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06/11/2019 | FRANCE | N°18PA02975

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 06 novembre 2019, 18PA02975


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Casino de Nouméa a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la décision de rejet de sa réclamation contentieuse, de prononcer la décharge partielle des sommes auxquelles elle a été assujettie au titre du prélèvement communal sur le produit des jeux pour les années 2015, 2016, et jusqu'au 1er février 2017, et en conséquence, de prononcer la restitution de la somme de 110 651 144 F CFP à titre de trop perçu.

Par un jugement n° 1800095 du 15 juin 2018, le T

ribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Casino de Nouméa a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la décision de rejet de sa réclamation contentieuse, de prononcer la décharge partielle des sommes auxquelles elle a été assujettie au titre du prélèvement communal sur le produit des jeux pour les années 2015, 2016, et jusqu'au 1er février 2017, et en conséquence, de prononcer la restitution de la somme de 110 651 144 F CFP à titre de trop perçu.

Par un jugement n° 1800095 du 15 juin 2018, le Tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 septembre 2018, la société Casino de Nouméa, représentée par Me C... (D...) demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1800095 du 15 juin 2018 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) d'annuler la décision de rejet de sa réclamation contentieuse pour incompétence de l'auteur de l'acte ;

3°) de prononcer la décharge partielle des sommes auxquelles elle a été assujettie à hauteur de 432 131 430 F CFP au titre du prélèvement communal sur le produit des jeux pour les années 2015, 2016, et jusqu'au 1er février 2017 ;

4°) en conséquence de quoi, de ramener le montant des prélèvements à la somme de 321 480 285 F CFP ;

5°) de prononcer la restitution de la somme de 110 651 144 F CFP à titre de trop perçu de prélèvement communal sur le produit des jeux au titre des années 2015, 2016 et jusqu'au 1er février 2017 ;

6°) de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser la somme de 600 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de rejet de sa réclamation a été prise par une autorité incompétente ;

- son recours est un recours pour excès de pouvoir ;

- le territoire de la Nouvelle-Calédonie était seul compétent pour répondre à sa réclamation ;

- à supposer que la commune de Nouméa ait été compétente pour statuer, la décision prise pouvait être contestée ;

- la recevabilité de sa demande d'annulation ne saurait être mise en cause sauf à méconnaitre les principes constitutionnels d'intelligibilité de la loi ;

- le prélèvement litigieux est régi par les dispositions de l'article 890 du code des impôts ;

- cet article ainsi que les cahiers des charges en vigueur renvoient aux dispositions applicables au prélèvement territorial qui s'applique au produit net des jeux ;

- le directeur des services fiscaux a, dans sa réponse du 18 septembre 2015, précisé que la base du prélèvement communal est constituée par le produit net des jeux d'argent tel que défini à l'article 626 du code des impôts, avec toutefois un abattement de 30 %.

Par des mémoires en défense enregistrés les 15 janvier et 15 février 2019, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, représentée par Me B... E...), conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Casino de Nouméa la somme de 500 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la réclamation n'a pas été régulièrement présentée dans le cadre de la procédure prévue à l'article 1096 du code des impôts ;

- la demande à fin d'annulation est irrecevable ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 8 avril 2019, la clôture d'instruction a été fixée au

23 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;

- la délibération n° 91/CP du 20 septembre 1996 relative à des prélèvements sur les établissements des jeux de hasards (JONC 22 octobre 1996) ;

- le code des impôts de la Nouvelle-Calédonie ;

- le code de justice administrative dans sa rédaction applicable en Nouvelle-Calédonie.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par la présente requête, la SNC Casino de Nouméa relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à la décharge partielle des sommes auxquelles elle a été assujettie au titre du prélèvement communal sur le produit des jeux pour les années 2015, 2016, et jusqu'au 1er février 2017, et à la restitution de la somme de 110 651 144 F CFP à titre de trop perçu de prélèvement communal sur le produit des jeux au titre de cette période.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de rejet de la réclamation préalable :

2. La décision par laquelle l'administration statue sur la réclamation contentieuse du contribuable ne constitue pas un acte détachable de la procédure d'imposition. Elle ne peut, en conséquence, être déférée à la juridiction administrative par la voie du recours pour excès de pouvoir et ne peut faire l'objet d'un recours contentieux qu'au titre de la procédure fixée par les articles 1096 et suivants du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie. Dès lors, les conclusions de la SNC Casino de Nouméa tendant à l'annulation de la décision rejetant sa réclamation préalable sont en tout état de causes irrecevables. Il n'y a par suite pas lieu d'examiner les moyens soulevés à cette fin.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

3. Aux termes de l'article 890 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie : " Le cahier des charges, approuvé par le conseil municipal de la commune d'implantation d'un établissement de jeux de hasard régulièrement autorisé, peut comporter une clause instituant au profit de ladite commune un prélèvement sur le produit des jeux au maximum égal à 10 % de la même base que le prélèvement opéré au profit de la Nouvelle-Calédonie avec abattement à la base de 30 %. Le prélèvement est liquidé et contrôlé, sur une déclaration fournie et certifiée par l'administration fiscale, selon les mêmes procédures que la taxe territoriale. Il est recouvré par le comptable de la commune ".

4. Le prélèvement de 10 % auquel la société requérante a été soumise a été assis sur le produit brut des jeux avec un abattement forfaitaire à la base de 30 %. La société requérante fait valoir que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les impositions litigieuses procèdent de cahiers des charges aux termes desquels " le Casino verse à la commune un prélèvement sur le produit des jeux égal à 10% ayant la même base que le prélèvement opéré au profit du Territoire avec abattement à la base de 30 % ". Elle en déduit que le prélèvement, aux termes même des cahiers des charges, ne peut être égal à 10 % du produit brut des jeux, diminué d'un abattement au taux de 30 %, mais doit être établi sur la base du produit net des jeux avec abattement à la base de 30 %. Elle fait également valoir que l'établissement du prélèvement en cause sur la base du produit brut avec un abattement de 30 % est en tout état de cause contraire aux dispositions précitées de l'article 890 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie qui instituerait, au profit de la commune, un prélèvement sur le produit net des jeux.

5. Il résulte des dispositions de l'article 890 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, éclairées par les travaux préparatoires de la délibération n° 91/CP du congrès du territoire du 20 septembre 1996 dont elles sont issues, que le prélèvement sur le produit des jeux dont s'agit était celui précédemment institué par les cahiers des charges autorisant l'exploitation d'établissement de jeux, lesquels prévoyaient un prélèvement de 10 % sur le produit brut avec un abattement de 30 %, ainsi que par la délibération n° 26/CP du congrès du territoire du

23 juillet 1985, laquelle prévoyait un prélèvement de 7 % sur le produit brut. Si la société requérante fait valoir que la base à retenir pour l'établissement de ce prélèvement est le produit net de l'activité, le prélèvement opéré au profit de la Nouvelle-Calédonie étant établi sur les produits nets ainsi qu'il résulte des dispositions des articles 626 et 647 du code des impôts, une telle argumentation est dépourvue de portée dès lors que les dispositions de l'article 890 du code des impôts prévoient l'application d'un abattement forfaitaire de 30 % représentatif de charges. De la même manière, et contrairement à ce qui est soutenu, les cahiers des charges dont se prévaut la société doivent être regardés comme prévoyant effectivement un prélèvement sur le produit brut des jeux, les charges étant prises en compte, pour leur part, par le biais de l'abattement forfaitaire de 30 %. Par suite, les moyens tirés de ce que les cahiers des charges prévoient un prélèvement sur le produit net des jeux avec un abattement de 30 % et de ce que le prélèvement auquel la société requérante a été soumis ne serait pas conforme aux dispositions de l'article 890 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie issues de la délibération n° 91/CP du

20 septembre 1996 ne peuvent qu'être écartés, sans que la société requérante puisse utilement invoquer les modifications apportées à la législation par une loi postérieure aux années d'imposition.

6. Aux termes de l'article Lp. 983 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie : " Lorsque le redevable démontre qu'il a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions, circulaires ou réponses publiées au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie à une date antérieure à celle du fait générateur à laquelle se rapportent les impositions litigieuses et qu'elle n'avait pas modifiée au moment des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement d'impositions déjà établies, en soutenant une interprétation différente. / La même garantie bénéficie au contribuable, lorsque celui-ci démontre que l'interprétation du texte fiscal qui fait l'objet du différend, avait été, à l'époque, formellement admise dans une réponse individuelle qui lui avait été adressée suite à une demande de renseignements écrite, par le directeur des services fiscaux ou un agent de catégorie A ayant reçu spécialement délégation du président du gouvernement pour signer les réponses comportant une interprétation d'un texte fiscal, sous réserve que la réponse soit, elle-même, le cas échéant, conforme aux instructions, circulaires et réponses déjà publiées. / La garantie prévue au deuxième alinéa est applicable dans les mêmes conditions, lorsque la réponse individuelle à la demande de renseignements écrite du contribuable de bonne foi ou de son représentant habilité à cet effet, porte sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal. Le contribuable ne peut se prévaloir que des réponses qui lui ont été officiellement adressées et dans la mesure où la question a été posée de façon précise et complète. / En cas de changement de législation, les interprétations de textes fiscaux données par l'administration ne sont pas invocables pour l'application de la nouvelle législation. / Ne constituent pas des textes fiscaux pour l'application de cet article, les textes relatifs à la procédure d'imposition et au bienfondé des pénalités ".

7. La SNC Casino de Nouméa, qui demande la réduction et la restitution d'impositions primitives, ne peut, en tout état de cause, se prévaloir, sur le terrain de l'article Lp. 983 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, qui subordonne la mise en oeuvre de la garantie qu'il instaure à l'existence d'un rehaussement d'impositions antérieures, de l'interprétation de la loi fiscale donnée par le directeur des services fiscaux dans sa réponse du 18 septembre 2015.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre fin de non-recevoir soulevée par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande la société requérante au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société requérante le versement des sommes que demande le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie au titre de ces mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SNC Casino de Nouméa est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC Casino de Nouméa, au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et à la commune de Nouméa.

Délibéré après l'audience du 16 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique du 6 novembre 2019.

Le rapporteur,

F. A...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

2

N° 18PA02975


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02975
Date de la décision : 06/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : SELARL JEAN-JACQUES DESWARTE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-11-06;18pa02975 ?
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