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06/11/2019 | FRANCE | N°18PA04026

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 06 novembre 2019, 18PA04026


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1622193/1-1 du 24 octobre 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 décembre 2018 et 24 mai 2019,

M. C..., r

eprésenté par Me A... E... (F...), demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1622193/1-1 du 24 octobre 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 décembre 2018 et 24 mai 2019,

M. C..., représenté par Me A... E... (F...), demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 24 octobre 2018 ;

2°) de prononcer la décharge de l'imposition litigieuse ;

3°) à titre subsidiaire de prononcer le dégrèvement de la somme de 61 404 euros, correspondant au montant des prestations de services entièrement exécutées à l'étranger ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la procédure de taxation d'office a été irrégulièrement mise en oeuvre, dans la mesure où sa comptabilité était sincère et régulière et où il bénéficiait de la franchise en base en matière de taxe sur la valeur ajoutée et était donc dispensé de souscrire des déclarations ;

- la finalité thérapeutique des prestations rendues a été expressément reconnue en tant que telle par la Haute Autorité de Santé ;

- ces prestations relèvent de la Classification Commune des Actes Médicaux (CCAM) ;

- cette classification a été reconnue par la nouvelle doctrine contenue au BOFIP dans sa mise à jour du 7 février 2018, BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-10 n°43 ;

- les prestations de soins à finalité thérapeutique sont entièrement exécutées hors de France et effectivement consommées par des patients étrangers hors de France.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 9 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 24 mai 2019.

Un mémoire a été présenté pour M. C... le 8 octobre 2019 après la clôture de l'instruction.

Deux notes en délibéré, enregistrées les 21 et 31 octobre 2019, ont été présentées par Me A... E... pour M. C....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'arrêt Skatteverket c. PFC Clinic AB du 21 mars 2013 de la Cour de justice de l'Union européenne ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de la santé publique ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Jimenez, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., qui exerce, à titre libéral, une activité d'angiologue, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité de son activité à l'issue de laquelle il s'est vu assigner des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période allant du 1er janvier 2013 au 31 juillet 2015. Il relève appel du jugement du 24 octobre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge de ces rappels.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article 293 B du code général des impôts : " I. - Pour leurs livraisons de biens et leurs prestations de services, les assujettis établis en France, à l'exclusion des redevables qui exercent une activité occulte au sens du deuxième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, bénéficient d'une franchise qui les dispense du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, lorsqu'ils n'ont pas réalisé : /(...)/ 2° ... un chiffre d'affaires afférent à des prestations de services, hors ventes à consommer sur place et prestations d'hébergement, supérieur à : a) 32 900 euros l'année civile précédente ; / b) ... 34 900 euros l'année civile précédente, lorsque la pénultième année il n'a pas excédé le montant mentionné au a. / II. - 1. Le I cesse de s'appliquer : / (...) / b) Ou à ceux dont le chiffre d'affaires de l'année en cours afférent à des prestations de services, hors ventes à consommer sur place et prestations d'hébergement, dépasse le montant mentionné au b du 2° du I. ". Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : / (...) / 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes ".

3. Il résulte de l'instruction que M. C... a comptabilisé, au titre de l'année 2013, un chiffre d'affaires de 348 889 euros dont 39 054 euros ont donné lieu à un remboursement par la caisse primaire d'assurance maladie et, au titre de l'année 2014, un chiffre d'affaires

de 429 486 euros dont 33 670 euros ont donné lieu à un remboursement par la caisse primaire d'assurance maladie, les remboursements ayant été effectués au titre de l'activité thérapeutique de l'intéressé à l'égard d'assurés sociaux en France. A supposer même que les factures des clients étrangers produites, pour des montants de 127 845 euros au titre de 2013 et 217 208 euros au titre de 2014, correspondraient à des prestations exonérées, le chiffre d'affaires taxable de

M. C... au cours de ces deux années, qui ne saurait être regardé comme échappant territorialement au champ de la taxe sur la valeur ajoutée ainsi qu'il sera dit au point 10., dépasse en tout état de cause les seuils prévus par les dispositions précitées du b) du 2°) du I et au b) du 1) du II de l'article 293 B du code général des impôts. M. C... ne peut par suite se prévaloir de l'exonération prévue par les dispositions de cet article, et en conséquence de ce qu'il était dispensé de toute obligation déclarative et ne pouvait dès lors faire l'objet d'une procédure de taxation d'office au titre de la période d'imposition en litige.

Sur la charge de la preuve :

4. L'article L. 193 du livre des procédures fiscales prévoit : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Les impositions litigieuses ayant été établies selon la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, la charge de prouver leur exagération incombe au requérant.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

5. Le 1° du 4 de l'article 261 du CGI, pris pour la transposition des dispositions du c) du 1° du A de l'article 13 de la directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés du 17 mai 1977, repris au c) du paragraphe 1 de l'article 132 de la directive 2006/112/CE du Conseil du

28 novembre 2006, prévoit que sont exonérés de taxe sur la valeur ajoutée " les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées (...) ".

6. Il résulte, d'une part, des dispositions des directives mentionnées au point 5., telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans son arrêt Skatteverket c. PFC Clinic AB du 21 mars 2013, que seuls les actes de médecine et de chirurgie esthétique dispensés dans le but " de diagnostiquer, de soigner et, dans la mesure du possible, de guérir " des personnes qui, par suite d'une maladie, d'une blessure ou d'un handicap physique congénital, nécessitent une telle intervention, poursuivent une finalité thérapeutique et doivent, dès lors, être regardés comme des " soins dispensés aux personnes " exonérés de taxe sur la valeur ajoutée. Il en va nécessairement de même des actes médicaux, tels que l'anesthésie, matériellement et économiquement indissociables de la prestation principale de soins médicaux exonérée. Il en va, en revanche, différemment lorsque ces actes n'obéissent en aucun cas à une telle finalité.

7. En vertu, d'autre part, des dispositions combinées des articles L. 6322-1 et R. 6322-1 du code de la santé publique, les actes de chirurgie esthétique, qui n'entrent pas dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie au sens de l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale, sont des actes qui tendent à modifier l'apparence corporelle d'une personne, à sa demande, sans visée thérapeutique ou reconstructrice. Les actes de médecine ou de chirurgie esthétique à finalité thérapeutique relèvent des dispositions de l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, aux termes desquelles la prise en charge par l'assurance maladie est subordonnée à l'inscription sur la liste qu'elles mentionnent. Cette liste prévoit le remboursement des actes de médecine ou de chirurgie esthétique répondant, pour le patient, à une indication thérapeutique, évaluée le cas échéant sur entente préalable de l'assurance maladie.

8. Les dispositions du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, interprétées conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, doivent par suite être regardées comme subordonnant l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des actes de médecine et de chirurgie esthétique non à la condition que ces actes fassent l'objet d'un remboursement effectif par la sécurité sociale mais à celle qu'ils entrent dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie, ce qui suppose leur inscription sur la liste prévue par l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, établie selon des critères objectifs et rationnels. Toutefois, la seule inscription d'un acte sur la liste susmentionnée ne saurait suffire à le faire entrer dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie, certains actes pouvant avoir, selon les circonstances, une visée thérapeutique ou une visée non thérapeutique, l'assurance maladie subordonnant, d'ailleurs, le remboursement de certains de ces actes inscrits à un accord préalable délivré au cas par cas.

9. Le requérant n'a produit au cours de l'instruction, le cas échéant après occultation du nom des patients, aucun relevé ou décompte de nature à établir une corrélation entre les recettes encaissées et les prestations dont la finalité thérapeutique est reconnue au sens des dispositions précitées. Les notes d'honoraires établies pour les patients étrangers par M. C... et produites au dossier ne permettent nullement de s'assurer de la nature des actes effectués au regard de la nomenclature de l'assurance maladie et donc de leur finalité thérapeutique ou non. Si M. C... produit en réplique un échantillon de fiches patients anonymisées qui font état de la nature de la thérapie appliquée et qui portent la mention manuscrite, parfois à peine lisible, d'un code permettant de considérer que les interventions relèvent de la Classification Commune des Actes Médicaux (CCAM), et sont pour certaines d'entre elles remboursables dans tous les cas par l'assurance-maladie, les pièces produites, qui ne concernent d'ailleurs qu'un faible échantillon des interventions réalisées, ne permettent pas d'identifier le montant de la recette correspondante qui bénéficierait de l'exonération demandée. Les tableaux produits au cours du délibéré, et qui indiquent le code correspondant à chaque encaissement, font état pour l'essentiel, et, s'agissant des patients étrangers non affiliés à la sécurité sociale, pour leur intégralité, d'interventions qui ne sont remboursables que sous conditions et selon les circonstances, et aucun élément ne permet de s'assurer de la finalité thérapeutique de ces interventions. Si certains encaissements provenant de patients affiliés à la sécurité sociale sont afférents à des interventions remboursables dans tous les cas, les éléments présentés ne permettent pas de s'assurer qu'ils n'ont pas déjà été pris en compte par le service, qui a admis le caractère exonéré des prestations effectivement remboursées par la caisse d'assurance-maladie. La doctrine administrative contenue au BOFIP dans sa mise à jour du 7 février 2018 et référencée BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-10 n'est en tout état de cause pas, eu égard à sa date, invocable sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

10. Aux termes de l'article 259 du code général des impôts, assurant la transposition en droit interne de l'article 45 de la directive 2006/112/CE : " le lieu des prestations de services est situé en France : 2° Lorsque le preneur est une personne non assujettie, si le prestataire : a) a établi en France le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France à partir duquel les services sont fournis ; b) ou dispose d'un établissement stable en France à partir duquel les services sont fournis ; c) ou, à défaut du a ou du b, a en France son domicile ou sa résidence habituelle ". Il est constant que M. C... a établi en France son cabinet. Le lieu des prestations de services est par suite situé en France en application des dispositions précitées alors même que l'intéressé réaliserait certaines de ses interventions à l'étranger dès lors qu'il n'est pas soutenu qu'il y disposait d'un établissement stable. Les prestations médicales ne figurant pas au nombre des prestations immatérielles mentionnées à l'article 259 B du code général des impôts, M. C... ne peut utilement se prévaloir de ce que les prestations mentionnées à cet article sont regardées comme effectuées à l'étranger quand leur bénéficiaire y est lui-même établi.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que le requérant demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 16 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 6 novembre 2019.

Le rapporteur,

F. B...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 18PA04026


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA04026
Date de la décision : 06/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-11-06;18pa04026 ?
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