Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 9 février 2018 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il devait être reconduit.
Par un jugement n° 1801605 du 15 mai 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2018, M. D..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 15 mai 2018 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi contenues dans l'arrêté du 9 février 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans l'attente de ce réexamen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son Conseil,
Me C..., en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
M. D... soutient que :
- le tribunal a entaché son jugement d'omission à statuer en ce qu'il n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le jugement n'est pas correctement motivé, la preuve n'étant pas rapportée qu'il n'aurait pas transmis son dossier médical dans le délai imparti et les premiers juges ont considéré, à tort, qu'il se trouvait toujours dans le cas prévu par le 6° de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et pouvait faire l'objet d'une nouvelle obligation de quitter le territoire français alors qu'une précédente mesure d'éloignement avait été prise sur le même fondement le 15 décembre 2017 et rédigée de manière similaire ;
la décision portant obligation de quitter le territoire :
- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute pour l'administration de faire état de son état de santé alors qu'il a justifié de la gravité de cet état et de l'impossibilité à laquelle il est confronté de bénéficier de soins dans son pays d'origine ;
- est dépourvue de fondement légal, une précédente décision ayant le même objet étant intervenue le 15 décembre 2017, ce qui a pour conséquence de l'empêcher de pouvoir demander un titre sur un autre fondement ;
- méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 novembre 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., né le 5 septembre 1988 à Brazzaville, de nationalité congolaise (RDC), serait entré en France le 15 décembre 2014. Sa demande de reconnaissance du statut de réfugié politique a successivement été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) les 29 avril 2016 et 14 avril 2017 et les recours formés contre ces décisions ont été successivement rejetés par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) les
20 décembre 2016 et 29 juin 2017. Par un arrêté du 3 février 2016, le préfet du Val-de-Marne a obligé M. D... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ce dernier était susceptible d'être éloigné. Par un jugement définitif du 16 février 2016, le tribunal administratif de Melun a annulé ces décisions et a enjoint au préfet de Val-de-Marne de délivrer une autorisation provisoire de séjour à l'intéressé. Par un arrêté en date du 15 décembre 2017, le préfet du Val-de-Marne a pris à son encontre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français. Le 18 janvier 2018, M. D... a alors déposé une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 9 février 2018, le préfet du Val-de-Marne l'a à nouveau obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. D... relève appel du jugement du 15 mai 2018 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Contrairement à ce que le requérant soutient, le tribunal administratif a, aux points 4 et 5 du jugement attaqué, répondu au moyen de la violation de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, le jugement attaqué n'est pas entaché d'omission à statuer.
3. L'ensemble des autres moyens soulevés par M. D... relèvent en réalité du bien-fondé de la décision et non de la régularité du jugement contesté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
4. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Même si elle n'a pas été saisie d'une demande de titre de séjour au titre de l'état de santé, l'autorité administrative qui dispose d'éléments d'informations suffisamment précis et circonstanciés établissant qu'un étranger résidant habituellement sur le territoire français est susceptible de bénéficier des dispositions protectrices du 10° de l'article L. 511-4 du même code, doit, avant de prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire, saisir l'autorité médicale pour avis.
5. Si M. D... fait valoir qu'il a déposé, le 18 janvier 2018, une demande de titre de séjour en tant qu'étranger malade, il ne démontre pas que son dossier était alors complet et que les pièces réclamées par le préfet auraient effectivement été portées à la connaissance de l'autorité administrative à la date de l'arrêté litigieux. La demande de titre en qualité d'étranger malade étant en cours d'instruction, il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que le préfet aurait eu en sa possession, à la date de l'arrêté attaqué, des éléments précis lui permettant de considérer que M. D... entrait dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Le préfet du Val-de-Marne s'étant borné à tirer les conséquences du refus de reconnaissance de la qualité de réfugié à l'intéressé, sans préjudice de l'issue donnée à la nouvelle demande de titre déposée en qualité d'étranger malade dont les pièces du dossier révèlent qu'elle a continué d'être instruite, il en résulte que M. D... n'est fondé à soutenir, ni que l'arrêté attaqué méconnaîtrait les dispositions précitées de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni que la décision attaquée serait dépourvue de fondement légal et pas davantage qu'elle ferait obstacle à ce qu'il puisse demander la délivrance d'un titre de séjour sur un autre fondement que celui de demandeur d'asile.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Pour soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire aurait porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale, M. D... invoque la présence en France de sa fille biologique, ainsi que la qualité de son intégration. Il ne produit, toutefois, aucun document justifiant d'une intégration sociale, professionnelle, amicale ou associative ou démontrant qu'il entretient des liens avec sa fille. Il a par ailleurs fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement en février 2016 et en décembre 2017. Dans ce contexte, les documents produits par l'appelant, entré en France à l'âge de 26 ans, ne permettent pas de considérer que les attaches qui le relient à la France sont telles, que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire aurait porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée au regard de l'objectif poursuivi par cette décision. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse méconnait les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le préfet du Val-de-Marne Rhône aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
8. Il résulte de l'ensemble de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté contesté.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par le requérant, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du
10 juillet 1991 :
11. Les dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-467 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en tout état de cause obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une quelconque somme au bénéfice du conseil de M. D... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. B..., premier vice-président,
- M. Bernier, président assesseur,
- Mme A..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 24 septembre 2019.
Le rapporteur,
M. D. A... Le président,
M. B... Le greffier,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 18PA04029