Vu la procédure suivante :
Par une ordonnance du 1er mars 2019, prise sur le fondement de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a attribué à la Cour administrative d'appel de Paris le jugement du présent dossier enregistré à la Cour administrative d'appel de Bordeaux.
Par une requête et des mémoires enregistrés le 27 septembre 2017, le 30 mars 2018, le 14 mai 2018 et le 7 janvier 2019, la société Investissement et Commerce Cinéma (ICC), représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler la décision du 7 juillet 2017 par laquelle la commission nationale d'aménagement cinématographique a accordé à la société Holding Etheve l'autorisation préalable requise pour la création d'un établissement de spectacles cinématographiques de 10 salles et 2 118 places à l'enseigne " Ciné Grand Sud " à Saint-Pierre de La Réunion ;
2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue du litige pendant devant le tribunal administratif de La Réunion, relatif à une demande d'annulation du courrier du 11 juillet 2016 par lequel le président de la communauté intercommunale des villes solidaires (CIVIS) a informé la société Holding Etheve que lui était attribué le terrain d'assiette de la construction projetée et de la délibération du 31 août 2016 par laquelle le conseil communautaire de la CIVIS a approuvé le principe de la vente du terrain et a autorisé la société publique locale d'aménagement (SPLA) Grand Sud, concessionnaire d'aménagement de la zone d'aménagement concertée, à procéder à cette vente ;
3°) de mettre à la charge de la société Holding Etheve la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société ICC soutient que :
- son directeur général a qualité pour la représenter ;
- la Commission nationale d'aménagement cinématographique n'a pas statué sur l'ensemble des moyens du recours dont elle était saisie ;
- seule une attestation notariale sans durée de validité a été produite pour justifier la propriété du terrain ; le titre de propriété étant contesté, la Commission nationale d'aménagement cinématographique était tenue de refuser l'autorisation ;
- la dossier de demande contient des informations erronées s'agissant de la fréquentation des cinémas concurrents et était incomplet et trompeur s'agissant des stationnements et de la desserte du site ;
- le projet n'est pas compatible avec les orientations du schéma d'aménagement régional de La Réunion, la zone d'aménagement concertée dans lequel s'insère le projet, le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Pierre et le programme " Action Coeur de ville " dont cette commune bénéficie ;
- l'appréciation de la Commission nationale d'aménagement cinématographique est erronée s'agissant de l'effet potentiel du projet sur la diversité cinématographique offerte aux spectateurs dans la zone d'influence cinématographique et de l'effet du projet sur l'aménagement culturel du territoire, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme ;
- l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme est méconnu.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 décembre 2017, la Commission nationale d'aménagement cinématographique conclut au rejet de la requête.
La Commission nationale d'aménagement cinématographique soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par des mémoires enregistrés le 6 février 2018, le 21 novembre 2018 et le 8 janvier 2019, la société Holding Etheve, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société ICC sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Holding Etheve soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par des mémoires en intervention enregistrés le 9 janvier 2018, le 21 novembre 2018 et le 8 janvier 2019, la société publique locale d'aménagement (SPLA) Grand Sud, représentée par Me B..., s'associe aux conclusions de la société Holding Etheve.
La société publique locale d'aménagement Grand Sud soutient que :
- les moyens soulevés dans le deuxième mémoire de la société ICC sont inopérants ;
- les autres moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par des mémoires enregistrés le 22 novembre 2018 et le 6 mai 2019, la communauté intercommunale des villes solidaires (CIVIS), représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société ICC, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La communauté intercommunale des villes solidaires soutient que la requête n'est pas recevable, dès lors qu'elle est présentée par un organe qui n'a pas le pouvoir d'ester en justice.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du cinéma et de l'image animée ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. G... ;
- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public ;
- et les observations de Me A..., avocat de la société ICC, Me D..., avocat de la société Holding Etheve et de Me Schoellkopf, avocat de la SPLA Grand Sud.
Considérant ce qui suit :
1. La société Holding Etheve a présenté le 6 janvier 2017 une demande afin d'être autorisée à créer un établissement de spectacles cinématographiques de 10 salles et 2 118 places à l'enseigne " Ciné Grand Sud " sur le territoire de la commune de Saint-Pierre à La Réunion, au sein de la zone d'aménagement concertée Pierrefonds Aérodrome, devenue la zone d'aménagement concertée Roland Hoareau. Par une décision du 28 février 2017, la commission départementale d'aménagement cinématographique de La Réunion a accordé cette autorisation. La commission nationale d'aménagement cinématographique a été saisie d'un recours le 30 mars 2017 par la société Investissement et Commerce Cinéma (ICC), qui exploite un établissement cinématographique à Saint-Pierre sous l'enseigne " Le Rex ", situé dans la zone d'influence cinématographique du projet. Par une décision du 7 juillet 2017, la Commission nationale d'aménagement cinématographique a rejeté le recours de la société ICC et accordé à la société Holding Etheve l'autorisation demandée. La société ICC demande à la Cour d'annuler cette décision.
Sur les conclusions à fin de sursis à statuer :
2. La solution du présent litige n'est pas subordonnée à l'issue du litige pendant devant le tribunal administratif de La Réunion, relatif à une demande d'annulation du courrier du 11 juillet 2016 par lequel le président de la communauté intercommunale des villes solidaires (CIVIS) a informé la société Holding Etheve que lui était attribué le terrain d'assiette de la construction projetée et de la délibération du 31 août 2016 par laquelle le conseil communautaire de la CIVIS a approuvé le principe de la vente du terrain et a autorisé la société publique locale d'aménagement (SPLA) Grand Sud, concessionnaire d'aménagement de la zone d'aménagement concertée, à procéder à cette vente. Les conclusions à fin de sursis à statuer présentées par la société ICC doivent dès lors être rejetées.
Sur les interventions :
3. D'une part, dans le cadre du contrat de concession de la zone d'aménagement concertée Pierrefonds Aérodrome du 28 décembre 2012 conclu avec la CIVIS, la SPLA Grand Sud a notamment pour mission de céder les parcelles de cette zone. Elle a ainsi signé avec la société Holding Etheve une promesse de vente de la parcelle n° 14 de la zone d'aménagement concertée, conclue sous conditions suspensives de l'obtention d'une autorisation d'aménagement cinématographique purgée de tout recours. Dans ces conditions, l'intervention de la SPLA Grand Sud en défense doit être admise.
4. D'autre part, la CIVIS a présenté des écritures intitulées " mémoires en défense ". Toutefois, n'étant pas défendeur dans la présente instance, elle doit être regardée comme un intervenant volontaire. Or, la CIVIS, qui se borne à opposer une fin de non-recevoir à la requête, ne précise pas les conclusions auxquelles elle s'associe, ne fait pas même état d'un quelconque intérêt à intervenir et ne produit pas l'autorisation qui aurait été accordée à son président par le conseil communautaire pour intervenir à l'instance. Dans ces conditions, son intervention ne peut être admise.
Sur la légalité de la décision attaquée :
En ce qui concerne la légalité externe :
5. Si, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de la Commission nationale d'aménagement cinématographique, les décisions qu'elle prend doivent être motivées, cette obligation n'implique pas que la commission soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect, par le projet qui lui est soumis, de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables ni de répondre à chacun des arguments soulevés devant elle par les parties.
6. Il ressort des termes mêmes de la décision du 7 juillet 2017 que la Commission nationale d'aménagement cinématographique, qui n'était pas tenue de répondre à l'ensemble des arguments soulevés devant elle par la société ICC, a notamment exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que le projet renforcera l'offre dans la zone d'influence cinématographique et contribuera à restaurer un équilibre dans l'aménagement cinématographique sur l'île de La Réunion et s'est prononcée de façon détaillée sur la localisation du projet, sans qu'elle ait été plus tenue d'exposer les motifs pour lesquels elle ne se rangeait pas à l'avis émis par la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement de La Réunion sur ce point ni de prendre explicitement parti sur l'ensemble des critères mentionnés à l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée, notamment en matière de desserte routière et de compatibilité du projet avec le schéma d'aménagement régional de La Réunion, avant d'en conclure que ce projet répond aux exigences de la diversité de l'offre cinématographique, d'aménagement culturel du territoire et de qualité de l'urbanisme. Elle a ainsi suffisamment motivé sa décision.
7. A cet égard, la société ICC n'est en outre pas fondée à se prévaloir d'une insuffisance de motivation de la décision attaquée, faute pour la Commission nationale d'aménagement cinématographique d'avoir examiné la conformité du projet au regard de l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme, dès lors que ces dispositions ne constituent pas un critère d'appréciation devant être pris en compte par la commission, et de s'être prononcée sur son argumentation relative à la régularité de la promesse de vente figurant au dossier de demande, la commission n'ayant pas à examiner la régularité de cet acte.
En ce qui concerne la composition du dossier :
8. En premier lieu, aux termes de l'article A. 212-7-3-1 du code du cinéma et de l'image animée, " La demande portant sur les projets d'aménagement cinématographique est accompagnée des renseignements et documents suivants : (...) 5° Un plan cadastral précisant les parcelles concernées et la superficie du terrain accompagné, pour l'ensemble de ces parcelles, de l'un des titres suivants : a) Un titre de propriété de l'immeuble concerné ; b) Un titre habilitant à construire sur les parcelles concernées ; c) Un titre habilitant le demandeur à exploiter commercialement ces parcelles. A défaut de présentation de l'un de ces titres, le demandeur peut produire une attestation notariale faisant ressortir le nom du bénéficiaire du titre, l'identification des immeubles concernés et la durée de validité du titre (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier que la société Holding Etheve a produit à l'appui de sa demande une attestation notariale du 15 décembre 2016 qui constate l'existence d'une promesse de vente par la SPLA Grand Sud d'un terrain à bâtir d'une superficie de 15 000 m², cadastré CR n° 72 et CR n° 75 et constituant une partie de l'îlot n° 14 de la zone d'aménagement concertée, sur lequel doit s'implanter l'établissement cinématographique projeté, sous condition suspensive de l'obtention de l'autorisation d'aménagement cinématographique. En outre, en cours d'instruction devant la Commission nationale d'aménagement cinématographique, la société Holding Etheve a transmis à la commission une attestation notariale modifiée reprenant les éléments précités et ajoutant que la promesse de vente a été consentie et acceptée pour une durée minimale de deux ans avec des conditions de prorogation de délai liées au permis de construire, la promesse de vente étant jointe à cette transmission, ainsi que le mentionne le courrier électronique de transmission. Dans ces conditions, la Commission nationale d'aménagement cinématographique a pu légalement estimer que la société Holding Etheve justifiait de la maîtrise foncière du terrain d'assiette du projet.
10. A cet égard, contrairement à ce que soutient la société ICC, la circonstance que la délibération mentionnée au point 2 était contestée devant le tribunal administratif de La Réunion est sans incidence sur la régularité de la promesse de vente, qu'il n'appartenait d'ailleurs pas à la commission d'apprécier, celle-ci ne pouvant légalement se fonder sur l'existence de ce contentieux pour refuser l'autorisation demandée. Par ailleurs, la société ICC ne peut pas plus utilement soutenir que la vente du terrain ne pourrait être autorisée en l'absence de modification préalable du dossier de création de la zone d'aménagement concertée. Enfin, si la société ICC se prévaut du principe d'égalité devant la loi, elle n'apporte aucune précision permettant d'apprécier le bien fondé de ce moyen.
11. En deuxième lieu, la société ICC soutient que le dossier de demande contient des informations erronées s'agissant de la fréquentation des cinémas concurrents, en mentionnant que le nombre d'entrées cumulées des cinémas " Le Rex " et " Le Moulin à café " à Saint-Pierre au titre de l'année 2015 s'élève à 110 000, alors que le cinéma " Le Rex " enregistre à lui seul 120 000 entrées. Toutefois, alors qu'il est constant que les chiffres mentionnés dans le dossier ont été fournis par la direction des affaires culturelles de l'Océan Indien dans son analyse de l'offre de la zone d'influence cinématographique de Saint-Pierre à partir du recensement comparatif des équipements disponibles de l'île de La Réunion, la société ICC n'apporte aucun élément de preuve à l'appui de ses allégations, alors que le cinéma " Le Rex " appartient d'ailleurs au groupe ICC. Il ne ressort ainsi pas du dossier que la Commission nationale d'aménagement cinématographique n'aurait pu valablement se prononcer sur l'effet potentiel du projet sur la diversité cinématographique. Le moyen invoqué doit dès lors être écarté.
12. En troisième lieu, la société ICC soutient que le dossier était incomplet et insuffisant pour permettre à la commission d'apprécier la qualité de la desserte routière, dès lors que le flux de véhicules supplémentaires n'a été évalué qu'à la séance de 20 heures, que les flux liés aux autres commerces et équipements de la zone d'aménagement concertée n'ont pas été évalués et que n'ont pas été pris en compte les flux existants et futurs liés à l'exploitation et au développement du pôle aéroportuaire de Pierrefonds. Toutefois, il ressort du dossier de demande de création de l'établissement, situé sur un site accessible par la route nationale 1 et la route départementale 26, que la société Holding Etheve a évalué l'impact de son projet sur le flux de véhicules particuliers en retenant la séance de plus forte fréquentation, puis, en tenant compte d'une part d'environ 80 % de la clientèle véhiculée et d'un ratio moyen de 2,7 personnes par véhicules, a estimé que le nombre de véhicules de la clientèle de cette séance s'élèverait entre 360 et 400 véhicules, soit des flux maximum entrants et sortants de 720 à 800 véhicules, en retenant comme hypothèse une simultanéité des flux. Dans la mesure où la société a ainsi retenu des chiffres maximaux, dont il n'est pas allégué qu'ils seraient erronés, et où, contrairement à ce que soutient la société ICC, figurait en annexe une étude des flux de clientèle de la zone d'aménagement concertée et, au sein du dossier, un plan de masse de l'accessibilité du projet au sein de la zone d'aménagement concertée, la Commission nationale d'aménagement cinématographique était en mesure d'apprécier la qualité de la desserte routière et ainsi de se prononcer sur la qualité environnementale du projet au regard de ce critère.
13. A cet égard, dès lors que la société ICC ne conteste pas, ainsi que l'oppose la société Holding Etheve, que l'accès à l'aéroport de Pierrefonds, qui n'est pas situé à proximité du projet, s'effectue par un autre accès plus au sud et distinct de celui de la zone d'aménagement concertée, la circonstance que le dossier ne fasse pas état des flux de circulation liés à cet aéroport est sans incidence sur sa régularité.
14. En quatrième lieu, la société ICC soutient que le dossier était incomplet et trompeur s'agissant des stationnements. Toutefois, le dossier de demande mentionne que le projet comprend l'aménagement d'un parc de stationnement sur le terrain du projet, dont 192 places en extérieur et 218 places situées dans un parc souterrain, 2 % étant réservés aux personnes à mobilité réduite, en concluant que ce parc de stationnement et les places présentes sur les voies adjacentes permettront de répondre à la demande de la clientèle véhiculée. La Commission nationale d'aménagement cinématographique était ainsi en mesure d'apprécier les modalités de stationnement prévues et de se prononcer sur la qualité environnementale du projet au regard de ce critère.
15. A cet égard, la société ICC ne peut utilement soutenir que les stationnements ainsi prévus n'entrent pas dans la programmation de la zone d'aménagement concertée, dès lors qu'il n'appartient pas à la Commission nationale d'aménagement cinématographique d'apprécier la compatibilité du projet avec la zone d'aménagement concertée et qu'en tout état de cause, n'est pas en litige la création d'un équipement public de la zone visant à la mutualisation des parcs de stationnement après réalisation de parcs provisoires mais la réalisation d'un parc visant à satisfaire les besoins d'un équipement privé, le surplus éventuel des stationnements étant prévus sur les voies appartenant au domaine public.
En ce qui concerne la compatibilité avec le schéma d'aménagement régional de La Réunion :
16. En premier lieu, la société ICC soutient que le projet, situé sur le territoire de la commune de Saint-Pierre, qui n'est pas couvert par un schéma de cohérence territoriale, et dans une zone AU du plan local d'urbanisme de la commune au sein d'une zone d'aménagement concertée créée par une délibération de la CIVIS du 18 décembre 2012, n'est pas compatible avec les prescriptions n° 14 du schéma d'aménagement régional de La Réunion, approuvé par un décret n° 2011-1609 du 22 novembre 2011, selon lesquelles, d'une part, les zones d'activités ont vocation à accueillir des activités artisanales, industrielles, logistiques, technologiques, portuaires et aéroportuaires ainsi que les activités de recherche, de formation et d'enseignement qui valorisent le pôle économique, l'implantation des équipements et activités commerciales et de services étant limitée à 5 % de la zone d'implantation dans les zones d'activités, et, d'autre part, les pôles d'activité à vocation régionale doivent essentiellement être consacrés aux activités de production et aux services aux entreprises. Contrairement à ce que soutient la requérante, ces dispositions ne prohibent pas l'implantation d'équipements commerciaux dans les zones d'activités et les pôles d'activité à vocation régionale et n'imposent pas plus que l'établissement cinématographique projeté, dont l'emprise n'excède pas 5 % de la zone d'activités, soit implanté dans le centre-ville de la commune de Saint-Pierre. A cet égard, si le schéma d'aménagement régional de La Réunion prévoit que la vocation des espaces situés dans et à proximité des zones d'implantation des pôles d'activités à vocation régionale et les aménagements qui y seront autorisés ne devront pas compromettre leur réalisation et leur développement, la société ICC n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations selon lesquelles le projet en litige compromettrait la réalisation et le développement du pôle d'activités à vocation régionale.
17. En deuxième lieu, la société ICC soutient que le projet n'est pas compatible avec la prescription n° 20 du schéma d'aménagement régional de La Réunion. Elle n'apporte toutefois aucun élément à l'appui de ses allégations selon lesquelles la réalisation du projet en litige compromettrait l'extension de l'aéroport de Pierrefonds nécessitant la constitution d'une réserve foncière. Le projet n'est ainsi pas incompatible avec ces orientations et objectifs définis par le schéma d'aménagement régional de La Réunion.
18. Enfin, si la société ICC se prévaut du point 2.3 du schéma d'aménagement régional de La Réunion, qui affirme un principe d'économie d'espace, ces dispositions générales ne sauraient faire obstacle à la réalisation du projet, situé dans une zone d'aménagement concertée déjà constituée. Par ailleurs, si elle soutient que le schéma d'aménagement régional de La Réunion prévoit que les extensions urbaines destinées à l'implantation de nouvelles zones d'activités ne pourront être réalisées en corridor le long des axes de transport, cette argumentation est sans portée, dès lors qu'est en litige un projet précis et non une nouvelle zone d'activités.
19. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le projet en litige ne serait pas compatible avec les orientations et objectifs définis par le schéma d'aménagement régional de La Réunion doit en tout état de cause, à le supposer opérant, être écarté.
20. Par ailleurs, la société ICC soutient que la zone d'aménagement concertée Pierrefonds Aérodrome n'est pas compatible avec le schéma d'aménagement régional de La Réunion. Toutefois, ce moyen est inopérant, dès lors que l'objet du litige est d'apprécier la légalité d'une décision de la Commission nationale d'aménagement cinématographique.
En ce qui concerne l'appréciation de la Commission nationale d'aménagement cinématographique :
21. Aux termes de l'article L. 212-6 du code du cinéma et de l'image animée, " Les créations, extensions et réouvertures au public d'établissements de spectacles cinématographiques doivent répondre aux exigences de diversité de l'offre cinématographique, d'aménagement culturel du territoire, de protection de l'environnement et de qualité de l'urbanisme, en tenant compte de la nature spécifique des oeuvres cinématographiques. Elles doivent contribuer à la modernisation des établissements de spectacles cinématographiques et à la satisfaction des intérêts du spectateur tant en ce qui concerne la programmation d'une offre diversifiée, le maintien et la protection du pluralisme dans le secteur de l'exploitation cinématographique que la qualité des services offerts ". Aux termes de l'article L. 212-9 du même code, " Dans le cadre des principes définis à l'article L. 212-6, la commission départementale d'aménagement cinématographique se prononce sur les deux critères suivants : 1° L'effet potentiel sur la diversité cinématographique offerte aux spectateurs dans la zone d'influence cinématographique concernée, évalué au moyen des indicateurs suivants : a) Le projet de programmation envisagé pour l'établissement de spectacles cinématographiques objet de la demande d'autorisation et, le cas échéant, le respect des engagements de programmation éventuellement souscrits en application des articles L. 212-19 et L. 212-20 ; b) La nature et la diversité culturelle de l'offre cinématographique proposée dans la zone concernée, compte tenu de la fréquentation cinématographique ; c) La situation de l'accès des oeuvres cinématographiques aux salles et des salles aux oeuvres cinématographiques pour les établissements de spectacles cinématographiques existants ; 2° L'effet du projet sur l'aménagement culturel du territoire, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme, évalué au moyen des indicateurs suivant : a) L'implantation géographique des établissements de spectacles cinématographiques dans la zone d'influence cinématographique et la qualité de leurs équipements ; b) La préservation d'une animation culturelle et le respect de l'équilibre des agglomérations ; c) La qualité environnementale appréciée en tenant compte des différents modes de transports publics, de la qualité de la desserte routière, des parcs de stationnement ; d) L'insertion du projet dans son environnement ; e) La localisation du projet, notamment au regard des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d'urbanisme (...) ".
22. D'une part, la société ICC soutient que la réalisation du projet aura des incidences négatives sur la diversité cinématographique. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport d'instruction devant la Commission nationale d'aménagement cinématographique, que la zone d'influence cinématographique comprend seulement quatre établissements, trois d'entre eux étant dotés d'un seul écran et le dernier, le cinéma " Le Rex ", de deux écrans, représentant environ 190 000 entrées annuelles. Ainsi, dans son analyse de l'offre cinématographique, la direction des affaires culturelles de La Réunion a relevé que la moitié sud de l'île est sous-équipée par rapport à la moitié nord, avec trois fois moins de salles et 2,5 fois moins de fauteuils, et à la métropole. Il ressort également du dossier de demande que l'unité urbaine de Saint-Pierre a un ratio de 254 habitants pour un fauteuil contre 36 en moyenne pour des unités urbaines de même importance, 0,2 écran pour 10 000 habitants contre 1,4 en moyenne, et 0,7 entrées par habitant contre 5,6 en moyenne. L'établissement projeté prévoit la projection sur dix écrans d'environ 250 films, pour l'essentiel tout public ou " Arts et essais " porteurs, que les établissements existants, qui ne peuvent proposer en moyenne qu'un à trois films par semaine sur un nombre restreint de séances, n'ont pas la capacité de projeter. Le projet prévoit également une multiplication par 5 du niveau de fréquentation actuel des salles. L'établissement projeté aura ainsi pour effet de renforcer l'offre aux spectateurs dans la zone d'influence cinématographique, en améliorant l'accès du public aux films diffusés et à la diversité de l'offre cinématographique dans une zone qui souffre d'un important sous-équipement. Si la société ICC fait valoir que la société Holding Etheve n'a pas pris d'engagement de programmation, la souscription de tels engagements ne constitue pas une condition préalable à l'obtention d'une autorisation. Par ailleurs, alors qu'il ressort du dossier de demande et du rapport d'instruction que l'incidence de la création du multiplexe en litige a été évaluée entre 20 et 25 % de la fréquentation des cinémas existants de la zone d'influence cinématographique, la société ICC se borne à affirmer que la pérennité de ces établissements serait menacée, sans apporter aucun élément à l'appui de ses allégations. Enfin, en se bornant à décrire la faible situation concurrentielle entre opérateurs sur l'île de La Réunion, la société ICC n'apporte aucun élément précis de nature à établir que la réalisation du projet dégraderait l'accès des établissements existants aux oeuvres. Dans ces conditions, en accordant l'autorisation sollicitée, la Commission nationale d'aménagement cinématographique n'a pas fait une appréciation erronée du projet au regard de son effet potentiel sur la diversité cinématographique offerte aux spectateurs dans la zone d'influence cinématographique.
23. D'autre part, la société ICC soutient que l'appréciation de la Commission nationale d'aménagement cinématographique est erronée au regard de l'effet du projet sur l'aménagement culturel du territoire, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme.
24. Toutefois, en premier lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport d'instruction devant la Commission nationale d'aménagement cinématographique, que le projet est implanté à équidistance des centres-villes de Saint-Louis et de Saint-Pierre, villes les plus peuplées de la zone d'influence cinématographique, et devrait avoir un impact de 20 à 25 % sur la fréquentation des établissements existants de la zone, dont les équipements " restent caractérisés par leur vétusté ". Ce projet aura ainsi pour effet d'accorder des niveaux de confort et de qualité et de diversité de l'offre équivalents à ceux des autres agglomérations de l'île. Par ailleurs, outre l'amélioration de l'offre dans l'agglomération de Saint-Pierre, le projet prévoit une politique d'animation culturelle et événementielle nouvelle dans la partie Sud de l'île de La Réunion. La société ICC, en se fondant sur l'avis défavorable de la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement de l'île de La Réunion en matière d'aménagement du territoire au motif que le projet n'est pas situé en centre-ville, se borne à contester l'implantation en périphérie de la commune de Saint-Pierre. Mais les dispositions précitées du code du cinéma et de l'image animée n'imposent pas que toute création d'établissement cinématographique soit implantée en centre-ville sous peine de porter atteinte à l'aménagement culturel du territoire. En outre, ainsi qu'il a été dit précédemment, le projet est situé dans une zone d'aménagement concertée et à équidistance des deux communes principales de la zone d'influence cinématographique. Dans ces conditions, la Commission nationale d'aménagement cinématographique n'a pas fait une appréciation erronée du projet en délivrant l'autorisation sollicitée, en ce qui concerne les critères d'implantation géographique des établissements dans la zone d'influence cinématographique, de qualité de leurs équipements, de préservation d'une animation culturelle et de respect de l'équilibre des agglomérations. A cet égard, la société ICC ne peut utilement se prévaloir des positions prises par la commune et la CIVIS à l'occasion de précédents projets qui n'ont pas abouti, distincts de celui en litige.
25. En deuxième lieu, la société ICC soutient que la réalisation des accès routiers nécessaires pour assurer l'accès à l'établissement projeté n'est pas suffisamment justifiée. Toutefois, le projet prévoit que la desserte routière du site est assurée par la route nationale n° 1 et la route départementale n° 26, l'accès au multiplexe s'effectuant par l'échangeur de Pierrefonds, puis par une trémie et une voie dédiée. Il ressort du programme des équipements publics du dossier de réalisation de la zone d'aménagement concertée Pierrefonds Aérodrome modifié le 16 février 2016 que sont prévus les travaux d'aménagement des échangeurs des routes précitées ainsi qu'une voie de desserte en passage souterrain sous la voie de transport en commun en site propre raccordant l'échangeur aux parcs de stationnement prévus notamment sur l'îlot n° 14 de la zone d'aménagement concertée. Dans ces conditions, en tout état de cause, la réalisation des aménagements routiers nécessaires à l'ouverture de l'établissement est suffisamment certaine. A cet égard, la société ICC n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations selon lesquelles les flux de spectateurs risqueraient de perturber la zone d'activités dans son ensemble et l'accès à l'aéroport de Pierrefonds.
26. En troisième lieu, la société ICC soutient que la desserte par les transports collectifs n'est pas établie ni suffisante. Toutefois, outre que le site est déjà desservi par deux arrêts de bus, le projet jouxte la voie du projet de transport en commun en site propre destinée à relier les communes de Saint-Pierre et de Saint-Louis, qui disposera de parcs de stationnement relais. Le programme des équipements publics du dossier de réalisation de la zone d'aménagement concertée prévoit bien la réalisation de cet axe de transport, en lui conférant d'ailleurs le statut d'artère structurante. Il n'est au demeurant pas contesté que cette voie est en cours de réalisation. Par ailleurs, si la société ICC soutient que le projet ne sera pas accessible aux piétons et ne prévoit pas un accès par piste cyclable, cette circonstance ne justifie pas, à elle seule, le refus de l'autorisation sollicitée.
27. Enfin, si la société ICC soutient que la localisation du projet n'est pas conforme aux préconisations du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Pierre, elle n'apporte aucune précision permettant d'apprécier le bien fondé de ce moyen, et ne se prévaut d'ailleurs d'aucune disposition réglementaire du plan local d'urbanisme directement opposable aux tiers susceptibles de fonder un refus d'autorisation.
28. Il résulte de ce qui a été dit aux points 24 à 27 qu'en accordant l'autorisation sollicitée, la Commission nationale d'aménagement cinématographique n'a pas fait une appréciation erronée du projet au regard de son effet sur l'aménagement culturel du territoire, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme.
29. A cet égard, si la société ICC soutient que le projet n'est pas compatible avec la zone d'aménagement concertée, dès lors qu'il n'était pas programmé dans le dossier de création de la zone d'aménagement concertée adopté par délibération de la CIVIS du 19 décembre 2012 et que les incidences du stationnement n'ont ainsi pas été prises en considération par l'autorité environnementale dans son avis du 2 novembre 2011 et par l'évaluation environnementale de la création de la zone, qui devait être complétée, la Commission nationale d'aménagement cinématographique n'avait pas à contrôler la compatibilité du projet avec le programme de la zone d'aménagement concertée et ne pouvait en tout état de cause pas légalement refuser de faire droit à la demande au motif que l'évaluation environnementale de la zone d'aménagement concertée aurait dû être complétée. Par ailleurs, la société ICC soutient que le projet est contraire au projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Pierre, dont les orientations rendent plus " opportune " l'implantation d'un multiplexe dans le centre ou dans une zone à vocation commerciale. Toutefois, ce moyen est inopérant, dès lors que le projet d'aménagement et de développement durables n'est pas opposable à des demandes d'autorisation d'implantation d'établissements cinématographiques, la requérante, qui se borne à soutenir que le plan local d'urbanisme ne peut être incompatible avec le schéma d'aménagement régional de La Réunion sans autre précision, ne contestant au demeurant pas que le projet pouvait être légalement autorisé au regard des dispositions réglementaires du plan local d'urbanisme. Enfin, la société ICC soutient que le projet est en contradiction avec le programme " Action Coeur de ville " dont bénéficie la commune de Saint-Pierre. Toutefois, ce moyen est également inopérant, en l'absence de motif de droit permettant d'opposer ce programme à des décisions individuelles.
En ce qui concerne l'application de l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme :
30. Aux termes de l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme, " Nonobstant toute disposition contraire du plan local d'urbanisme, l'emprise au sol des surfaces, bâties ou non, affectées aux aires de stationnement annexes d'un commerce soumis à l'autorisation d'exploitation commerciale prévue aux 1° et 4° du I de l'article L. 752-1 du code de commerce et à l'autorisation prévue au 1° de l'article L 212-7 du code du cinéma et de l'image animée, ne peut excéder un plafond correspondant aux trois quarts de la surface de plancher des bâtiments affectés au commerce. Les espaces paysagers en pleine terre, les surfaces des aménagements relevant de l'article L. 3114-1 du code des transports, les surfaces réservées à l'auto-partage et les places de stationnement destinées à l'alimentation des véhicules électriques ou hybrides rechargeables sont déduits de l'emprise au sol des surfaces affectées au stationnement. La surface des places de stationnement non imperméabilisées compte pour la moitié de leur surface (...) ".
31. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme doit être écarté, dès lors qu'il se rapporte à l'autorisation de construire et non à la décision de la Commission nationale d'aménagement cinématographique.
32. Il résulte de tout ce qui précède que la société ICC n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 7 juillet 2017 par laquelle la Commission nationale d'aménagement cinématographique a accordé à la société Holding Etheve l'autorisation préalable requise pour la création d'un établissement de spectacles cinématographiques de 10 salles et 2 118 places à l'enseigne " Ciné Grand Sud " à Saint-Pierre de La Réunion. Ses conclusions à fin d'annulation doivent ainsi être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
33. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
34. Les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Holding Etheve, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société ICC demande au titre des frais qu'elle a exposés. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société ICC, qui est la partie perdante, la somme de 1 500 euros, au titre des frais que la société Holding Etheve a exposés.
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de la société publique locale d'aménagement Grand Sud est admise.
Article 2 : L'intervention de la communauté intercommunale des villes solidaires n'est pas admise.
Article 3 : La requête de la société Investissement et Commerce Cinéma (ICC) est rejetée.
Article 4 : La société Investissement et Commerce Cinéma (ICC) versera la somme de 1 500 euros à la société Holding Etheve, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Investissement et Commerce Cinéma (ICC), à la Commission nationale d'aménagement cinématographique, à la société Holding Etheve, à la société publique locale d'aménagement Grand Sud, à la communauté intercommunale des villes solidaires et au Centre national du cinéma et de l'image animée.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme F..., présidente de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. G..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 octobre 2019.
Le rapporteur,
F. G...La présidente,
S. F...Le greffier,
M. C...La République mande et ordonne au ministre de la culture en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 17PA23189