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03/10/2019 | FRANCE | N°17PA21177

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 03 octobre 2019, 17PA21177


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler l'arrêté du 18 mars 2016 par lequel le préfet de la Martinique a autorisé avec réserves le défrichement d'une superficie de 16 ares et 80 centiares sur la parcelle C n° 1844 située dans la commune du Marin et a refusé le défrichement sur cette même parcelle d'une superficie de 48 ares et 66 centiares.

Par un jugement n° 1600499 du 10 janvier 2017, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

P

rocédure devant la juridiction d'appel :

Par une ordonnance n° 428220 du 1er mars 2019,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler l'arrêté du 18 mars 2016 par lequel le préfet de la Martinique a autorisé avec réserves le défrichement d'une superficie de 16 ares et 80 centiares sur la parcelle C n° 1844 située dans la commune du Marin et a refusé le défrichement sur cette même parcelle d'une superficie de 48 ares et 66 centiares.

Par un jugement n° 1600499 du 10 janvier 2017, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la juridiction d'appel :

Par une ordonnance n° 428220 du 1er mars 2019, prise sur le fondement de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a attribué à la Cour administrative d'appel de Paris le jugement du dossier d'appel enregistré à la Cour administrative d'appel de Bordeaux.

Par une requête enregistrée le 11 avril 2017 et des mémoires complémentaires enregistrés le 9 juin 2017 et le 18 mars 2019, Mme D... A..., représentée par la SCP Lesourd, avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1600499 du 10 janvier 2017 du tribunal administratif de la Martinique ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 mars 2016 du préfet de la Martinique ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Mme A... soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, faute de comporter les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience ;

- le jugement attaqué est irrégulier, faute d'avoir visé le mémoire enregistré le 15 décembre 2016 et répondu aux moyens qu'il contenait ;

- en tant qu'il a retenu que la conservation du massif forestier dont fait partie la parcelle était nécessaire à l'équilibre biologique de la région en cause, l'arrêté litigieux repose sur des faits matériellement inexacts, est entaché d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation ; l'espèce végétale zanthoxylum spinifex n'est pas présente sur la parcelle objet de sa demande de défrichement mais seulement sur la parcelle voisine ;

- en tant qu'il a retenu que la conservation du massif forestier dont fait partie la parcelle était nécessaire au maintien des terres sur les montagnes ou les pentes, l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé, repose sur des faits matériellement inexacts et est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 février 2019, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 18 mars 2016, le préfet de la Martinique a autorisé Mme A... à défricher, avec réserves, une superficie de 16 ares et 80 centiares de la parcelle cadastrée C 1844 située lieu-dit le Cap Champ Fleury au Marin et refusé le défrichement, sur cette même parcelle, d'une superficie de 48 ares et 66 centiares. Après avoir formé un recours gracieux contre cet arrêté, qui a été rejeté par une décision du préfet de la Martinique du 8 juin 2016, Mme A... a saisi le tribunal administratif de la Martinique d'un recours pour excès de pouvoir. Sa demande a été rejetée par un jugement du 10 janvier 2017 dont elle fait appel devant la Cour.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il est constant que le mémoire de Mme A... enregistré au tribunal administratif de la Martinique le 15 décembre 2016, antérieurement à la date de clôture automatique de l'instruction, ne se limitait pas à la production de documents, mais comportait une argumentation complémentaire, relative notamment à l'absence sur la parcelle concernée de l'espèce végétale zanthoxylum spinifex, alors que la décision préfectorale de rejet du recours gracieux de la requérante se fondait notamment sur la présence sur la parcelle à défricher de cette espèce végétale signalée comme vulnérable. Par suite, en ne visant ni n'analysant ce mémoire, les premiers juges ont méconnu les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative en vertu desquelles le jugement doit notamment comporter " l'analyse des conclusions et mémoires ". Le jugement est donc irrégulier et, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen critiquant sa régularité, doit être annulé.

3. L'affaire étant en état, il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par Mme A... devant le tribunal administratif de la Martinique.

Sur la légalité de l'arrêté litigieux :

En ce qui concerne la légalité externe :

4. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et les administrations : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 7° Refusent une autorisation (...) ". L'article L. 211-5 du même code précise : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

5. L'arrêté attaqué refuse l'autorisation sollicitée, au visa des 1° et 8° de l'article L. 341-5 du code forestier, au double motif que la conservation du massif forestier est nécessaire, d'une part, au maintien des terres sur les montagnes et les pentes et, d'autre part, à l'équilibre biologique d'une région ou d'un territoire présentant un intérêt remarquable du point de vue de la préservation des espèces animales et végétales. Il comporte ainsi de façon suffisamment précise les considérations de droit et de fait qui le fondent, alors même que le rapport qui y est annexé ne donne pas de précision sur la mesure des pentes du terrain mais se borne à spécifier que l'espèce remarquable qui y serait présente est le zanthoxylum spinifex. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté litigieux ne peut dès lors qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

6. Aux termes de l'article L. 341-5 du code forestier : " L'autorisation de défrichement peut être refusée lorsque la conservation des bois et forêts ou des massifs qu'ils complètent, ou le maintien de la destination forestière des sols, est reconnu nécessaire à une ou plusieurs des fonctions suivantes : / 1° Au maintien des terres sur les montagnes ou sur les pentes " ; / (...) 8° A l'équilibre biologique d'une région ou d'un territoire présentant un intérêt remarquable et motivé du point de vue de la préservation des espèces animales ou végétales et de l'écosystème ou au bien-être de la population (...) ".

7. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur d'appréciation, ou fondé cette appréciation sur des faits matériellement inexacts, en estimant que la conservation du massif forestier dont fait partie la parcelle dont le défrichement était demandé était nécessaire à l'équilibre biologique du territoire concerné au sens et pour l'application des dispositions législatives précitées. En particulier, la présence sur cette parcelle de l'espèce végétale zanthoxylum spinifex, rangée comme espèce vulnérable dans la liste rouge des espèces menacées, a été relevée à l'occasion de l'établissement du procès-verbal de reconnaissance dressé en application de l'article R. 341-5 du code de l'environnement et n'est pas sérieusement contestée par Mme A..., qui s'est bornée à soutenir dans un premier temps qu'il n'y avait sur la parcelle " que deux arbustes " de cette espèce, avant d'en produire une photographie censée démontrer que l'arbre à protéger se trouverait sur la parcelle de son voisin, bien qu'elle entende, néanmoins, le conserver.

8. En deuxième lieu, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur d'appréciation, ni fondé cette appréciation sur des faits matériellement inexacts, en estimant, sur le fondement du 1° de l'article L. 341-5 précité du code de l'environnement, que, eu égard à la pente de terrain, qui varie sur la parcelle en cause de 35 à 45 % ainsi qu'il a été constaté à l'occasion de l'établissement du procès-verbal de reconnaissance, le défrichement aurait des conséquences en matière de sécurité publique, compte tenu des risques inhérents à une telle opération s'agissant de la stabilité des sols dans le cas de phénomènes hydrologiques de forte intensité.

9. En troisième lieu, la circonstance que la parcelle en cause soit située selon le schéma d'aménagement régional pour l'essentiel dans une zone d'urbanisation et pour une petite partie en zone agricole, et, selon le le plan local d'urbanisme, dans une zone à urbaniser est sans incidence sur la mise en oeuvre des pouvoirs que le préfet tient des dispositions du code de l'environnement destinées à protéger les espaces naturels contre des opérations de défrichement de nature à porter atteinte à la protection dont le législateur a entendu les doter.

10. Enfin, si Mme A... critique, dans son mémoire du 15 décembre 2016, l'existence même d'un massif forestier, allègue que le terrain, qui a été habituellement exploité par des agriculteurs pendant une longue période, ne relevait pas de l'autorisation de défrichement ou soutient que l'obligation qui lui est faite, en application de l'article L. 341-6 du code forestier, de conserver une partie de la parcelle en espace boisé l'empêchera d'exploiter utilement les parties qui peuvent être déboisées, ces moyens ne peuvent également qu'être écartés, dès lors qu'ils ne sont pas assortis des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté préfectoral du 18 mars 2016 est illégal et à en demander l'annulation.

Sur les frais liés au litige :

12 Les conclusions de Mme A... fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative du code de justice administrative doivent être rejetées, dès lors qu'elle est la partie principalement perdante dans la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1600499 du 10 janvier 2017 du tribunal administratif de la Martinique est annulé.

Article 2 : La demande de première instance de Mme A... et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Copie en sera adressée au ministre des outre-mer et au préfet de la région Martinique, préfet de la Martinique.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme E..., présidente de chambre,

- M. C..., président-assesseur,

- M. Platillero, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 octobre 2018.

Le rapporteur,

S. C...La présidente,

S. E... Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA21177


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17PA21177
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : SCP LESOURD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-10-03;17pa21177 ?
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