La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/11/2019 | FRANCE | N°19PA01339

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 19 novembre 2019, 19PA01339


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... E... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les arrêtés du 16 janvier 2019 par lesquels la préfète de Seine-et-Marne a décidé sa remise aux autorités espagnoles et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1901756 du 11 mars 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a annulé les arrêtés contestés, a enjoint à la préfète de Seine-et-Marne de réexaminer la situation de M. E... et de prendre une nouvelle décision dans le dé

lai d'un mois, a mis la somme de 800 euros à la charge de l'Etat à verser à Me D... sur le fo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... E... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les arrêtés du 16 janvier 2019 par lesquels la préfète de Seine-et-Marne a décidé sa remise aux autorités espagnoles et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1901756 du 11 mars 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a annulé les arrêtés contestés, a enjoint à la préfète de Seine-et-Marne de réexaminer la situation de M. E... et de prendre une nouvelle décision dans le délai d'un mois, a mis la somme de 800 euros à la charge de l'Etat à verser à Me D... sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 avril 2019, la préfète de Seine-et-Marne demande à la Cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de M. E....

La préfète de Seine-et-Marne soutient que :

- c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a annulé les arrêtés contestés au motif qu'il n'était pas établi que les brochures A et B ont été délivrées à M. E... dans les conditions prévues par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- les arrêtés litigieux ont été pris par une autorité compétente ;

- ils sont suffisamment motivés et ne sont pas entachés d'un défaut d'examen sérieux de la situation de l'intéressé ;

- l'arrêté de transfert aux autorités espagnoles ne méconnaît pas les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013, l'information ayant été transmise à l'intéressé dans une langue qu'il comprend ;

- cet arrêté ne méconnaît pas les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013, dès lors que l'intéressé a bénéficié d'un entretien individuel respectant les règles de confidentialité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2019, M. E..., représenté par

Me D..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

3°) d'enjoindre à la préfète de Seine-et-Marne de lui remettre une attestation de demandeur d'asile en procédure normale dans un délai de quinze jours sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. E... soutient que :

- l'arrêté de transfert n'est pas suffisamment motivé ;

- il est entaché d'un vice de procédure, son droit à l'information au sens de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ayant été méconnu ;

- il est entaché d'un vice de procédure, l'entretien individuel n'ayant pas été mené dans les conditions prévues par l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- il méconnait les stipulations de l'article 8 de la CEDH ;

- il méconnait les dispositions de l'article 17 du règlement Dublin ;

- il est intervenu en méconnaissance de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'arrêté l'assignant à résidence est illégal par voie de conséquence.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision

n° 2019/031341 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Melun du 2 août 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant mauritanien né le 2 août 1997, a sollicité le 21 septembre 2018 son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du fichier Eurodac ayant révélé qu'il avait déposé le 9 août 2018 une demande d'asile auprès des autorités espagnoles, la préfète de Seine-et-Marne a saisi ces dernières le 25 septembre 2018 d'une demande de reprise en charge de l'intéressé qu'elles ont implicitement acceptée le

25 novembre 2018. Par un arrêté du 16 janvier 2019, la préfète de Seine-et-Marne a décidé de leur remettre M. E.... Par un arrêté du même jour, ce dernier a également été assigné à résidence dans le département de Seine-et-Marne pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable. La préfète de Seine-et-Marne relève appel du jugement du 11 mars 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a annulé ces arrêtés, lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. E... et de prendre une nouvelle décision dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Sur l'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. M. E... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Melun du 2 août 2019, ses conclusions relatives à l'aide juridictionnelle présentées devant la Cour sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le premier juge :

3. Il résulte des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement.

4. Pour annuler l'arrêté en litige, le premier juge s'est fondé sur la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013, la préfète n'ayant pas établi que les brochures prévues par les dispositions susvisées avaient toutes été remises à M. E.... Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les services de la préfecture de Seine-et-Marne ont remis à M. E..., le jour de l'entretien individuel dont il a bénéficié le 21 septembre 2018, en langue française qu'il a déclaré comprendre, outre deux notices d'information sur l'obligation de la prise d'empreintes, la brochure A " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de la demande ' " et la brochure B " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie '", soit les documents qui constituent la brochure commune prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 susvisé figurant en annexe X au règlement n° 118/2014 du 30 janvier 2014, et qui comportent l'ensemble des mentions prévues au 1 dudit article permettant aux demandeurs d'asile de bénéficier d'une information complète sur l'application du règlement du 26 juin 2013. Par suite, la préfète de Seine-et-Marne est fondée à soutenir que c'est à tort que le premier juge a annulé l'arrêté de transfert, et, par voie de conséquence, la décision d'assignation à résidence.

5. Il y a lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. E....

En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre la décision de remise :

6. En premier lieu, par un arrêté n° 18/BC/354 du 24 mai 2018 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de Seine-et-Marne le 25 mai 2018, la préfète de Seine-et-Marne a donné délégation à Mme B... C..., signataire des arrêtés contestés, pour signer les actes de police administrative dont font partie lesdits arrêtés. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté litigieux doit être écarté comme manquant en fait.

7. En second lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant d'un pays tiers qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision qui vise le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et mentionne les éléments de fait sur lesquels se fonde l'administration pour estimer que la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre.

8. L'arrêté de transfert du 10 avril 2018 vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 du Parlement et du Conseil et mentionne qu'il ressort de la comparaison des empreintes de

M. E... avec les indications du système " Eurodac " qu'il a franchi irrégulièrement les frontières de l'Espagne le 9 août 2018, que les autorités de cet Etat doivent être regardées comme responsables de sa demande d'asile en application de l'article 13-1 du règlement n° 604/2013 et qu'elles ont fait connaitre leur accord implicite de prise en charge le 25 novembre 2018. L'arrêté mentionne en outre que M. E... ne relève pas des dérogations prévues aux articles 3-2 et 17 du règlement, qu'il ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale en France ni d'une impossibilité de retourner en Espagne. Cet arrêté est ainsi suffisamment motivé en droit et en fait.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque : (...) b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'État membre responsable. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

10. Il ressort des pièces du dossier que, le 21 septembre 2018, M. E... a bénéficié de l'entretien individuel prévu par les dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé, en langue française qu'il a déclaré parler et comprendre et qui lui a permis de délivrer les renseignements sur sa situation personnelle, ainsi qu'en atteste sa signature apposée sans réserve au bas du compte rendu de cet entretien. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cet entretien ne se serait pas déroulé dans des conditions garantissant sa confidentialité. Par ailleurs, l'agent de préfecture qui l'a mené étant présumé qualifié en vertu du droit national, M. E... ne fournit aucun élément utile de nature à renverser cette présomption.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, dans sa rédaction issue du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 et applicable à la décision en litige : " 1. Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre États membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement / (...) / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national visé à l'article 19 est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ".

12. Il ressort des pièces du dossier que la demande de prise en charge de M. E... par les autorités espagnoles a été formée par le réseau de communication " DubliNet ", qui permet des échanges d'informations fiables entre les autorités des Etats membres de l'Union européenne qui traitent les demandes d'asile. La préfète de Seine-et-Marne produit, pour en justifier, la copie d'un courrier électronique du 24 septembre 2018 à 17h06 constituant la copie de la réponse automatique du point d'accès national français, concernant la demande de prise en charge adressée aux autorités espagnoles par la préfecture de Seine-et-Marne. Ce document porte la référence " FRDUB1 9930180739-770 ", qui correspond au numéro attribué à M. E... par la préfecture. La préfète de Seine-et-Marne produit, en outre, la copie de la demande de prise en charge présentée aux autorités espagnoles ainsi qu'une copie portant constat d'accord implicite et confirmation de reconnaissance de la responsabilité par l'Espagne, courrier portant la même référence. Ainsi, la préfète de Seine-et-Marne rapporte la preuve, tant de la date de saisine des autorités espagnoles que de leur acceptation.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 2. Lorsqu'aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. (...) ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Il résulte des dispositions précitées que la présomption selon laquelle un État " Dublin " respecte ses obligations découlant de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est renversée en cas de défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'État membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant subi par ces derniers. Les dispositions précitées du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement du 26 juin 2013 prévoient ainsi que chaque État membre peut examiner une demande d'asile qui lui est présentée par un ressortissant d'un pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés par ce règlement. Cette possibilité doit en particulier être mise en oeuvre lorsqu'il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé courra, dans le pays de destination, un risque réel d'être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ce cas, les autorités d'un pays membre peuvent, en vertu du règlement communautaire précité, s'abstenir de transférer les ressortissants étrangers vers le pays pourtant responsable de sa demande d'asile si elles considèrent que ce pays ne remplit pas ses obligations au regard de la Convention, notamment compte tenu de la durée du traitement et de ses effets physiques et mentaux ainsi que, parfois, du sexe, de l'âge, de l'état de santé du demandeur et le cas échéant, de sa particulière vulnérabilité.

14. Si l'Espagne est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient néanmoins à l'administration d'apprécier, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles une demande d'asile est traitée par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. L'allégation selon laquelle, dans ce pays, les demandes d'asile ne seraient pas traitées actuellement dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, n'est assortie d'aucun élément personnel et concret, le requérant se fondant uniquement sur des considérations d'ordre général sans se prévaloir de considérations particulières permettant d'établir que son dossier serait traité par les autorités espagnoles d'une manière qui ne répondait pas à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ou qui l'exposeraient à subir des traitements inhumains et dégradants en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, la préfète de la Seine-et-Marne n'a méconnu ni les dispositions de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni enfin les dispositions de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Par suite ce moyen doit être écarté.

15. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

16. Eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France ainsi qu'aux effets d'une mesure de transfert, M. E... qui ne se prévaut d'aucune vie familiale et personnelle en France n'établit pas que l'arrêté attaqué aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris.

17. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ".

18. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant, entré récemment en France à la date de la décision attaquée, justifierait de circonstances particulières qui commanderaient que la France examine sa demande d'asile. Dès lors, la préfète de Seine-et-Marne, qui a procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé, n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire de compétence prévue à l'article 17 précité du règlement (UE) n° 604/2013. Pour les mêmes motifs, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre la décision d'assignation à résidence :

19. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté prononçant l'assignation à résidence doit être écarté pour le motif énoncé au point 6.

20. En deuxième lieu, l'arrêté préfectoral du 16 janvier 2018 attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision d'assignation à résidence qu'il contient. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation doit être écarté.

21. En troisième lieu, compte tenu des motifs énoncés aux points 6 à 18, l'assignation à résidence a été prononcée pour les besoins de l'exécution d'une décision de transfert qui n'est pas entachée d'illégalité.

22. En dernier lieu, le requérant n'invoque ni n'établit aucune circonstance familiale ou personnelle de nature à établir que le principe même d'une assignation à résidence dans la commune d'Evreux procède d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation particulière.

23. Il résulte de ce qui précède que la préfète de Seine-et-Marne est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 16 janvier 2019 portant remise de M. E... aux autorités espagnoles ainsi que la décision d'assignation à résidence en date du même jour, lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé et, enfin, a mis, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique, 800 euros à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante. Les articles 2 à 4 du jugement doivent être annulés et la demande présentée par

M. E... devant le tribunal administratif de Melun rejetée.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 1901756 du 11 mars 2019 du tribunal administratif de Melun sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Melun est, à l'exception des conclusions tendant à l'admission au bénéfice de l'aide judiciaire provisoire, rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. G... E.... Copie en sera transmise à la préfète de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience publique du 5 novembre 2019 à laquelle siégeaient :

- M. Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme A..., premier conseiller,

- Mme Mornet, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 novembre 2019.

Le rapporteur,

M-F... A... Le président de la formation de jugement,

Ch. BERNIER

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

2

N° 19PA01339


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01339
Date de la décision : 19/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

.

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : SARHANE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-11-19;19pa01339 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award