Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé sur sa demande du 30 juin 2017 tendant à ce que lui soit accordé le bénéfice de la même indemnité de sujétions spéciales que les responsables des autres centres de consultations spécialisées, d'enjoindre à la Polynésie française de compléter la liste des structures de la direction de la santé dont les responsables bénéficient d'une indemnité de sujétions spéciales, figurant à l'article 1er de l'arrêté n° 563 CM du 4 août 2005, en y incluant le centre de consultations spécialisées en maladies infectieuses et tropicales et de lui octroyer une indemnité de sujétions spéciales correspondant au groupe 7 de la grille prévue à l'article 3 de la délibération n° 97-153 APF du 13 août 1997.
Par un jugement n° 1700385 du 29 mai 2018, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 août 2018 et le 9 janvier 2019,
M. B..., représenté par la SELARL Jurispol, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1700385 du 29 mai 2018 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;
2°) d'annuler la décision du 10 novembre 2012 rejetant sa demande tendant à ce que à ce que lui soit accordé le bénéfice de la même indemnité de sujétions spéciales que les responsables des autres centres de consultations spécialisées ;
3°) d'annuler la décision implicite de rejet en litige en première instance ;
4°) d'enjoindre à la Polynésie française de compléter la liste des structures de la direction de la santé dont les responsables bénéficient d'une indemnité de sujétions spéciales, figurant à l'article 1er de l'arrêté n° 563 CM du 4 août 2005, en y incluant le centre de consultations spécialisées en maladies infectieuses et tropicales, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous une astreinte de 50 000 francs CFP par jour de retard ;
5°) de condamner la Polynésie française à lui verser la somme de 2 970 000 francs CFP correspondant à l'indemnité de sujétions spéciales qu'il aurait dû percevoir depuis le 18 janvier 2012 ;
6°) de mettre la somme de 3 500 euros à la charge de la Polynésie française au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les décisions dont il demande l'annulation sont insuffisamment motivées ;
- compte tenu de ce que le centre de consultations spécialisées en maladies infectieuses et tropicales est comparable aux autres centres de consultations spécialisées inscrits sur la liste figurant à l'article 1er de l'arrêté n° 563 CM du 4 août 2005, de ce que leurs responsables sont dans une situation analogue et de ce que l'indemnité de sujétions spéciales est accordée aux responsables de structures ayant un effectif similaire à celui de ce centre, le principe d'égalité a été méconnu ;
- l'article 2 de l'arrêté du 4 août 2005 ne fait pas obstacle à ce qu'un même agent bénéficie de deux indemnités de sujétions spéciales s'il exerce deux des fonctions énumérées à son article 1er.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2018, la Polynésie française, représentée par la SELARL Group Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions indemnitaires formulées pour la première fois en appel et non précédées d'une demande préalable sont irrecevables ;
- il en va de même des conclusions à fin d'injonction, qui ne correspondent pas aux hypothèses prévues par les articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative ;
- la demande de première instance était irrecevable dès lors que la décision implicite de rejet en litige est une décision confirmative de la décision du 10 novembre 2012 devenue définitive ;
- les moyens soulevés par M. B... sont infondés.
Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la requête de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 10 novembre 2012, nouvelles en appel.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie Française et la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;
- la délibération n° 97-153 APF du 13 août 1997 portant attribution d'une indemnité de sujétions spéciales à certains personnels de l'administration territoriale ;
- l'arrêté n° 673 CM du 15 avril 2004 portant organisation du service de la direction de la santé ;
- l'arrêté n° 563 CM du 4 août 2005 déterminant les emplois pouvant prétendre à une indemnité de sujétions spéciales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
Sur la recevabilité de l'appel :
1. Les conclusions de la requête de M. B... tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 10 novembre 2012 rejetant sa demande tendant à ce que à ce que lui soit accordé le bénéfice de la même indemnité de sujétions spéciales que les responsables des autres centres de consultations spécialisées, d'autre part, à la condamnation de la Polynésie française à lui verser la somme de 2 970 000 francs CFP correspondant à l'indemnité de sujétions spéciales qu'il aurait dû percevoir depuis le 18 janvier 2012, sont nouvelles en appel et ne peuvent dès lors qu'être rejetées comme irrecevables.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Par une délibération du 13 août 1997, l'assemblée de la Polynésie française a institué une indemnité de sujétions spéciales, en faveur notamment des fonctionnaires territoriaux, " pour tenir compte de situations particulières ". En vertu de l'article 2 de cette délibération, les modalités d'attribution et la liste des emplois et des bénéficiaires pouvant prétendre à cette indemnité sont arrêtées par le conseil des ministres, qui fixe, s'il y a lieu, les seuils minimum et maximum, conformément à une grille annexée à la délibération. Par un arrêté du 4 août 2005, le conseil des ministres a décidé que les responsables de certaines structures de la direction de la santé et les cadres A de la direction de la santé participant à la veille sanitaire dans le cadre d'une cellule d'alerte bénéficieraient d'une indemnité de sujétions spéciales en raison des compétences et aptitudes particulières qu'exigent les fonctions qu'ils exercent ou du surcroît exceptionnel de travail qu'elles imposent. Le conseil des ministres a fixé pour cette indemnité un montant plancher et un montant plafond et confié au président de la Polynésie française le pouvoir de décider du montant de l'indemnité à attribuer à chacun des agents.
3. L'arrêté du 4 août 2005 inclut dans la liste des agents devant bénéficier de cette indemnité les responsables de six centres de consultations spécialisées. M. B..., nommé responsable du centre de consultations spécialisées en maladies infectieuses et tropicales à partir du 1er février 2012, constatant que ce centre ne figure pas sur cette liste, a demandé, par une lettre datée du 25 juin 2012 adressée au directeur de la santé du ministère de la santé et de la solidarité de la Polynésie française, à bénéficier de " la même indemnité de sujétion que les responsables des autres centres de consultations spécialisées ". Cette demande a été rejetée par une décision du 10 novembre 2012. M. B... a réitéré sa demande par une lettre datée du 30 juin 2017 et il est né une décision implicite de rejet du silence gardé par l'administration sur cette demande.
4. La satisfaction éventuelle de la demande de M. B... exigeait la modification de l'arrêté du 4 août 2005 du conseil des ministres, qui est un acte à caractère règlementaire. Il suit de là que la décision implicite de rejet de la demande datée du 30 juin 2017 ne peut être regardée comme une décision confirmative de la décision du 10 novembre 2012, qui serait devenue définitive faute d'avoir été contestée dans le délai de recours contentieux. La fin de non-recevoir opposée par la Polynésie française aux conclusions de M. B... tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision implicite de rejet doit par suite être écartée.
Sur la légalité de la décision implicite de rejet en litige :
5. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier.
6. Le g) de l'article 9 de l'arrêté du 15 avril 2004 portant organisation du service de la direction de la santé définit les centres de consultations spécialisées comme des formations sanitaires rattachées administrativement à la subdivision des Iles du Vent. Il précise " qu'ils sont placés sous la responsabilité d'un personnel médical référent chargé de contribuer, à l'échelle territoriale, à l'élaboration des programmes et à la coordination des actions et des moyens nécessaires à leur mise en oeuvre dans le domaine spécialisé ".
7. Chacun des médecins responsables des centres de consultations spécialisées exerce ainsi les mêmes fonctions, qui sont réputées exiger les mêmes compétences et aptitudes particulières, et se trouve dans une situation identique au regard de l'objet de l'indemnité de sujétions spéciales prévue par l'arrêté du 4 août 2005. La différence de situation entre eux résultant de l'effectif des agents des centres de consultations spécialisées est susceptible d'être prise en compte pour moduler le montant de l'indemnité attribuée par le président de la Polynésie française, dans les conditions prévues par cet arrêté. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle soit en revanche de nature, sans créer une différence de traitement manifestement disproportionnée, à justifier que le responsable du centre de consultations spécialisées en maladies infectieuses et tropicales, même si son effectif ne compte que deux agents, soit privé de cette indemnité. Si la Polynésie française a fait valoir en première instance que ce centre allait être intégré dans un établissement public devant être créé, cette circonstance, tant que ce projet n'est pas réalisé, ne justifie pas que son responsable soit traité de manière différente de ses collègues.
8. Par ailleurs, si les indemnités de sujétions spéciales prévues par l'arrêté du 4 août 2005 sont " exclusives de toute autre indemnité de sujétions spéciales ", en vertu de son article 2, cette exclusion ne vaut pas pour les indemnités instituées par le texte lui-même. La circonstance que M. B... participe à la veille sanitaire dans le cadre d'une cellule d'alerte et bénéficie dans cette mesure d'une indemnité de sujétions spéciales au prorata du nombre de jours de veille réalisés ne fait ainsi pas obstacle à ce qu'une indemnité de sujétions spéciales, dont le montant devra le cas échéant être déterminé par le président de la Polynésie française, lui soit attribuée en raison de ses fonctions de responsable du centre de consultations spécialisées en maladies infectieuses et tropicales.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé sur demande du 30 juin 2017, qui méconnaît le principe d'égalité. S'il appartient à la Polynésie française de réexaminer la demande de M. B..., l'exécution du présent arrêt n'exige pas nécessairement qu'elle prenne une décision dans un sens déterminé. Les conclusions à fin d'injonction de M. B... doivent dès lors être rejetées. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la Polynésie française demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre la somme de 1 500 euros à la charge de la Polynésie française au titre de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1700385 du 29 mai 2018 du Tribunal administratif de la Polynésie française et la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par la Polynésie française sur la demande de M. B... datée du 30 juin 2017 sont annulés.
Article 2 : La Polynésie française versera la somme de 1 500 euros à M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la Polynésie française présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. A..., président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme Oriol, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 1er octobre 2019.
L'assesseur le plus ancien,
P. HAMONLe président-rapporteur
C. A...
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne à la ministre des outre-mer en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA02692