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19/11/2019 | FRANCE | N°18PA02106

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 19 novembre 2019, 18PA02106


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 28 novembre 2016 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1700702 du 20 avril 2018, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires enregistrés les 20 juin 2018, 17 avril 2019 et

30 septembre 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugeme

nt ;

2°) d'annuler la décision de l'inspecteur du travail du 28 novembre 2016 ;

3°) à titre principal,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 28 novembre 2016 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1700702 du 20 avril 2018, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires enregistrés les 20 juin 2018, 17 avril 2019 et

30 septembre 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision de l'inspecteur du travail du 28 novembre 2016 ;

3°) à titre principal, d'enjoindre à la société Securitas France, dans le délai de quinze jours à compter du présent arrêt et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de procéder à sa réintégration au poste d'agent de sécurité incendie et d'assistance à personne ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation et de l'emploi (DIRECCTE), dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de procéder au réexamen de la demande d'autorisation de licenciement ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C... soutient que :

- dès lors qu'il était affecté au conseil départemental de Loire-Atlantique, l'inspecteur du travail de l'unité du Val-de-Marne était incompétent pour prendre la décision ;

- il n'est pas démontré que le comité d'établissement a effectivement été saisi pour avis ;

- les faits invoqués pour justifier son licenciement pour motif disciplinaire sont prescrits ;

- les absences qui lui sont reprochées résultent de son refus que soit modifié son contrat de travail ;

- ces absences ne constituent pas une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement dès lors que les missions qui lui étaient confiées ne correspondaient pas à son contrat de travail, et que l'avertissement prononcé à son encontre en 2015 ne peut être pris en compte ;

- il existe un lien entre le licenciement et le mandat.

Par trois mémoires en défense enregistrés les 14 février 2019, 27 mai 2019 et 23 octobre 2019, la société Securitas France, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant la société Securitas France.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... a été recruté le 30 juillet 2007 par la société Securitas Distribution, aux droits de laquelle est venue la société Securitas France, en qualité d'abord d'agent de sécurité, puis en qualité d'agent de sécurité incendie à compter du 1er octobre 2012. Il a été élu délégué du personnel suppléant le 19 octobre 2011 et il bénéficiait d'une protection fonctionnelle jusqu'au 19 octobre 2016. Constatant des absences de M. C... sur son lieu de travail à compter du

13 juin 2016, la société Securitas France a sollicité de l'inspection du travail l'autorisation de le licencier pour faute. Par une décision du 28 novembre 2016, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement demandé. M. C... relève appel du jugement du 20 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2421-3 du code du travail : " (...) / La demande d'autorisation de licenciement est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement dans lequel le salarié est employé ". Il résulte de ces dispositions que l'inspecteur du travail compétent pour se prononcer sur une demande d'autorisation de licencier un salarié protégé est celui dans le ressort duquel se trouve l'établissement disposant d'une autonomie de gestion suffisante où le salarié est affecté ou rattaché. A défaut, l'inspecteur du travail compétent est celui dans le ressort duquel se trouve le siège social de l'entreprise qui emploie le salarié protégé, même lorsque cette entreprise appartient à un groupe.

3. Si à la date de la décision contestée M. C... était affecté auprès du conseil départemental de Loire-Atlantique, il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal du comité d'établissement du 27 septembre 2016, que l'intéressé relève de l'établissement Distribution de la société Securitas France, situé au 191 avenue Aristide Briand, à Cachan, qui relève de l'unité territoriale du Val-de-Marne. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision en litige doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il ressort du procès-verbal de la réunion extraordinaire du comité d'établissement Distribution de la société Securitas France du 27 septembre 2016 que ce dernier s'est prononcé sur le projet de licenciement de M. C... au cours de cette réunion. Par suite, le moyen tiré de l'absence de consultation du comité d'établissement manque en fait.

5. En troisième lieu, par un courrier du 17 mars 2016, la société Securitas France a adressé à M. C... une proposition d'affectation sur le site du conseil départemental de Loire-Atlantique, à Nantes. Par courrier du 29 mars 2016, l'intéressé a accepté cette proposition sous la seule réserve que lui soit fournie la tenue de travail correspondant à son poste. Il est constant que cette réserve a été levée par la remise en main propre de la tenue qu'il demandait le 2 juin 2016. Par ailleurs, les pressions psychologiques qu'aurait exercées son employeur pour qu'il accepte son affection dont fait état l'intéressé, ne sont pas établies. Dès lors, c'est sans entacher sa décision d'une erreur de fait que l'inspecteur du travail a pu retenir que M. C... avait accepté de manière ferme et non équivoque son affectation au conseil départemental de Loire-Atlantique et que ses absences sur ce site pouvaient être sanctionnées comme une inexécution de son contrat de travail.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ". Ces dispositions ne font pas obstacle à la prise en considération d'un fait survenu plus de deux mois avant l'engagement des poursuites dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi au-delà de ce délai.

7. Il n'est pas contesté que les absences injustifiées de M. C..., motif invoqué par l'employeur pour procéder à son licenciement, ont persisté dans le délai de deux mois précédant la demande du 11 octobre 2016 d'autorisation de le licencier. Dès lors, les faits retenus pour accorder l'autorisation de licenciement pour motif disciplinaire n'étaient pas prescrits.

8. En quatrième lieu, en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

9. D'une part, il est constant que M. C... a pris son poste sur le site du conseil départemental de Loire-Atlantique, à Nantes, le 8 juin 2016. Il ne s'est toutefois pas présenté sur son lieu de travail le 13 juin puis dans les jours qui ont suivi. Son absentéisme s'est poursuivi en dépit de sa rencontre avec son employeur le 17 juin 2016 et de la mise en demeure du 22 juin. Si le contrat de travail de l'intéressé ne prévoit que des missions de sécurité incendie, la fiche de poste de M. C... et le contrat de gardiennage et surveillance entre son employeur et le département de Loire-Atlantique, qui portent sur la sauvegarde et la sécurité des biens, correspondent aux missions des agents des services de sécurité incendie telles qu'elles sont définies par l'accord du 1er décembre 2006 relatif aux qualifications professionnelles annexé à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les tâches qui lui étaient confiées sur le site du conseil départemental de Loire-Atlantique relevaient de la sécurité privée. Par ailleurs, si un constat effectué sur place par le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) le

15 novembre 2016 a permis de recueillir le témoignage de deux agents de sécurité incendie indiquant qu'ils effectuaient certaines missions de sécurité privée en plus de leurs missions, le courrier du 22 juin 2016 rappelait à M. C... qu'il n'était aucunement tenu d'effectuer d'autres tâches que celles correspondant à sa qualification. Il appartenait ainsi à M. C..., dans l'hypothèse où des missions de sécurité privée lui auraient été imposées sur le site du conseil départemental de Loire-Atlantique, d'en informer sa hiérarchie plutôt que de manifester son mécontentement par des absences. Dans ces conditions, l'absentéisme de l'intéressé constitue une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement.

10. D'autre part, si le requérant fait état d'une ambiance professionnelle délétère et rappelle que son employeur a déjà sollicité l'autorisation de le licencier en 2012 et 2015, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existerait un lien entre le licenciement et le mandat de délégué du personnel suppléant de M. C..., qui a pris fin en avril 2016

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. C..., n'appelle, par lui-même, aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... le versement de la somme que la société Securitas France demande sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Securitas France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à la société Securitas France et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience publique du 5 novembre 2019 à laquelle siégeaient :

- M. Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Jayer, premier conseiller,

- Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 novembre 2019.

Le rapporteur,

G. D... Le président de la formation de jugement,

Ch. BERNIER

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 18PA02106


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02106
Date de la décision : 19/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation - Licenciement pour faute - Existence d'une faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. BERNIER
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : AARPI BENRAIS WEISSELBERG AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-11-19;18pa02106 ?
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