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03/10/2019 | FRANCE | N°18PA03380

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 03 octobre 2019, 18PA03380


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2018 par lequel le préfet de police a ordonné son transfert aux autorités italiennes, responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1812909/8 du 11 septembre 2018, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Paris a admis provisoirement M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requ

te et des pièces complémentaires, enregistrées les 24 octobre 2018 et 11 février 2019, M. A......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2018 par lequel le préfet de police a ordonné son transfert aux autorités italiennes, responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1812909/8 du 11 septembre 2018, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Paris a admis provisoirement M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées les 24 octobre 2018 et 11 février 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1812909/8 du 11 septembre 2018 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2018 par lequel le préfet de police a décidé de son transfert aux autorités italiennes, responsables de sa demande d'asile ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé ;

- son droit à l'information, prévu par l'article 4 du règlement (UE) du 26 juin 2013, a été méconnu ;

- l'arrêté litigieux méconnaît les articles 3.2 et 17 du règlement (UE) 604/2013 ;

- l'arrêté litigieux méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 avril 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés et informe la cour que celui-ci a été effectivement remis aux autorités italiennes le 28 février 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sénégalais né en février 1985, a sollicité le 7 mai 2018 son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du fichier Eurodac a révélé qu'il avait précédemment déposé une demande d'asile en Italie le 7 mars 2017. Le 24 mai 2018, le préfet de police a saisi les autorités italiennes, qui l'ont implicitement acceptée, d'une demande de reprise en charge en application de l'article 18.1 b du règlement UE n° 604/2013. Par un arrêté du 11 juillet 2018, le préfet de police a décidé la remise de M. A... aux autorités italiennes. Celui-ci fait régulièrement appel du jugement du 11 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert à fin de reprise en charge qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

3. La décision attaquée vise le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et mentionne qu'il est apparu, lors de l'examen dactyloscopique auquel il a été procédé lors de l'enregistrement de la demande de protection internationale de M. A..., que celui-ci avait demandé l'asile en Italie le 6 mars 2017. L'arrêté mentionne ensuite que la France n'étant pas l'Etat responsable au regard des critères prévus par le chapitre III, les autorités italiennes devaient être regardées comme responsables de sa demande d'asile et que, saisies le 24 mai 2018, elles ont accepté le 26 juin 2018 sa reprise en charge sur le fondement de l'article 18 (1) (b) du règlement. L'arrêté, qui mentionne en outre que la situation de l'intéressé ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 ou 17 du règlement (UE) n° 604/213, mentionne ainsi avec suffisamment de précision les motifs de droit et de fait justifiant le transfert de M. A... vers l'Italie. Dès lors, l'arrêté contesté est suffisamment motivé.

4. En deuxième lieu, l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dispose : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes et de leur durée (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ".

5. M. A... soutient qu'il parle seulement le wolof et qu'il n'a pas été en mesure de comprendre les informations écrites qui lui ont été délivrées lors de la remise des brochures A et B écrites en français. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A... a signé les brochures et a déclaré, lors de son entretien en préfecture le 7 mai 2018, avoir compris la procédure engagée à son encontre. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

6. En troisième lieu, l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dispose : " (...) 2. Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable ". L'article 17 du même règlement dispose : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ".

7. M. A... soutient que l'Italie connaît, en raison de l'afflux massif de demandeurs d'asile, des dysfonctionnements sérieux et graves dans le traitement et l'accueil des demandeurs d'asile qui faisaient obstacle à son transfert dans ce pays. Toutefois, l'Italie, Etat membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. M. A... n'apporte aucun élément probant susceptible d'établir qu'il existerait des défaillances systémiques affectant la procédure d'asile ou les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie, l'empêchant de déposer une demande d'asile ou permettant de dire que sa demande ne serait pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, ou enfin qu'il serait personnellement exposé à un risque de subir des traitements inhumains ou dégradants en Italie faute de soins adaptés. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du point 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 ou de l'erreur manifeste qu'aurait commise le préfet de police en ne décidant pas que la demande d'asile de M. A... serait examinée en France en application de l'article 17 du même règlement ne peut qu'être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

9. M. A... ne peut utilement se prévaloir des risques encourus au Sénégal en raison de son orientation sexuelle alléguée, dès lors que la décision contestée n'a ni pour objet ni pour effet de le renvoyer au Sénégal. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête d'appel ne peut qu'être rejetée, y compris les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'étant pas partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme E..., présidente de chambre,

- M. D..., premier conseiller,

- M. Platillero, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 octobre 2019.

Le rapporteur,

A. D... La présidente,

S. E... La greffière,

M. C...La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 18PA03380


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03380
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : GUEYE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-10-03;18pa03380 ?
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