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06/11/2019 | FRANCE | N°18PA02307

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 06 novembre 2019, 18PA02307


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle suivante : " la notion de " soins à la personne " telle qu'elle est prévue à l'article 132, paragraphe 1, sous b) et c), de la Directive 2006/112/CE, autorise-t-elle un Etat membre à poser un critère

absolu aux fins d'exonération de taxe sur la valeur ajoutée et privant en l'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle suivante : " la notion de " soins à la personne " telle qu'elle est prévue à l'article 132, paragraphe 1, sous b) et c), de la Directive 2006/112/CE, autorise-t-elle un Etat membre à poser un critère absolu aux fins d'exonération de taxe sur la valeur ajoutée et privant en l'espèce le praticien de la possibilité de faire valoir, dans le cadre des discussions avec l'administration fiscale, sa propre appréciation de la finalité de l'acte qu'il a pratiqué sur un patient donné ou l'appréciation portée par d'autres instances médicales ' ".

Par un jugement n° 1700706/2-1 du 9 mai 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 9 juillet et 26 décembre 2018,

M. C..., représenté par Me D... (E...), demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 9 mai 2018 ;

2°) de prononcer la décharge de l'imposition litigieuse à hauteur de 28 211 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et le versement d'une somme

de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les prestations de chirurgie litigeuses sont des actes thérapeutiques et doivent être exonérées de taxe sur la valeur ajoutée ;

- l'inscription sur la liste de la CCAM implique la reconnaissance d'un acte thérapeutique par la haute autorité de santé ;

- la nouvelle doctrine contenue au BOFIP dans sa mise à jour du 7 février 2018,

BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-10 n°43 reconnait l'inscription sur la liste de la CCAM comme critère de l'exonération ;

- les documents produits attestent de la finalité thérapeutique des actes litigieux ;

- le caractère thérapeutique doit être apprécié largement.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 décembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 7 janvier 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 28 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'arrêt Skatteverket c. PFC Clinic AB du 21 mars 2013 de la Cour de justice de l'Union européenne ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de la santé publique ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., qui exerce, à titre libéral, l'activité de chirurgie plastique réparatrice et esthétique, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité de son activité à l'issue de laquelle il s'est vu assigner, par une proposition de rectification du 20 novembre 2014, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 au motif que certains des actes pratiqués, non soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, ne constituaient pas des actes à finalité thérapeutique pouvant être exonérés. M. C... relève appel du jugement du

9 mai 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de ce contrôle pour un montant, en droits et pénalités, de 28 211 euros.

2. Le 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, pris pour la transposition des dispositions du c) du 1° du A de l'article 13 de la directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés du 17 mai 1977, repris au c) du paragraphe 1 de l'article 132 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, prévoit que sont exonérés de taxe sur la valeur ajoutée " les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées (...) ".

3. Il résulte, d'une part, des dispositions des directives mentionnées au point 2, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans son arrêt Skatteverket c. PFC Clinic AB du 21 mars 2013, que seuls les actes de médecine et de chirurgie esthétique dispensés dans le but " de diagnostiquer, de soigner et, dans la mesure du possible, de guérir " des personnes qui, par suite d'une maladie, d'une blessure ou d'un handicap physique congénital, nécessitent une telle intervention, poursuivent une finalité thérapeutique et doivent, dès lors, être regardés comme des " soins dispensés aux personnes " exonérés de taxe sur la valeur ajoutée. Il en va nécessairement de même des actes médicaux, tels que l'anesthésie, matériellement et économiquement indissociables de la prestation principale de soins médicaux exonérée. Il en va, en revanche, différemment lorsque ces actes n'obéissent en aucun cas à une telle finalité.

4. En vertu, d'autre part, des dispositions combinées des articles L. 6322-1 et R. 6322-1 du code de la santé publique, les actes de chirurgie esthétique, qui n'entrent pas dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie au sens de l'article L 321-1 du code de la sécurité sociale, sont des actes qui tendent à modifier l'apparence corporelle d'une personne, à sa demande, sans visée thérapeutique ou reconstructrice. Les actes de médecine ou de chirurgie esthétique à finalité thérapeutique relèvent des dispositions de l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, aux termes desquelles la prise en charge par l'assurance maladie est subordonnée à l'inscription sur la liste qu'elles mentionnent. Cette liste prévoit le remboursement des actes de médecine ou de chirurgie esthétique répondant, pour le patient, à une indication thérapeutique, évaluée le cas échéant sur entente préalable de l'assurance maladie.

5. Les dispositions du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, interprétées conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, doivent par suite être regardées comme subordonnant l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des actes de médecine et de chirurgie esthétique non à la condition que ces actes fassent l'objet d'un remboursement effectif par la sécurité sociale mais à celle qu'ils entrent dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie, ce qui suppose leur inscription sur la liste prévue par l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, établie selon des critères objectifs et rationnels. Toutefois, la seule inscription d'un acte sur la liste susmentionnée ne saurait suffire à le faire entrer dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie, certains actes pouvant avoir, selon les circonstances, une visée thérapeutique ou une visée non thérapeutique, l'assurance maladie subordonnant, d'ailleurs, le remboursement de certains de ces actes inscrits à un accord préalable délivré au cas par cas.

6. M. C... soutient que les actes à raison desquels il demande la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée poursuivaient une finalité thérapeutique. Il fait valoir que restent en litige différents actes classés sous les rubriques QEMA013, QZFA031, QZFA036, QAMA010, QBJB001, BAFA011, BAFA008, PDFA001, PDFA002 et QAEA007 de la classification commune des actes médicaux.

7. Il appartient au requérant, qui est seul en mesure de le faire, d'identifier, pour chaque opération dont il demande la prise en compte au titre de l'exonération, le montant encaissé et la date de l'encaissement, afin de permettre à la Cour de vérifier qu'il s'agit de sommes encore en litige après l'intervention du supérieur hiérarchique. Or, s'agissant des actes codifiés QAMA010, QEMA013, QFZA031, QFZA036, PDFA001, PDFA002, QAE007 et QBJB001 dont le requérant demande la prise en compte, les indications fournies ne permettent pas d'identifier le montant et la date des honoraires dont s'agit alors que, pour sa part, le ministre fait valoir sans être contesté que des actes de cette nature ont été admis au titre de l'exonération.

8. En outre il ne résulte pas de l'instruction que les actes codifiés QAMA010 correspondent à des actes remboursables. S'agissant des actes codifiés QZFA036, QEMA013, BAFA011, BAFA0008, QBJB001, QZFA031, QAEA007, remboursables selon les circonstances, les documents joints à la requête, d'ailleurs en grande partie difficilement lisibles, ne permettent pas de s'assurer du caractère thérapeutique desdits actes.

9. La doctrine administrative contenue au BOFIP dans sa mise à jour du 7 février 2018 et référencée BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-10 n°43 n'est en tout état de cause pas, eu égard à sa date, invocable sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que le requérant demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En l'absence de dépens, les conclusions présentées à ce titre par M. C... sont dépourvues d'objet.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 16 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. B..., premier conseiller,

Lu en audience publique du 6 novembre 2019.

Le rapporteur,

F. B...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 18PA02307


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02307
Date de la décision : 06/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : CABINET ARSENE TAXAND

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-11-06;18pa02307 ?
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