Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2017 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.
Par un jugement n° 1803369/5-1 du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 19 décembre 2018, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1803369/5-1 du 7 juin 2018 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2017 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme C... soutient que :
- le préfet de police a abrogé les décisions contestées en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour ;
- en ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour, le titre dont elle a demandé le renouvellement n'a pas été obtenu frauduleusement ; son acte de naissance fait foi, en application de l'article 47 du code civil ;
- le préfet de police a méconnu les dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est fondée à se prévaloir de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet de police a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français, la décision est illégale par voie d'exception ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- en ce qui concerne la décision fixant le pays de destination, cette décision est illégale par voie d'exception ;
- la décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un courrier du 6 septembre 2019, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de constater d'office qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, dès lors que le préfet de police avait retiré cette décision en délivrant le 19 mars 2019 une autorisation provisoire de séjour à Mme C....
Par un mémoire enregistré le 6 septembre 2019, Mme C... demande à la Cour :
1°) de constater que du fait de la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, ses demandes à fin d'annulation n'ont plus lieu d'être ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un mémoire enregistré le 10 septembre 2019, le préfet de police demande à la Cour :
1°) de constater que Mme C... s'est désistée de ses conclusions à fin d'annulation ;
2°) en tout état de cause, de constater le non-lieu à statuer en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination et de rejeter le surplus des conclusions de la requête.
Le préfet de police soutient que les moyens dirigés contre le refus de titre de séjour ne sont pas fondés.
Par une décision du 6 novembre 2018, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris a admis Mme C... à l'aide juridictionnelle partielle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. F... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., de nationalité nigériane et entrée en France en août 2009 selon ses déclarations, a demandé le renouvellement du titre de séjour qui lui avait été délivré par le préfet du Nord, sur le fondement du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, selon lequel " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française (...) ". Par un arrêté du 30 octobre 2017, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office. Mme C... fait appel du jugement du 7 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'étendue du litige :
2. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a délivré à Mme C... le 19 mars 2019, postérieurement à l'enregistrement de la requête d'appel, une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au 18 septembre 2019, sur le fondement de l'article L. 316-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans la mesure où la délivrance de cette autorisation a eu nécessairement pour effet d'abroger implicitement les décisions contestées du 30 octobre 2017 obligeant Mme C... à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office, les conclusions de la requête tendant à l'annulation de ces décisions se trouvent privées d'objet. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur ces conclusions. En revanche, la délivrance d'une telle autorisation provisoire de séjour n'est pas de nature à priver d'objet les conclusions de la requête tendant à l'annulation de la décision du 30 octobre 2017 refusant à Mme C... le renouvellement du titre de séjour qu'elle avait précédemment obtenu sur un autre fondement et ne vaut pas plus abrogation de cette décision. Il ne ressort pas des termes du mémoire présenté par Mme C... le 6 septembre 2019 que celle-ci ait entendu se désister de ses décisions à fin d'annulation de ce refus de séjour.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, selon l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a été admise au séjour le 7 janvier 2014 sur le fondement du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en tant que ressortissante nigériane née le 10 août 1995 à Benin City, ayant bénéficié depuis mai 2011 d'un placement auprès de l'aide sociale à l'enfance dans le cadre de la protection d'une mineure en danger, l'intéressée ayant déclaré avoir été contrainte de se prostituer dès son entrée en France en octobre 2009 à l'âge de quatorze ans. Elle a produit à l'appui de sa demande un acte de naissance prétendument établi par la commission nationale de la population du Nigéria mentionnant cette date de naissance. Toutefois, si Mme C... soutient que cet acte de naissance fait foi, il est constant que ledit acte n'a pas fait pas l'objet d'une légalisation par les autorités nigérianes permettant de l'authentifier. En outre, l'intéressée a sollicité le 1er septembre 2009 son admission au séjour au titre de l'asile, en tant que ressortissante nigériane née le 10 août 1986 à Benin City, en produisant à l'appui de sa demande un certificat de naissance établi par la commission nationale de la population du Nigéria, dont l'écriture est d'ailleurs similaire à celle figurant sur le second acte de naissance, mentionnant cette dernière date de naissance. Enfin, Mme C... a produit à l'appui de sa demande de renouvellement de titre de séjour deux passeports délivrés à Paris par les autorités nigérianes, valides et mentionnant le 14 avril 1979 comme date de naissance, sans que ne soient précisés les documents qui ont été présentés en vue de l'obtention de ces passeports. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la valeur probante de l'acte de naissance produit par Mme C... à l'appui de sa demande de titre de séjour initiale, mentionnant le 10 août 1995 comme date de naissance, ne peut être regardée comme établie. A cet égard, contrairement à ce que soutient l'intéressée, l'attestation de nationalité établie par l'ambassade du Nigéria à Paris le 3 octobre 2013, mentionnant une date de naissance le 10 août 1995, se borne à confirmer sa nationalité mais ne constitue pas un document d'état civil probant, aucune information relative aux documents qui auraient été présentés pour obtenir cette attestation n'étant d'ailleurs apportée. Par suite, l'âge de la requérante n'étant pas déterminé à défaut de toute pièce probante d'état civil et ne pouvant pas l'être par des considérations générales relatives à sa situation personnelle, le préfet de police n'a commis ni erreur de fait ni erreur de droit en estimant que Mme C... avait été admise au séjour sur le fondement de fausses déclarations et de documents inexacts et que la fraude ainsi commise faisait obstacle au renouvellement de son titre de séjour, obtenu sur le fondement du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En deuxième lieu, les dispositions, rappelées au point 1, du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile subordonnent la délivrance de la carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à la condition que l'étranger ait été confié, " depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans ", au service de l'aide sociale à l'enfance. Ainsi qu'il a été dit précédemment, l'état civil de Mme C..., et ainsi l'âge auquel elle a été confiée au service d'aide sociale à l'enfance, ne peuvent être regardés comme établis. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle était fondée à se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".
8. Mme C... ne peut utilement se prévaloir des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle n'a pas présenté de demande de titre de séjour sur leur fondement.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Mme C... fait valoir qu'elle est entrée en France en 2009 et qu'elle a été contrainte de se livrer à la prostitution alors qu'elle était mineure. Toutefois, d'une part, elle s'est maintenue sur le territoire français en situation irrégulière puis n'a pas déféré à l'obligation de quitter le territoire français délivrée à son encontre le 29 février 2012 à la suite du rejet de sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile et est restée en France régulièrement à la faveur de titres de séjour obtenus grâce à un certificat de nationalité dont l'authenticité n'est pas établie. Par ailleurs, Mme C... est célibataire et soutient ne pas avoir d'enfants, sa famille résidant au Nigéria, et ne justifie d'aucune vie privée en France en se bornant à faire état qu'elle bénéficie du soutien d'une association, ni d'une vie sociale et professionnelle d'une intensité particulière, les emplois dont elle se prévaut n'ayant pu être occupés que grâce à des titres de séjour obtenus sur le fondement de documents d'état civil non probants. Dans ces conditions, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de police n'a pas porté au droit de Mme C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision contestée sur la situation personnelle de Mme C....
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 octobre 2017 par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Ses conclusions à fin d'annulation de cette décision doivent dès lors être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, n'implique pas que le préfet de police délivre à Mme C... un titre de séjour " vie privée et familiale " ou réexamine sa situation au regard de son droit au séjour. Les conclusions à fin d'injonction doivent ainsi être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat au profit de Me B..., avocat de Mme C..., la somme que celle-ci demande sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme C... dirigées contre les décisions du préfet de police du 30 octobre 2017 portant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays de renvoi.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme E..., présidente de chambre,
- M. Legeai, premier conseiller,
- M. F..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 3 octobre 2019.
Le rapporteur,
F. F...La présidente,
S. E... Le greffier,
M. A...La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA03981