Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... F... et Mme A... F..., agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur fille Marylène F... et de leur fils M. B... F..., et Mme C... F... ont demandé au tribunal administratif de Melun de condamner l'Etat à leur verser la somme totale de 422 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de la carence de l'Etat dans la prise en charge adaptée de leur fils et frère, Maël F..., atteint de troubles autistiques.
Par un jugement n° 1510175 du 20 octobre 2017, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par un arrêt avant dire droit n° 17PA03629 du 18 avril 2019, la Cour a, d'une part, jugé que l'Etat devait être reconnu entièrement responsable des préjudices subis par les consorts F... du fait de l'absence de prise en charge spécifiquement adaptée aux troubles de Maël F... dans un institut médico-éducatif (IME) du 18 mars 2011 au 19 juin 2018 et, d'autre part, ordonné une mesure d'instruction aux fins pour les consorts F... de produire, d'une part, les avis d'imposition de M. et Mme F... à compter de l'année 2013, l'ensemble des bulletins de paie de M. F... pour la période comprise entre janvier 2010 et juin 2018, ainsi que tous éléments permettant d'établir leurs préjudices financiers et, d'autre part, tous éléments en leur possession susceptibles de justifier les frais postaux et des frais de déplacements que les consorts F... ont engagés dans le cadre de leur démarche tendant à ce que leur fils soit accueilli dans une structure adaptée.
Par un mémoire en production de pièces, enregistré le 19 mai 2019, les consorts F..., représentés par Me E..., doivent être regardés comme demandant également à être indemnisés des frais de santé restés à leur charge du fait de l'absence de prise en charge pluridisciplinaire adaptée aux troubles de Maël F... de 2011 à 2018.
Ils soutiennent que les frais d'équithérapie et de psychomotricité s'élèvent respectivement à 4 867 euros et 7 750 euros.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de l'éducation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- et les observations de M. F....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme F... sont parents de trois enfants dont Maël, né le 17 octobre 1998, atteint de troubles envahissants du développement associés à des éléments autistiques diagnostiqués le 30 juin 2010. Par une demande en date du 2 avril 2015, reçue le 3 avril 2015, les consorts F... ont sollicité du ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes le versement d'une somme totale de 186 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la carence des services de l'Etat dans la prise en charge adaptée de leur fils. Par une décision implicite, le ministre a rejeté leur demande. Les consorts F... relèvent appel du jugement du 20 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande indemnitaire. Par un arrêt avant-dire-droit du 18 avril 2019, la Cour a jugé que l'Etat devait être reconnu entièrement responsable des préjudices subis par les consorts F... du fait de l'absence de prise en charge pluridisciplinaire adaptée aux troubles de Maël F... dans un institut médico-éducatif (IME) du 18 mars 2011 au 19 juin 2018 et a ordonné une mesure d'instruction aux fins pour les consorts F... de produire les pièces permettant d'établir leurs préjudices. Ces pièces ont été produites le 19 mai 2019.
Sur les préjudices :
2. Les requérants sollicitent le remboursement des frais de santé restés à leur charge du fait de l'absence de prise en charge pluridisciplinaire adaptée aux troubles de Maël et produisent une note d'honoraires d'une psychomotricienne pour la période comprise entre 2011 et 2015 d'un montant total de 7 750 euros. Ces frais engagés par les parents de Maël résultent directement de l'impossibilité pour leur fils d'être accueilli au sein d'un institut médico-éducatif dans lequel de tels soins lui auraient été délivrés. Par suite, l'Etat est condamné à verser aux consorts F... la somme de 7 750 euros en remboursement des frais de santé restés à leur charge.
3. En revanche, le lien de causalité entre les frais engagés par les consorts F... pour une équithérapie et l'absence de prise en charge pluridisciplinaire adaptée aux troubles de Maël au sein d'un institut médico-éducatif n'est pas établi alors, au demeurant, que cette thérapie avait débuté dès 2009.
4. Les consorts F... sollicitent le remboursement des frais postaux et des frais de déplacement qu'ils ont engagés depuis le 10 octobre 2010 afin d'obtenir une place dans un établissement pouvant offrir une prise en charge pluridisciplinaire adaptée aux troubles de leur fils et évaluent ces frais à la somme forfaitaire de 2 000 euros. Les pièces versées au dossier, en particulier les très nombreux courriers adressés à plusieurs établissements susceptibles de prendre en charge leur fils, attestent des démarches de M. et Mme F.... Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en leur accordant de ce chef une somme de 200 euros.
5. Il résulte de l'instruction que M. F... a dû cesser partiellement son activité professionnelle pendant plus de sept ans pour s'occuper de son fils. Ainsi, il n'a pas pu exercer son activité professionnelle à temps plein d'avril 2011 à janvier 2012 avant de devoir également réserver une à deux journée par semaine pour la prise en charge de son fils qui ne pouvait être accueilli qu'à temps partiel par l'association Le Silence des Justes du 1er février 2012 au 18 juin 2018. Il ressort des avis d'imposition de M. et Mme F... au titre des années 2011 à 2018 et des bulletins de salaires de M. F... pour la période comprise entre janvier 2010 et juin 2018 que ce dernier justifie avoir subi une perte de revenus, par rapport à l'année 2010 pendant laquelle il a exercé son activité professionnelle à temps plein, de 14 431,31 euros, 9 588,04 euros, 2 027,77 euros, 156,79 euros, 838,37 euros et 367,88 euros au titre respectivement des années 2011 à 2016, soit une somme totale de 27 410,16 euros. Postérieurement à 2016, M. F... n'établit pas avoir subi de perte de revenus. Il convient de déduire de la somme de 27 410,16 euros le montant de l'allocation journalière de présence parentale perçue par M. et Mme F... pendant un an, d'avril 2011 à avril 2012, pour un montant total de 10 621,43 euros. Il s'ensuit que l'Etat est condamné à verser aux consorts F... la somme non contestée de 16 788,73 euros au titre de la perte de revenus de M. F....
6. Si les requérants soutiennent que M. F... a perdu une chance de voir son activité professionnelle évoluer financièrement et professionnellement en raison de son recours au travail à temps partiel pour pouvoir s'occuper de son fils sur la période en cause, il résulte de l'instruction que M. F..., qui est fonctionnaire et qui exerçait en 2011 les fonctions de gestionnaire des achats auprès de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, a bénéficié d'un échelon supplémentaire à compter d'août 2014. Dans ces conditions, M. F... ne démontre pas que la prise en charge de son fils à compter de 2011 ait eu une incidence professionnelle, en particulier sur le déroulement de sa carrière.
7. Il résulte de l'instruction que l'absence de prise en charge spécifiquement adaptée aux troubles de Maël F... dans un institut médico-éducatif du 18 mars 2011 au 19 juin 2018 a causé à ce dernier un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en évaluant à la somme de 8 000 euros l'indemnisation due à ce titre.
8. Il résulte de l'instruction que M. et Mme F... ont subi un préjudice moral et des troubles dans leurs conditions d'existence du fait de l'absence de prise en charge de leur fils dans un établissement adapté à ses troubles. En particulier, comme il a déjà été dit, M. F... a dû cesser partiellement son activité professionnelle pendant plus de sept ans pour s'occuper de son fils. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des préjudices de M. F... et de Mme F... en les évaluant respectivement à la somme de 7 000 euros et de 5 000 euros.
9. Il résulte de l'instruction que Adora F..., née en 1993, et Marylène F..., née en 2003, ont subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence en raison de l'absence de prise en charge adaptée de leur frère Maël du 19 mars 2011 au 1er février 2012 puis dans une moindre mesure par sa prise en charge partielle par l'association Le silence des Justes à compter du 1er février 2012. Il sera fait une juste appréciation des préjudices de Mme C... F..., âgée de 18 ans en 2011, et de Marylène F..., âgée de 8 ans en 2011, en les évaluant à 1 500 euros pour chacune d'elles.
10. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts F... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance exposés par les consorts F....
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1510175 du 20 octobre 2017 du tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme F... à titre personnel ainsi qu'en qualité de représentants légaux de leur fille Marylène F... et de co-tuteurs de leur fils M. B... F... la somme de 46 238,73 euros.
Article 3 : L'Etat versera à Mme C... F... la somme de 1 500 euros.
Article 4 : L'Etat versera aux consorts F... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête des consorts F... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F..., à Mme A... F..., à Mme C... F... et à la ministre des solidarités et de la santé.
Copie en sera dressée à l'agence régionale de santé d'Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme G..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 octobre 2019.
Le rapporteur,
V. G...Le président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
Y. HERBER La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA03629