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03/10/2019 | FRANCE | N°18PA03627

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 03 octobre 2019, 18PA03627


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler, d'une part, la décision du préfet de police du 19 décembre 2017 procédant au classement sans suite de sa demande d'acquisition de la nationalité française en application de l'article 40 du décret du 30 décembre 1993, d'autre part, la décision du même préfet du 23 février 2018 ajournant sa demande d'acquisition de la nationalité française en application de l'article 44 du même décret et de condamner l'Etat à lui verser une indemni

té en réparation du préjudice matériel et moral subi.

Par une ordonnance n° 180...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler, d'une part, la décision du préfet de police du 19 décembre 2017 procédant au classement sans suite de sa demande d'acquisition de la nationalité française en application de l'article 40 du décret du 30 décembre 1993, d'autre part, la décision du même préfet du 23 février 2018 ajournant sa demande d'acquisition de la nationalité française en application de l'article 44 du même décret et de condamner l'Etat à lui verser une indemnité en réparation du préjudice matériel et moral subi.

Par une ordonnance n° 1801792/6-1 du 15 novembre 2018, le président de la 6ème section du tribunal administratif de Paris a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande d'annulation de la décision du 23 février 2018 et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 novembre 2018, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1801792/6-1 du 15 novembre 2018 du président de la 6ème section du tribunal administratif de Paris ;

2°) à titre principal, de renvoyer sa demande devant le tribunal administratif de Nantes ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision par laquelle le ministre chargé des naturalisations a rejeté son recours contre la décision du préfet de police du 23 février 2018, de lui enjoindre de réexaminer l'affaire et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation des préjudices subis ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le premier juge aurait dû regarder sa demande d'annulation comme dirigée contre la décision implicite de rejet du ministre de l'intérieur qui s'est substituée, sur recours préalable obligatoire exercé le 23 mars 2018, à la décision du 23 février 2018 dont il demandait l'annulation, et renvoyer le jugement de sa requête au tribunal administratif de Nantes ; il a commis une erreur de droit en constatant un non-lieu à statuer ;

- même présentées prématurément, ses conclusions indemnitaires ont été régularisées en cours d'instance ; elles n'étaient pas irrecevables ;

- la décision ajournant sa demande de naturalisation est entachée d'erreur d'appréciation.

Par un mémoire enregistré le 12 juillet 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête en tant qu'elle concerne la décision de classement sans suite du 19 décembre 2017, au renvoi au tribunal administratif de Nantes des autres conclusions et au rejet des conclusions fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions dirigées contre la décision de classement sans suite du 19 décembre 2017 étaient bien irrecevables ;

- le premier juge aurait dû regarder les conclusions contre la décision d'ajournement comme étant dirigées contre la décision ministérielle et renvoyer l'affaire au tribunal administratif de Nantes ;

- en cas d'évocation, les moyens dirigés contre sa décision sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public,

- les observations de Me D..., avocat de M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., réfugié de nationalité russe, a présenté une demande de naturalisation enregistrée le 28 septembre 2016 à la préfecture de police. Le 19 décembre 2017, le préfet de police a procédé au classement sans suite de sa demande. Après en avoir repris l'instruction, il l'a ajournée à deux ans par une décision du 23 février 2018. M. C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler, d'une part, la décision du 19 décembre 2017 classant sans suite sa demande de naturalisation, et, d'autre part, la décision du 23 février 2018 l'ajournant pour une durée de deux ans. Il a également formulé des conclusions indemnitaires, non chiffrées, en réparation des préjudices matériel et moral subis. Il fait appel de l'ordonnance du 15 novembre 2018 par laquelle le président de la 6ème section du tribunal administratif de Paris a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 23 février 2018 et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

2. L'article R. 222-1 du code de justice administrative dispose : " (...) Les (...) présidents des formations de jugement des tribunaux et des cours peuvent (...) par ordonnance : (...) 3° Constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur une requête ; 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ".

Sur la régularité de l'ordonnance en tant qu'elle a rejeté comme irrecevables les conclusions dirigées contre la décision de classement sans suite du 19 décembre 2017 :

3. Il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté que le préfet de police a repris l'instruction de la demande de M. C..., et ainsi retiré la décision de classement sans suite, dès le 8 janvier 2018, antérieurement à la saisine du tribunal administratif. Les conclusions tendant à l'annulation de la décision de classement sans suite du 19 décembre 2017 étaient donc sans objet à la date de saisine du tribunal administratif. M. C..., qui n'expose d'ailleurs aucun moyen à l'encontre de cette partie de l'ordonnance attaquée, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a, sur ce point, rejeté sa requête.

Sur la régularité de l'ordonnance en tant qu'elle a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la décision d'ajournement du 23 février 2018 :

4. L'article 44 du décret du 30 décembre 1993 relatif à la manifestation de volonté, aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française dispose : " Si le préfet du département de résidence du postulant ou, à Paris, le préfet de police estime, même si la demande est recevable, qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. / Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient au postulant, s'il le juge opportun, de formuler une nouvelle demande (...) ". Aux termes de l'article 45 du même décret : " Dans les deux mois suivant leur notification, les décisions prises en application des articles 43 et 44 peuvent faire l'objet d'un recours auprès du ministre chargé des naturalisations, à l'exclusion de tout autre recours administratif. / Ce recours, pour lequel le demandeur peut se faire assister ou être représenté par toute personne de son choix, doit exposer les raisons pour lesquelles le réexamen de la demande est sollicité. Il constitue un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier. / Le silence gardé par le ministre chargé des naturalisations sur ce recours pendant plus de quatre mois vaut décision de rejet du recours ".

5. Il ressort des pièces du dossier qu'après avoir saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande d'annulation de la décision du préfet de police ajournant, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 44 du décret du 30 décembre 1993, sa demande de naturalisation, M. C... a, le 23 mars 2018, saisi le ministre chargé des naturalisations du recours préalable obligataire prévu par l'article 45 du même texte. Par décision du 19 août 2018, le ministre de l'intérieur a maintenu la décision d'ajournement contestée. Dans ces conditions, et alors même que M. C... n'a pas formulé de demande expresse d'annulation de la décision ministérielle qui s'est substituée à la décision du préfet de police, le tribunal administratif de Paris ne pouvait pas constater que les conclusions dirigées contre la décision d'ajournement étaient devenues sans objet mais devait les regarder comme dirigées contre cette décision ministérielle.

6. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle constate qu'il n'y a pas lieu à statuer sur ses conclusions relatives à la décision d'ajournement de sa demande de naturalisation.

7. Le deuxième alinéa de l'article R. 312-18 du code de justice administrative dispose : " Par dérogation au second alinéa de l'article R. 312-1, le tribunal administratif de Nantes est compétent pour connaitre des recours dirigés contre les décisions du ministre chargé des naturalisations prise en application de l'article 45 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ".

8. Il y a lieu pour la Cour, en application de ces dispositions, de renvoyer au tribunal administratif de Nantes le jugement des conclusions de la demande de M. C... dirigées contre la décision d'ajournement de sa demande de naturalisation.

Sur la régularité de l'ordonnance en tant qu'elle rejette les conclusions indemnitaires :

9. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction résultant du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 portant modification du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ". Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence d'une décision de l'administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au versement d'une somme d'argent est irrecevable et peut être rejetée pour ce motif même si, dans son mémoire en défense, l'administration n'a pas soutenu que cette requête était irrecevable, mais seulement que les conclusions du requérant n'étaient pas fondées. En revanche, les termes du second alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative n'impliquent pas que la condition de recevabilité de la requête tenant à l'existence d'une décision de l'administration s'apprécie à la date de son introduction. Cette condition doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l'administration a pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle. Par suite, l'intervention d'une telle décision en cours d'instance régularise la requête, sans qu'il soit nécessaire que le requérant confirme ses conclusions et alors même que l'administration aurait auparavant opposé une fin de non-recevoir fondée sur l'absence de décision.

10. M. C... a présenté sa demande indemnitaire dans des courriers reçus par le préfet de police le 12 février 2018 et par le ministre de l'intérieur les 9 et 12 février 2018. Ainsi, alors même que la demande préalable était postérieure à la saisine du tribunal administratif, une décision implicite de rejet de ces demandes indemnitaires était née le 15 novembre 2018, date à laquelle le premier juge a statué. La demande indemnitaire ayant été régularisée en cours d'instance, le premier juge ne pouvait la rejeter au motif qu'elle était manifestement irrecevable pour n'avoir pas été précédée d'une décision de l'administration dans les conditions prévues par l'article R. 421-1 du code de justice administrative.

11. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle rejette ses conclusions indemnitaires.

12. Dans les circonstances de l'espèce, compte tenu du lien entre la contestation de la légalité des décisions prises sur la demande de naturalisation de M. C... et ses conclusions indemnitaires, il y a lieu de renvoyer l'examen de sa demande indemnitaire au tribunal administratif de Nantes.

Sur les frais liés au litige :

13. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat (ministère de l'intérieur) une somme de 1 000 euros à verser à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1801792/6-1 du 15 novembre 2018 du président de la 6ème section du tribunal administratif de Paris est annulée en tant qu'elle rejette les conclusions de M. C... tendant à l'annulation de la décision d'ajournement de sa demande de naturalisation et à la condamnation de l'administration à lui verser une indemnité.

Article 2 : Le jugement des conclusions de première instance de M. C... tendant à l'annulation de la décision d'ajournement de sa demande de naturalisation et à la condamnation de l'administration à lui verser une indemnité est renvoyé au tribunal administratif de Nantes.

Article 3 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F... C..., au ministre de l'intérieur et au tribunal administratif de Nantes.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme E..., président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Legeai, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 octobre 2019.

Le président-assesseur,

S. DIEMERT La présidente de chambre,

rapporteur

S. E... Le greffier,

M. A...La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 18PA03627


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03627
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Sylvie PELLISSIER
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : PERRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-10-03;18pa03627 ?
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