étaient susceptibles de leur avoir procurés au cours des années 2003 à 2008. Considérant que les contribuables n'avaient pas répondu de manière satisfaisante à cette demande, ni à une mise en demeure postérieure, elle a mis en oeuvre la procédure de taxation d'office prévue par les dispositions précitées de l'article L. 69 du même livre.

7. D'une part, en application des dispositions de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, le service peut adresser une demande de justifications au contribuable s'il a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés.

8. Il résulte de l'instruction que le service a, les 11 juillet 2012, 1er janvier, 4 avril,

5 et 17 juin 2013, exercé son droit de communication auprès des autorités judiciaires, sur le fondement des articles L. 81, L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales, afin de consulter et de prendre copie des pièces de la procédure pénale diligentée à l'encontre de M. et Mme A... à la suite de la plainte de l'administration fiscale pour soustraction à l'établissement et au paiement d'une partie des impôts dus au titre des années 2006 à 2009. L'exploitation des éléments contenus dans l'ensemble des documents ainsi recueillis par le service, qui ne s'est pas uniquement fondé, contrairement à ce que soutiennent les requérants, sur la synthèse individuelle issue de l'analyse et de la retranscription des éléments du fichier informatique saisi lors de la perquisition menée par le procureur de la République de Nice le 20 janvier 2009, a révélé que M. A... détenait, durant les années en litige, des comptes bancaires dans les livres de la banque HSBC Private Bank Suisse sous des profils ne correspondant pas à son identité ou par l'intermédiaire de sociétés établies aux Îles Vierges britanniques et aux Etats-Unis d'Amérique, et qu'il n'avait pas déclaré à l'administration fiscale ces avoirs et les revenus qu'ils avaient générés. En particulier, les procès-verbaux d'audition et de constatation ont permis au service de valider les informations concernant l'identité de M. A... figurant sur la synthèse individuelle, de confirmer qu'il se trouvait en Suisse aux dates des visites à la banque HSBC Private Bank de Genève mentionnées dans les scripts bancaires qui ont fondé l'enquête et que des opérations avaient été effectuées sur les comptes en litige dans le cadre de transactions portant sur des objets d'art moderne et contemporain, correspondant au domaine d'activité de la société David A... et Associés Art Moderne, et, enfin, d'établir que le patrimoine du foyer avait augmenté de façon disproportionnée. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration, qui disposait d'éléments probants lui permettant d'établir que M. et Mme A... avaient bénéficié durant les années vérifiées de revenus plus importants que ceux qu'ils avaient déclarés, a, sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, adressé aux contribuables une demande de justifications portant sur les avoirs que M. A... possédait en Suisse.

9. D'autre part, les requérants soutiennent également que la demande de justifications du 22 novembre 2012 et la mise en demeure du 29 mars 2013, que leur a adressées le service, étaient très générales et imprécises. Toutefois, après avoir visé les dispositions législatives sur lesquelles ces demandes étaient fondées, le vérificateur a rappelé l'ensemble des éléments permettant d'établir que M. A... détenait des avoirs financiers auprès de la banque HSBC Private Bank Suisse, par l'intermédiaire de sociétés étrangères ou en tant que mandataire ou titulaire des comptes. Il a indiqué le nom des profils clients sous lesquels M. A... apparaissait comme titulaire, mandataire ou bénéficiaire économique des avoirs, le nom et la localisation des sociétés étrangères interposées, ainsi que le solde des comptes aux dates mentionnées dans la procédure judiciaire. Il a ensuite demandé aux contribuables, qui n'avaient déclaré aucun revenu de source étrangère au titre des années 2003 à 2008, de justifier des avoirs et revenus d'avoirs ainsi détenus en Suisse. Les mentions de cette demande de justifications et de la mise en demeure postérieure, qui rappelaient également les conséquences d'une absence de réponse dans le délai qui était imparti aux contribuables, étaient suffisamment explicites quant aux justifications recherchées et permettaient à M. et Mme A... d'apporter les réponses demandées. Contrairement à ce qu'ils soutiennent, ces demandes ne conduisaient pas à mettre à leur charge une preuve impossible, alors qu'ils pouvaient, ainsi que leur avait suggéré l'administration fiscale, demander à la banque HSBC Private Bank Suisse de leur délivrer une attestation ou tout autre document établissant que M. A... ne possédait aucun compte dans son établissement, ce qu'ils n'ont au demeurant pas fait. Par suite, le moyen doit être écarté.

10. En se bornant, dans les lettres qu'ils ont adressées les 13 février et 29 mars 2013 en réponse aux demandes précitées, à contester les éléments retenus par le service pour établir que M. A... était titulaire d'avoirs en Suisse et à indiquer que les propriétaires des sommes figurant sur les comptes ouverts au nom des sociétés Salomon Trading LLC et Agar Investments Ltd étaient, à 1'évidence, ces mêmes sociétés, M. et Mme A... n'ont apporté aucun élément quant à l'origine et à la nature des sommes objets de ces demandes. Par ailleurs, ils n'ont produit, à l'appui de leurs réponses, aucun document susceptible de justifier que M. A... ne détenait pas de comptes à la banque HSBC Private Bank Suisse. Dès lors, c'est à bon droit que le service a considéré que les réponses de M. et Mme A... à sa demande de justification du 22 novembre 2012 et à la mise en demeure du 29 mars 2013, ne pouvaient être regardées comme suffisantes.

11. Enfin, la demande de justifications ainsi que la mise en demeure adressées aux contribuables sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, qui portaient sur les avoirs et revenus d'avoirs qu'ils détenaient en Suisse, ne peuvent être regardées comme constituant une contrainte ou une pression grave exercée sur les intéressés pour obtenir la révélation de faits qui les incrimineraient. Dès lors, M. et Mme A... ne sont, en tout état de cause, pas fondés à soutenir que ces demandes les auraient contraints à s'incriminer eux-mêmes en méconnaissance des stipulations de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui garantissent le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination.

12. Il résulte des points 8 à 11 que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la procédure de taxation d'office prévue par l'article L. 69 du livre des procédures fiscales a été mise en oeuvre dans des conditions irrégulières.

13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. (...). Lorsque le contribuable est taxé d'office en application de l'article L. 69, à l'issue d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut être saisie dans les conditions prévues à l'article L. 59. (...) ".

14. Il résulte de l'instruction, et notamment des mentions de la proposition de rectification du 5 septembre 2013 adressée à M. et Mme A..., que les impositions mises à la charge de ces derniers résultent d'un contrôle sur pièces de leur dossier fiscal. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le service n'a pas effectué de contrôle de cohérence globale entre l'ensemble des revenus qu'ils ont déclarés et leur situation de trésorerie, leur situation patrimoniale ou leur train de vie. En particulier, la demande de justifications du 22 novembre 2012 portant sur les avoirs et revenus d'avoirs détenus par M. A... auprès de la banque HSBC Private Bank en Suisse ne caractérise pas un tel contrôle. Enfin, la disproportion constatée par le vérificateur dans la proposition de rectification entre le patrimoine de M. et Mme A... en 2011 et les revenus qu'ils avaient déclarés au titre de la même année, dont il a déduit l'existence de disponibilités non déclarées, procède uniquement de l'exploitation des pièces de procédure obtenues grâce au droit de communication exercé auprès de l'autorité judiciaire. Ainsi, les requérants, qui n'ont pas fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle, ne sont pas fondés à soutenir qu'en s'abstenant de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, le service a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales.

15. En troisième lieu, eu égard aux exigences découlant notamment de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789, l'administration fiscale ne saurait se prévaloir, pour établir une imposition, de pièces ou documents obtenus par une autorité administrative ou judiciaire dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge. Toutefois, la seule circonstance qu'avant de mettre en oeuvre à l'égard d'un contribuable les pouvoirs qu'elle tient du titre II du livre des procédures fiscales aux fins de procéder au contrôle de sa situation fiscale et de recueillir les éléments nécessaires pour, le cas échéant, établir des impositions supplémentaires, l'administration aurait disposé d'informations relatives à ce contribuable issues de documents initialement obtenus de manière frauduleuse par un tiers est, par elle-même, sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition.

16. Il résulte de l'instruction que les modalités d'obtention décrites au point 1 des pièces régulièrement transmises par l'autorité judiciaire à l'administration fiscale ayant exercé son droit de communication n'ont pas été déclarées illégales par le juge compétent. Contrairement à ce qui est soutenu, la Cour d'appel de Paris, par un arrêt en date du 7 mai 2012, puis la chambre criminelle de la Cour de cassation, par une décision du 16 janvier 2019, ont confirmé la licéité de la perquisition menée par le procureur de la République de Nice le 20 janvier 2009, ainsi que des conditions d'obtention par l'administration des documents qu'elle a présentés à l'appui de son dépôt de plainte pour fraude fiscale à l'encontre de M. A.... La seule circonstance qu'avant de mettre en oeuvre à l'égard de M. A... les pouvoirs qu'elle tient du titre II du livre des procédures fiscales aux fins de procéder au contrôle de sa situation fiscale et de recueillir les éléments nécessaires pour établir les impositions litigieuses, l'administration aurait disposé d'informations relatives à ce contribuable issues de documents obtenus de manière frauduleuse par un tiers est, par-elle-même, sans incidence tant sur la régularité de la procédure d'imposition que sur l'opposabilité des pièces obtenues régulièrement par la suite. Le moyen tiré de l'origine illégale des documents utilisés doit donc être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

S'agissant de la prescription du délai de reprise :

17. Aux termes de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Même si les délais de reprise sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. ".

18. Pour l'application de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales aux omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux répressifs, seul l'engagement de poursuites, qui inclut la phase de l'instruction conduite par le juge d'instruction, doit être regardé comme ouvrant l'instance. L'ouverture d'une enquête préliminaire, en revanche, n'a pas un tel effet. Lorsque des insuffisances ou omissions d'impositions sont révélées à l'administration fiscale postérieurement à l'ouverture d'une instance, au sens de ces dispositions, le délai spécial de reprise qu'elles prévoient est applicable, alors même que les insuffisances ou omissions d'impositions sont mises en évidence par des pièces de la procédure établies au stade d'une enquête préliminaire.

19. Les requérants soutiennent que le délai de reprise pour les années 2003 à 2005 était prescrit lorsque le service leur a adressé la proposition de rectification du 5 septembre 2013 et que l'administration ne peut se prévaloir du délai de dix ans prévu par les dispositions précitées de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales dès lors que les informations utilisées à l'encontre de M. A..., qui ont permis de constater les insuffisances et omissions déclaratives qui lui sont reprochées, ont été révélées dans le cadre d'une enquête préliminaire et qu'elles étaient, en outre, détenues par l'administration fiscale dès l'année 2008.

20. Toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment des motifs de la proposition de rectification notifiée à M. et Mme A..., que le service a pu établir que M. A... avait la disposition de plusieurs comptes ouverts en Suisse à la banque HSBC Private Bank soit directement, sous des dénominations de " profils clients " différents, soit sous couvert de sociétés situées dans les Îles Vierges britanniques et aux Etats-Unis d'Amérique, qu'il n'avait pas déclarés, en recoupant les éléments d'informations contenus dans les pièces de la procédure judiciaire diligentée à l'encontre de M. et Mme A... que les juges d'instruction lui avaient transmises en réponse à ses demandes de communication des 11 juillet 2012, 1er janvier, 4 avril, 5 et 17 juin 2013. Dans ces conditions, les insuffisances ou omissions d'impositions résultant de l'absence de déclaration par M. et Mme A... des avoirs et revenus d'avoirs que M. A... possédait en Suisse, et dont le service n'a eu une connaissance certaine qu'après l'exercice des différents droits de communication auprès des autorités judiciaires, doivent être regardées comme ayant été révélées par une instance au sens des dispositions précitées de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales, alors même que ces insuffisances ou omissions ont pu être mises en évidence avant l'ouverture de cette instance par la transmission à l'administration fiscale des fichiers informatiques saisis lors de la perquisition menée par le procureur de la République de Nice le 20 janvier 2009.

S'agissant de l'existence et du montant des avoirs détenus à l'étranger :

21. Aux termes de l'article 151 du code général des impôts : " Pour l'application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, l'impôt sur les revenus des avoirs à l'étranger est établi sur le produit du montant de ces avoirs par la moyenne annuelle des taux de rendement brut à l'émission des obligations des sociétés privées ".

22. M. et Mme A..., qui ont été régulièrement taxés d'office sur le fondement des dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, supportent la charge de la preuve de l'exagération des impositions qu'ils contestent.

23. Par un jugement en date du 15 juin 2015, confirmé par un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 11 septembre 2017, la trente-deuxième chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Paris a déclaré M. A... coupable des faits de soustraction frauduleuse à l'établissement ou au paiement de l'impôt par dissimulation de sommes et de fraude fiscale commis à Paris et en Suisse courant 2006 à 2010 et des faits de blanchiment de fraude fiscale commis à Paris et en Suisse au cours des mêmes années. Par une décision en date du 16 janvier 2019, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par M. A... contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 11 septembre 2017. Il résulte des motifs de cet arrêt, dont les constatations de fait sont revêtues de l'autorité de la chose jugée, que M. A... est le titulaire des comptes ouverts à la banque HSBC Private Bank sous les profils clients " Zulu 73 " et " Agar 77 " ou au nom des sociétés Bacom Trade and Finance SA, Agar Investments Ltd et Salomon Trading LLC. A cet égard, est sans incidence sur les constatations effectuées par le juge judiciaire, la circonstance que la disproportion relevée par le service entre le patrimoine des contribuables et les revenus qu'ils avaient déclarés reposerait sur une évaluation approximative. Par ailleurs et en tout état de cause, M. A... n'a fourni aucun document de la banque HSBC Private Bank susceptible d'établir qu'il n'aurait pas été le détenteur de ces comptes durant les années contrôlées. Par suite, c'est à bon droit que le service a pu, sans recourir à la procédure de répression des abus de droit prévue par les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, ni faire application des dispositions de l'article 123 bis du code général des impôts, imposer M. A... sur le fondement des dispositions précitées de l'article 151 du code général des impôts à raison des revenus d'avoirs dont il avait ainsi eu la disposition au titre de ces années.

24. Les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des développements figurant au n° 20 du

BOI-CTX-DG-20-30-40, selon lesquels " si les faits constatés par les tribunaux répressifs s'imposent au juge de l'impôt comme matériellement exacts, il n'en reste pas moins que ce dernier conserve sa liberté d'appréciation pour en tirer les conséquences de droit en ce qui concerne les litiges de sa compétence ", lesquelles ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale qui serait opposable à l'administration.

25. M. et Mme A... soutiennent que les éléments retenus par l'administration pour établir le montant des avoirs étrangers détenus par M. A... et, par suite, leurs nouvelles bases d'imposition, résultent du décryptage des fichiers informatiques saisis au domicile de M. F. et de l'agrégation des données contenues dans ces fichiers et que le résultat de ces opérations, qui n'ont pas été menées de manière contradictoire, a été retranscrit dans une synthèse individuelle dont s'est servie l'administration pour fonder les suppléments d'impôts en litige, mais qui ne leur a pas été communiquée.

26. Il résulte de l'instruction, et en particulier des mentions de la proposition de rectification du 5 septembre 2013, que les impositions contestées ont été établies à partir des soldes des comptes bancaires ouverts au nom des sociétés Salomon Trading LLC et Agar Investments Ltd et sous le profil client " Zulu 13 " figurant dans les pièces de procédure judiciaire recueillies par l'administration dans le cadre de l'exercice de son droit de communication. Le ministre soutient, sans être contredit, que les modalités de confection des fiches de " synthèse individuelle " ont été précisées dans un document établi par la Direction nationale des enquêtes fiscales, dont M. A... a eu connaissance dans le cadre de l'instance pénale qui s'est déroulée devant la chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Paris, qui a déclaré, le 15 juin 2015,

M. et Mme A... coupables de fraude fiscale. Elles ont été validées par la Cour d'appel de Paris qui, par son arrêt du 11 septembre 2017, a confirmé " le crédit attaché par le tribunal et désormais par la Cour à l'ensemble des mentions qui sont portées sur la synthèse individuelle (...) ". Ainsi, les requérants n'établissent pas par le moyen qu'il soulève que les montants des avoirs pris en compte par l'administration pour calculer les rehaussements en litige seraient erronés.

27. Pour déterminer le montant des impositions en litige, le service a appliqué au montant des avoirs détenus par M. A... en Suisse via les sociétés Salomon Trading LLC et Agar Investments Ltd et sous le profil " Zulu 13 ", le taux de rendement brut des obligations des sociétés privées, compris entre 3,68 % et 4,56 % entre 2003 et 2008. Les requérants n'apportent pas la preuve qui leur incombe du caractère exagéré des impositions mises à leur charge en se bornant à se prévaloir des taux d'intérêt applicables en Suisse, compris entre 0,65 % et 1,18 % au titre de la même période.

En ce qui concerne les pénalités :

28. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) b. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) ".

29. Les pénalités pour manoeuvres frauduleuses ont pour objet de sanctionner des agissements destinés à égarer ou à restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration.

30. En relevant que M. A... avait détenu en Suisse des avoirs sur des comptes bancaires non déclarés sous des profils ne correspondant pas à son identité ou par l'intermédiaire de sociétés établies dans des pays à fiscalité privilégiée et que M. et Mme A... n'avaient pas déclaré ces avoirs à l'administration fiscale française, l'administration doit être regardée comme établissant l'existence d'agissements frauduleux, au sens des dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts. Ainsi, c'est à bon droit que le service a infligé aux contribuables la majoration de 80 % prévue par ces dispositions.

31. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des conclusions de leur demande. Par suite, leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction nationale des vérifications des situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme D..., président-assesseur,

- M. Doré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 novembre 2019.

Le rapporteur,

V. D...Le président,

S.-L. FORMERY

Le greffier,

F. DUBUY

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 18PA01093


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