Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... D... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1714808 du 24 septembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 22 novembre 2018, M. et Mme D..., représentés par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1714808 en date du 24 septembre 2018 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.
Ils soutiennent que :
- ils n'ont pas été informés de la teneur des renseignements obtenus par l'administration auprès de la société " Book Your Paris " avant la mise en recouvrement en méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
- l'administration ne les a informés de l'existence d'un relevé des opérations pour l'année 2013 et notamment d'un contrat de bail en date du 9 décembre 2013 que dans le mémoire en défense présenté par l'administration devant le tribunal ;
- les prestations de location meublées n'ont été réalisées qu'à compter du 3 janvier 2014 ;
- l'activité de la SCI n'était donc pas commerciale au cours de l'année 2013 ;
- la doctrine administrative précise que le contribuable qui ne se livre qu'occasionnellement à des opérations de location en meublé n'exerce pas une profession commerciale ;
- la simple intention de procéder à des locations meublées ou la réalisation d'actes préparatoires, en l'absence de location effective, ne suffit pas à caractériser une activité commerciale.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 mars 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient, à titre principal, que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés et demande, à titre subsidiaire, une substitution de base légale, le 3 du I de l'article 156 du code général des impôts s'opposant à l'imputation des déficits fonciers en litige sur le revenu global des époux D....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme D... sont les associés de la SCI des 9 Bernardins, propriétaire d'un studio situé au 9 rue des Bernardins, à Paris 5ème, qui a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des années 2012 à 2014. A l'issue de ce contrôle, le service a estimé que la SCI avait eu une activité commerciale au cours de l'année 2013 et devait être assujettie à l'impôt sur les sociétés. En conséquence, le service a remis en cause le déficit foncier déclaré par les requérants au titre des résultats de la SCI et a mis à leur charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2013. Ils font appel du jugement du 24 septembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande de charge de ces suppléments d'impôt.
Sur la régularité de la procédure :
2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". S'il incombe à l'administration d'informer le contribuable dont elle envisage d'arrêter tout ou partie des bases d'imposition par voie de taxation ou d'évaluation d'office, de la teneur des renseignements qu'elle a pu recueillir dans l'exercice de son droit de communication, afin que l'intéressé soit mis à même de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition, elle n'est tenue à cette obligation qu'en ce qui concerne ceux de ces renseignements qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements.
3. D'une part, la proposition de rectification adressée le 4 décembre 2015 à la SCI des 9 Bernardins mentionnait que l'exercice par l'administration de son droit de communication auprès de la société " Book Your Paris " avait permis de recueillir des renseignements tenant à l'existence d'un contrat de gestion immobilière en date du 20 avril 2013, précisant que le studio était neuf et meublé et que la SCI avait encaissé des loyers pour les périodes du 3 janvier au 15 juillet 2014 et du 23 octobre 2014 à avril 2015.
4. D'autre part, la proposition de rectification adressée le 7 décembre 2015 à M. et Mme D... mentionne qu'elle fait suite à la vérification de comptabilité de la SCI des 9 Bernardins et entend tirer les conséquences, sur leurs revenus, de la remise en cause du caractère civil de l'activité exercé par cette société. Il est, sur ce point, expressément fait référence à la proposition de rectification adressée le 4 décembre 2015 à l'adresse personnelle de M. D..., en sa qualité de gérant de la SCI. Dans ces circonstances, les requérants doivent être regardés comme ayant été informés de l'origine et de la teneur des renseignements que l'administration a recueilli dans l'exercice de son droit de communication et sur lesquels elle avait effectivement fondé les rehaussements en litige. Le moyen tiré d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B précité manque ainsi en fait.
5. Par ailleurs, si M. et Mme D... font valoir que l'administration a, pour la première fois devant le tribunal, fait état d'un contrat de bail en date du 9 décembre 2013 et d'une reddition de comptes pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, ces informations n'ont pas été utilisées avant la mise en recouvrement pour établir les impositions, de sorte que les requérants ne sauraient se prévaloir d'une méconnaissance, dans cette mesure, des prescriptions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
6. Aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif (...) sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société (...) / Il en est de même, sous les mêmes conditions : 1° Des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l'une des formes de sociétés visées au 1 de l'article 206 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 ". Toutefois, aux termes du 2 de l'article 206 du même code, relatif à l'impôt sur les sociétés, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Sous réserve des dispositions de l'article 239 ter, les sociétés civiles sont également passibles [de l'impôt sur les sociétés], même lorsqu'elles ne revêtent pas l'une des formes visées au 1, si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 (...) ". Une société civile donnant habituellement en location des locaux garnis de meubles doit être regardée comme exerçant une activité commerciale au sens de l'article 34 du code général des impôts et, par suite, est passible de l'impôt sur les sociétés par application du 2 de l'article 206 du même code.
7. Il résulte de l'instruction qu'en février et juillet 2013, la SCI des 9 Bernardins a acquis des meubles pour l'appartement qu'elle a rénové et les a comptabilisés en charges. Il en ressort également qu'au cours de l'année 2013, elle a conclu avec la société
" Book Your Paris " un contrat de gestion immobilière portant sur la location d'un studio neuf et meublé. Si le bien n'a effectivement été loué qu'à compter du 3 janvier 2014, la SCI des 9 Bernardins a eu, dès l'année 2013, pour activité la location, à titre habituel, de locaux meublés, quand bien même elle n'a perçu aucun loyer au cours de cette année. Il suit de là que la SCI des 9 Bernardins doit être regardée comme s'étant livrée à une activité commerciale au sens de l'article 34 du code général des impôts, la rendant, par suite, passible de l'impôt sur les sociétés. Dès lors, M. et Mme D..., associés de la SCI, ne pouvaient, sur le fondement de l'article 8 du code général des impôts, procéder à l'imputation des déficits constatés par la SCI sur leur revenu imposable au titre de l'année 2013.
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
8. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...) ".
9. En premier lieu, M. et Mme D... ne sont pas fondés à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de l'instruction administrative publiée sous la référence BOI-BIC-CHAMP-40-20 affirmant notamment que " le contribuable qui ne se livre qu'occasionnellement à des opérations de location en meublé n'exerce pas une profession commerciale ", qui ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait ici application.
10. En second lieu, M. et Mme D... peuvent être regardés comme se prévalant également de l'application de la réponse ministérielle Berger n° 33593 du 11 mai 1981, relative à l'imposition de certaines sociétés à l'impôt sur les sociétés, selon laquelle, d'une part, les sociétés civiles qui se livrent à des opérations présentant un caractère commercial ne sont pas soumises à l'impôt sur les sociétés tant que le montant hors taxe de leurs recettes de nature commerciale n'excèdent pas 10 % du montant de leurs recettes totales hors taxe. D'autre part, cette doctrine admet, afin de limiter les conséquences du franchissement occasionnel de ce seuil de 10 %, que la société civile ne soit pas effectivement soumise à l'impôt sur les sociétés au titre de l'année de dépassement si la moyenne des recettes hors taxes, de nature commerciale, réalisées au cours de l'année en cause et des trois années antérieures n'excède pas 10 % du montant moyen des recettes totales hors taxes réalisées au cours de la même période. Toutefois, alors que la SCI des 9 Bernardins n'a eu qu'une activité commerciale et n'a eu aucune recette en dehors de ses recettes commerciales, les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du bénéfice des énonciations de la doctrine précitées.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... D... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris (Pôle contrôle fiscal et affaires juridiques - service du contentieux d'appel déconcentré).
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Poupineau, président-assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 octobre 2019.
Le rapporteur,
F. A...Le président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA03648