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03/10/2019 | FRANCE | N°19PA01654

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 03 octobre 2019, 19PA01654


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... G... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2019 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1900790 du 4 avril 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 mai 2019, M. D..., représenté par Me B..., demande à

la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1900790 du 4 avril 2019 du magistrat désigné par le présid...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... G... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2019 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1900790 du 4 avril 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 mai 2019, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1900790 du 4 avril 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2019 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile en lui délivrant une attestation de demande d'asile en procédure normale et un formulaire de l'OFPRA, dans un délai de quinze jours sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de cinq jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. D... soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- sa situation personnelle n'a pas été examinée ;

- le préfet de police a méconnu l'article 23 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et le règlement n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 ;

- le préfet de police a méconnu les articles 3.2 et 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et a commis une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 août 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Le préfet de police soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une décision du 15 mai 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris a admis M. D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n°343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F... ;

- et les observations de Me B..., pour M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., de nationalité soudanaise, s'est présenté le 20 juin 2018 au guichet unique de la préfecture de police en charge de l'examen des demandeurs d'asile, aux fins d'enregistrement d'une demande de protection internationale. La consultation du fichier Eurodac ayant révélé que l'intéressé avait transité par l'Italie, le préfet de police a adressé aux autorités italiennes une demande de prise en charge de M. D..., en application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui a donné lieu à un accord implicite le 19 septembre 2018. Par un arrêté du 9 janvier 2019, le préfet de police a décidé de remettre M. D... aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par un jugement du 4 avril 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. D... tendant à l'annulation de cet arrêté. M. D... fait appel de ce jugement.

2. En premier lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. Ainsi, doit notamment être regardée comme suffisamment motivée, s'agissant d'un étranger en provenance d'un pays tiers ou d'un apatride ayant, au cours des douze mois ayant précédé le dépôt de sa demande d'asile, pénétré irrégulièrement au sein de l'espace Dublin par le biais d'un Etat membre autre que la France, la décision de transfert à fin de prise en charge qui, après avoir visé le règlement, fait référence à la consultation du fichier Eurodac sans autre précision, une telle motivation faisant apparaître que l'Etat responsable a été désigné en application du critère énoncé à l'article 13 du chapitre III du règlement.

3. L'arrêté attaqué vise notamment le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et mentionne qu'il est apparu, lors de la comparaison des empreintes digitales de M. D... au moyen du système Eurodac, que celui-ci avait franchi irrégulièrement les frontières de l'Italie le 29 mai 2018. Cet arrêté mentionne ensuite qu'en application de l'article 13 du règlement précité, les autorités italiennes devaient être regardées comme responsables de sa demande d'asile et que, saisies le 19 juillet 2018, elles ont accepté implicitement le 19 septembre 2018 sa prise en charge sur le fondement de l'article 22-7 du règlement. L'arrêté mentionne en outre que la situation de fait et de droit de l'intéressé ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 ou 17 de ce règlement, le préfet de police n'étant à cet égard pas tenu de rappeler l'ensemble des éléments de fait invoqués par M. D... à l'appui de sa demande d'application de l'article 17 formulée par courrier reçu le 27 décembre 2018. L'arrêté contesté mentionne ainsi avec suffisamment de précision les motifs de droit et de fait justifiant le transfert de M. D... vers l'Italie. Dès lors, cet arrêté est suffisamment motivé.

4. En deuxième lieu, compte tenu notamment de l'ensemble des mentions de l'arrêté contesté, il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation de M. D... n'aurait pas été examinée par le préfet de police.

5. En troisième lieu, M. D..., qui n'a pas déposé de demande d'asile en Italie, ne peut utilement soutenir que le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l'article 23 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et du règlement d'application n° 1560/2003 du 2 septembre 2003, dès lors que l'article 23, qui figure dans la section relative aux procédures applicables aux requêtes aux fins de reprise en charge, concerne la présentation d'une requête aux fins de reprise en charge lorsqu'une nouvelle demande d'asile a été introduite dans l'État membre requérant. En tout état de cause, il ressort des pièces produites en première instance que le préfet de police de Paris a été informé par un courrier de la direction générale des étrangers en France du 10 juillet 2018 que les empreintes de M. D..., identifiées sous la référence FR 1 9930155813, figuraient dans le fichier Eurodac comme ayant déjà été relevées en Italie le 29 mai 2018 sous la référence IT 2 AG041G3. Ont également été produits le formulaire adressé aux autorités italiennes en vue de la prise en charge de M. D... et l'accusé de réception électronique du 18 juillet 2018 délivré par l'application informatique " Dublinet ", ces deux documents portant la référence de l'intéressé en France, mentionnée par ailleurs sur le document destiné aux autorités italiennes constatant leur accord implicite et la confirmation de leur responsabilité pour la prise en charge de M. D..., qui fait état de la référence du dossier de l'intéressé en Italie. Dans ces conditions, le préfet de police doit être regardé comme produisant la preuve de l'envoi à l'Italie de la demande de prise en charge de M. D... dans le délai requis et de l'existence d'un accord tacite préalable à l'arrêté contesté.

6. En quatrième lieu, aux termes du point 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ". L'article 17 du même règlement dispose : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

7. L'Italie, Etat membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. M. D..., qui n'a pas déposé de demande d'asile en Italie, n'apporte aucun élément probant susceptible d'établir qu'il existerait des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie, en se bornant à faire état de rapports et de communiqués de presse d'organisations non gouvernementales, au demeurant largement antérieurs à l'arrêté contesté, et de considérations d'ordre général sur la situation politique italienne. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier des motifs sérieux et avérés de nature à établir que la demande d'asile de M. D... ne serait pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par ailleurs, si M. D... soutient qu'il est suivi médicalement au service génétique de l'hôpital Necker pour un syndrome malformatif et bénéficie par ailleurs d'une prise en charge psychiatrique, il ne ressort pas des pièces du dossier que les traitements requis par son état de santé ne seraient pas disponibles en Italie ou qu'il ne pourrait y bénéficier d'une prise en charge médicale appropriée ni qu'il ne pourrait voyager sans risque vers ce pays. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du point 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté. Pour les mêmes motifs, doivent être écartés les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet de police en décidant que la demande d'asile de M. D... ne serait pas examinée en France en application de l'article 17 du même règlement et de ce que l'intéressé serait exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de remise aux autorités italiennes, en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête doit dès lors être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à ce que l'Etat, qui n'est pas partie perdante, supporte les frais liés au litige en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... G... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme E..., présidente de chambre,

- M. Legeai, premier conseiller,

- M. F..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 octobre 2019.

Le rapporteur,

F. F...La présidente,

S. E... Le greffier,

M. C...La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA01654


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01654
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : PERE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-10-03;19pa01654 ?
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