Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1607357, 1607753 du 7 décembre 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 14 février 2018, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1607357, 1607753 du Tribunal administratif de Paris en date du 7 décembre 2017, en tant qu'il la concerne ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009, ainsi que des pénalités y afférentes ;
3°) de prononcer la jonction de cette instance avec celle présentée pour la SARL Cantonais ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la proposition de rectification n'est pas suffisamment motivée, dès lors qu'elle ne reprend pas intégralement les mentions de la proposition de rectification adressée à la société Cantonais ;
- le principe de 1'indépendance des procédures n'a pas été respecté ;
- l'administration n'établit pas qu'elle était le maître de l'affaire et qu'elle a appréhendé les sommes regardées comme distribuées par la société Cantonais ;
- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas suffisamment motivées ; le caractère délibéré du manquement qui lui est reproché n'est pas établi.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er août 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Cantonais, qui exploite un établissement de restauration et de vente de spécialités asiatiques, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le service, après avoir écarté sa comptabilité comme entachée de graves irrégularités, a procédé à la reconstitution de ses recettes et rehaussé ses résultats et chiffres d'affaires au titre des exercices clos en 2008 et 2009 et de la période correspondante. Le service a également considéré que les recettes non déclarées par la société constituaient, en application des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, des revenus distribués à son associée et gérante, Mme A..., taxables entre les mains de l'intéressée dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Celle-ci a, en conséquence de ces rectifications, été assujettie à des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2008 et 2009, assorties des intérêts de retard et des pénalités pour manquement délibéré prévues au a) de l'article 1729 du code général des impôts. Mme A... fait appel du jugement en date du 7 décembre 2017, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ".
3. Lorsque, à la suite d'une vérification de comptabilité d'une société passible de l'impôt sur les sociétés, des revenus réintégrés au résultat imposable de la société sont regardés comme distribués entre les mains d'un tiers et que l'administration entend imposer le bénéficiaire des distributions sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, il lui appartient d'informer ce dernier des motifs du redressement notifié à la société, dont procède le redressement notifié à son égard, afin de lui permettre, le cas échéant, d'en contester utilement le bien-fondé.
4. La requérante soutient que la proposition de rectification en date du 30 août 2011 n'est pas suffisamment motivée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales et du principe de l'indépendance des procédures.
5. La proposition de rectification adressée à Mme A... mentionne les années contrôlées et les impositions concernées. Elle précise la nature, le montant et les motifs des rectifications envisagées, procédant de la taxation entre les mains de Mme A..., dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, de sommes regardées comme distribuées par la société Cantonais, dont elle est la gérante de droit et l'une des associés. A cet effet, le vérificateur a reproduit les extraits de la proposition de rectification destinée à la société dans lesquels étaient exposées la méthode de reconstitution et les modalités de calcul du montant des recettes éludées qu'elle avait réalisées au titre des exercices clos en 2008 et 2009, qui ont été réintégrées aux résultats correspondants et considérées comme des distributions effectuées au profit de Mme A.... Il a également énoncé les circonstances de fait l'ayant conduit à estimer que l'intéressée était le maître de l'affaire et qu'elle avait appréhendé les revenus distribués correspondant aux recettes non déclarées par la société. Enfin, la proposition de rectification indique le montant des impositions et pénalités mises à la charge de Mme A..., qui disposait ainsi de l'ensemble des informations nécessaires pour les contester utilement. Elle est dès lors suffisamment motivée. Par suite, le moyen doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
6. D'une part, aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués: 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) " et qu'aux termes de l'article 110 de ce code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés (...) ".
7. D'autre part, aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) ".
8. Mme A... n'a pas contesté les rectifications correspondant aux sommes distribuées par la société Cantonais. Il lui appartient, dès lors, en application des dispositions précitées de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, d'établir le caractère exagéré des impositions procédant de la taxation de ces sommes ainsi que leur absence d'appréhension.
9. Il résulte de l'instruction que le service, après avoir écarté la comptabilité de la société Cantonais comme entachée de graves irrégularités, a reconstitué les résultats et chiffres d'affaires de ses exercices clos en 2008 et en 2009 en utilisant la méthode du riz, qui entre dans la composition de la majorité des plats proposés à la vente par la société, à partir des notes clients et des factures d'achat de riz, remises par la société lors des opérations de contrôle ou obtenues par l'administration grâce à l'exercice de son droit de communication. La requérante ne critique pas le rejet de la comptabilité de la société Cantonais ni la méthode de reconstitution retenue par l'administration, pas plus que les montants des recettes reconstituées et des charges d'exploitation mentionnés dans la proposition de rectification.
10. Par ailleurs, il n'est pas contesté que Mme A... détenait, à la date des distributions en litige, 50 % des parts de la société Cantonais et en était la gérante de droit. Elle disposait seule de la signature sur le compte bancaire de la société, gérait les relations avec les organismes bancaires et réglait les factures de ses fournisseurs. Elle était, également, l'interlocutrice principale des salariés de l'entreprise. Il n'est pas soutenu que l'autre associé aurait participé à la direction et à la gestion de celle-ci. Dans ces conditions, Mme A..., qui pouvait disposer sans contrôle des fonds sociaux, doit être regardée comme s'étant comportée en maître de l'affaire et comme ayant appréhendé les revenus distribués correspondant aux recettes non déclarées par la société Cantonais. Par suite, c'est à bon droit que l'administration l'a imposée à raison de ces distributions, dont l'existence et le montant ne sont pas contestés, sur le fondement des dispositions précitées du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.
Sur les pénalités :
11. En premier lieu, aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations ".
12. Il résulte de ces dispositions que l'administration a l'obligation, au moins trente jours avant la mise en recouvrement des pénalités visées par le second alinéa de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, d'adresser au contribuable un document comportant la motivation des pénalités qu'elle envisage de lui infliger et indiquant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour présenter ses observations. L'administration est tenue de renouveler cette formalité si, pour quelque motif que ce soit, elle modifie, avant leur mise en recouvrement, la base légale, la qualification ou les motifs des pénalités qu'elle se propose d'appliquer au contribuable.
13. La proposition de rectification du 30 août 2011 adressée à Mme A... vise, dans un paragraphe relatif aux pénalités, l'article 1729, a) du code général des impôts, indique le taux et le montant de la majoration que l'administration envisage d'infliger à l'intéressée et expose de façon précise et détaillée la nature des manquements qui lui sont reprochés ainsi que les circonstances de fait sur lesquelles le service s'est fondé pour caractériser l'intention de Mme A... de minorer l'impôt dont elle était redevable. Par ailleurs, le service a également rappelé le délai de trente jours laissé à l'intéressée pour présenter ses observations. Dans ces conditions, les pénalités en litige sont, contrairement à ce que soutient la requérante, suffisamment motivées au regard des dispositions précitées de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales.
14. En second lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. ".
15. Pour justifier l'application des pénalités pour manquement délibéré en litige, procédant de l'imposition des sommes distribuées par la société Cantonais, l'administration s'est notamment fondée sur la circonstance que Mme A... ne pouvait ignorer, en sa qualité d'associée et de gérante de cette société, que les distributions dont elle avait bénéficié correspondant aux recettes éludées de la société constituaient des revenus imposables qui devaient être déclarés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. En se fondant sur ces éléments, l'administration doit être regardée comme établissant l'intention délibérée de Mme A... de minorer l'impôt dont elle était redevable au titre des années 2008 et 2009. La circonstance évoquée que le service a accordé à la société Cantonais et à Mme A... le dégrèvement des impositions mises à leur charge à l'issue de précédents contrôles fiscaux, pour des motifs propres à la procédure de contrôle alors diligentée, est sans incidence sur l'appréciation portée par le service sur les manquements reprochés à Mme A... au titre des années contrôlées et leur caractère délibéré. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme justifiant du bien-fondé de la pénalité qui a été infligée à l'intéressée sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme D..., président assesseur,
- Mme Lescaut, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 septembre 2019.
Le rapporteur,
V. D...Le président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA00538