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03/10/2019 | FRANCE | N°19PA00981

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 03 octobre 2019, 19PA00981


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2018 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite.

Par un jugement n° 1820920/3-3 du 5 février 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête

enregistrée le 5 mars 2019, Mme E..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2018 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite.

Par un jugement n° 1820920/3-3 du 5 février 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 mars 2019, Mme E..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1820920/3-3 du 5 février 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2018 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le refus de titre de séjour contesté a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration étant incomplet ;

- il méconnaît les stipulations du point 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie d'exception ;

- elle méconnait les stipulations des articles 2, 3, et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 juin 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante algérienne née en juin 1954 et entrée en France le 20 août 2013 selon ses déclarations, a bénéficié d'un titre de séjour temporaire valable jusqu'au 14 juin 2017 dont elle a sollicité le renouvellement sur le fondement des stipulations du point 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles. Par un arrêté du 31 juillet 2018, le préfet de police a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi. Mme E... fait appel du jugement du 5 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, également applicable aux demandes des ressortissants algériens, dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

3. L'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) rendu le 20 mars 2018 sur le cas de Mme E... mentionne que l'état de santé de celle-ci nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont l'intéressée est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il est constant que ce certificat, établi sur le modèle figurant à l'annexe C à l'arrêté, ne comporte aucune mention dans la rubrique relative aux " éléments de procédure " où ne sont pas même cochées les cases " non " au regard de l'énumération des différentes diligences que peuvent effectuer le médecin rapporteur puis le collège lui-même, et ne précise donc pas si, devant ce médecin ou le collège, l'étranger a été, ou non, convoqué, si des examens complémentaires ont été, ou non, demandés et si l'étranger a été conduit, ou non, à justifier de son identité. Toutefois la requérante, qui ne prétend pas avoir été convoquée, astreinte à des examens médicaux complémentaires ou invitée à mieux justifier de son identité, ne démontre ni même n'allègue que l'absence de ces mentions dans l'avis remis au préfet de police et sur la base duquel il a pris sa décision l'aurait privée d'une garantie ou aurait influé sur le sens de sa décision. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 précité doit être écarté.

4. En deuxième lieu, l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 stipule : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : / (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".

5. Pour refuser le 31 juillet 2018 le renouvellement du titre de séjour de Mme E..., le préfet de police a estimé, conformément à l'avis précité du 20 mars 2018 des médecins du collège de l'OFII, qu'elle pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Pour contester cette appréciation, Mme E... produit un certificat médical établi le 7 novembre 2018 par un professeur du service de néphrologie de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière qui indique être le médecin qui a pris en charge son fils, né en 1975, pour une greffe de reins effectuée en 2009 et relate que Mme E... l'a rejoint en 2013 pour l'accompagner et " améliorer " sa propre situation médicale. Ce certificat médical indique ainsi que Mme E... a bénéficié en 2014 de la pose de prothèses aux deux genoux et qu'elle fait l'objet d'un suivi cardiaque, pour lequel lui serait prescrit un médicament qui n'existe pas en Algérie. Toutefois ni ce certificat médical, établi par un praticien qui n'est pas le médecin de Mme E..., ni les attestations de deux pharmaciens d'Alger et Blida et du chef de service chirurgie thoracique et vasculaire du centre hospitalo-universitaire de Tizi-Ouzou indiquant que deux des médicaments prescrits à Mme E... ne sont pas commercialisés en Algérie ne sont suffisants pour démontrer, contrairement à ce qu'ont estimé les médecins du collège de l'OFII, que Mme E... ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié dans son pays d'origine en bénéficiant le cas échéant de médicaments équivalents. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du point 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision par laquelle le préfet de police a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme E... n'est pas illégale. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté.

7. En deuxième lieu, l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi (...) ". L'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

8. Mme E... soutient que faute de pouvoir bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Algérie, elle s'expose à des traitements inhumains et dégradants en violation des stipulations précitées. Toutefois, comme il a été dit au point 5, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme E... ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé en cas de retour en Algérie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

9. En troisième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

10. Mme E... fait valoir qu'elle est entourée en France de deux de ses enfants et de son gendre et qu'elle vit chez son fils, titulaire d'une carte d'invalidité, qu'elle assiste. Toutefois, Mme E... n'établit pas que sa présence serait indispensable au soutien de son fils âgé de 43 ans. Il ressort en outre de la " fiche de salle " remplie par Mme E... lors de l'examen de sa situation que son mari et ses six autres enfants résident en Algérie, où elle se rend régulièrement comme le révèle l'examen de son passeport. Dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet de police aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport au but poursuivi. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête d'appel ne peut qu'être rejetée, y compris par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles tendant à ce que l'Etat, qui n'est partie perdante, supporte les frais de procédure en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme F..., présidente de chambre,

- M. C..., premier-conseiller,

- M. Platillero, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 3 octobre 2019.

Le rapporteur,

A. C... La présidente,

S. F...

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

19PA00981


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00981
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : MARMIN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-10-03;19pa00981 ?
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