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19/11/2019 | FRANCE | N°19PA00236

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 19 novembre 2019, 19PA00236


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

17 août 2018 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1817004 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2019 et un

mémoire enregistré le 17 octobre 2019, M. C..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

17 août 2018 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1817004 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2019 et un mémoire enregistré le 17 octobre 2019, M. C..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 décembre 2018 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 17 août 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " profession libérale/entrepreneur " sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police de lui renouveler son titre de séjour portant la mention " étudiant " sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C... soutient que :

- l'arrêté attaqué, dont les énonciations sont erronées, est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen complet et objectif de sa situation personnelle ;

- il est entaché d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- le préfet de police a méconnu les dispositions de l'article L. 313-10 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet de police a méconnu les dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet de police a méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et d'abus de droit.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 septembre 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant tunisien né le 3 août 1981, est entré en France le 28 octobre 2010 pour y suivre des études. Il a été muni d'un titre de séjour portant la mention " étudiant " régulièrement renouvelé, dont le dernier a expiré le 31 janvier 2018. Le 29 janvier 2018, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " entrepreneur/profession libérale " sur le fondement des dispositions du 3° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. C... relève appel du jugement du 20 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 17 août 2018 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

2. En premier lieu, M. C... reprend en appel ses moyens de première instance tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté et du défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle. Il ne développe toutefois, au soutien de ces moyens, aucun argument de droit ou de fait pertinent, de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenue par le tribunal administratif. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 renvoie, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord ou qu'elles sont nécessaires à sa mise en oeuvre. Aux termes de l'article L. 313-10 dudit code : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : (...) / 3° Pour l'exercice d'une activité non salariée économiquement viable et dont il tire des moyens d'existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur. Elle porte la mention " entrepreneur/profession libérale (...) ". L'article R. 313-16-1 du même code dispose que : " Pour l'application du 3° de l'article L. 313-10, l'étranger qui demande la carte de séjour temporaire portant la mention "entrepreneur/profession libérale" doit présenter à l'appui de sa demande, outre les pièces mentionnées aux articles R. 311-2-2 et R. 313-1, les justificatifs permettant d'évaluer, en cas de création, la viabilité économique de son projet. (...) ". L'article R. 313-16-2 précise que: " Lorsque l'étranger présente un projet tendant à la création d'une activité commerciale, industrielle ou artisanale, l'autorité diplomatique ou consulaire ou le préfet compétent saisit pour avis le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi compétent dans le département dans lequel l'étranger souhaite réaliser son projet. ". Il résulte de ces dispositions que la délivrance d'une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle à l'étranger qui souhaite exercer en France une profession commerciale, industrielle ou artisanale est subordonnée, notamment, à la viabilité économique de l'activité envisagée. Lorsque l'étranger est lui-même le créateur de l'activité qu'il vient exercer, il lui appartient de présenter à l'appui de sa demande les justificatifs permettant d'évaluer la viabilité économique de son activité ou entreprise, que celle-ci soit encore au stade de projet ou déjà créée.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a pour projet la création d'une entreprise de nettoyage, sous forme de société par actions simplifiée unipersonnelle. La directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Île-de-France a émis un avis défavorable. Pour en établir la viabilité économique et financière, le requérant produit une étude de marché et une étude financière prévisionnelle sur trois ans comportant en grande partie des considérations d'ordre général et qui n'ont, au demeurant, pas été établies par un expert-comptable, ainsi que d'un contrat de bail au nom de la société. De tels documents, dépourvus de précisions et présentant certaines incohérences notamment quant aux perspectives de recrutement de salarié(s), sont insuffisants pour apprécier le caractère réel et sérieux et la viabilité du projet. Par ailleurs, l'erreur commise par le préfet sur le montant du capital social de la société créée par M. C... est dépourvue d'incidence sur la légalité de la décision dès lors que la viabilité du projet ne ressort pas de l'ensemble des éléments fournis. Le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et qu'elle méconnaît les dispositions du 3° de l'article

L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant (...) ". Aux termes de l'article

R. 313-37 du même code : " L'étranger admis à résider en France sous couvert de la carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " qui en sollicite le renouvellement présente, outre les pièces mentionnées à l'article R. 311-2-2 et R.313-1, les pièces suivantes : 1° La justification qu'il dispose de moyens d'existence, correspondant au moins au montant de l'allocation d'entretien mensuelle de base versée, au titre de l'année universitaire écoulée, aux boursiers du Gouvernement français ; 2° Un certificat d'immatriculation, d'inscription ou de préinscription dans un établissement public ou privé d'enseignement ou de formation initiale, ou une attestation d'inscription ou de préinscription dans un organisme de formation professionnelle au sens du titre II du livre IX du code du travail, ou bien une attestation justifiant qu'il est bénéficiaire d'un programme de coopération de l'Union européenne dans les domaines de l'éducation, de la formation et de la jeunesse. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., âgé de 37 ans à la date de la décision attaquée, n'a pas produit l'attestation d'inscription pour l'année 2017-2018 requise pour le renouvellement de son titre de séjour. Dès lors, et pour ce seul motif, le préfet de police pouvait lui refuser le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " étudiant ".

7. En quatrième lieu, faute pour l'intéressé d'avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 7° du même code, le préfet n'était pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si le requérant pouvait prétendre à une autorisation de séjour sur un tel fondement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant.

8. En cinquième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. M. C... soutient, qu'entré en France en 2010, il y est socialement intégré. Toutefois, il est célibataire et sans charge de famille sur le territoire français. Il n'est pas dépourvu d'attaches en Tunisie où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans et où réside sa fille mineure. Ainsi, compte tenu des conditions de son séjour en France, et en dépit de sa durée, le préfet de police, en refusant de lui délivrer un titre de séjour et en assortissant ce refus d'une mesure d'éloignement, n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris ces décisions et n'a pas, ce faisant, méconnu les stipulations précitées. Le préfet de police n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ces décisions sur la situation personnelle de l'intéressé.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la commission du titre de séjour est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11. Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers remplissant effectivement toutes les conditions pour se voir délivrer l'un des titres de plein droit mentionnés dans les articles du code auxquels renvoient les dispositions précitées. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que le requérant ne pouvait bénéficier de plein droit d'un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C..., qui n'a soulevé aucun moyen propre dirigé contre les décisions par obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation doivent, par suite, être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

12. La présente décision, qui rejette les conclusions de M. C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en tout état de cause obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme demandée par M. C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience publique du 5 novembre 2019 à laquelle siégeaient :

- M. Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme B..., premier conseiller,

- Mme Mornet, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 novembre 2019.

Le rapporteur,

M-E... B... Le président de la formation de jugement,

Ch. BERNIER

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

2

N° 19PA00236


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00236
Date de la décision : 19/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BERNIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : DUJONCQUOY

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-11-19;19pa00236 ?
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